La police faisait payer le parking aux handicapés

(20min.ch)

Les personnes à mobilité réduite étaient prétéritées au moment de garer leur véhicule, mais désormais, la pratique va changer.

 

Antoine* gare habituellement sa voiture gratuitement et de façon illimitée sur les parkings payants. En tant que personne à mobilité réduite, il est au bénéfice d’un macaron de stationnement et une directive nationale l’autorise à procéder de la sorte. D’ailleurs, les mêmes facilités lui sont accordées dans la plupart des pays européens.

Or, la semaine dernière, il a reçu une amende à Renens, car il occupait une place payante sans avoir alimenté l’horodateur. Bien entendu, il a essayé d’expliquer à la police de l’Ouest lausannois qu’il s’agissait d’une erreur. Mais on lui a immédiatement répondu que non.

Dans les huit communes qui forment son territoire, PolOuest appliquait une politique restrictive en la matière. Les personnes en situation de handicap devaient ainsi payer comme les autres. Par contre, elles pouvaient recharger le parcmètre, ce qui est interdit aux autres utilisateurs. «Les policiers m’ont même expliqué qu’ils procédaient ainsi à cause des nombreux abus qu’il y avait eu par le passé», raconte Antoine.

Moralement répréhensible, mais légale

Vérification faite, la pratique n’est pas illégale. Si l’occupation illimitée d’une place de stationnement est effectivement prévue par la loi, les émoluments demeurent, quant à eux, une prérogative communale. Ainsi, même si elle est recommandée – et appliquée pour ainsi dire partout – la gratuité n’est pas une obligation.

Intrigué par cette histoire, le journal «20 minutes» a tenté d’obtenir une explication. Et, dans un premier temps, la réponse obtenue a été exactement la même que pour Antoine. «Ici, son macaron l’autorise à recharger les parcmètres de façon illimitée. Mais il est effectivement censé payer, contrairement à ce qui se fait à Lausanne, par exemple», soulignait la police de l’Ouest lausannois.

Pro Infirmis s’insurge

Contactée, la directrice cantonale de Pro Infirmis, Monique Richoz, a manifesté son incompréhension face à cette décision. «Il s’agit là d’une limitation préjudiciable pour les personnes handicapées, tant dans leur mobilité que dans leur intégration. Pour une fois que, sur le plan suisse, on leur accorde quelques facilités, il est inacceptable que certaines communes décident de les restreindre.»

Confrontée à ces questions, la sphère politique de l’Ouest lausannois s’est retrouvée dans l’embarras, à commencer par le syndic de Renens, Jean-François Clément, qui n’avait pas entendu parler de cette problématique. Quant au président du comité de direction de la police, Michel Farine, il a d’abord hésité. Puis, après avoir passé plusieurs coups de fil, il a fini par affirmer que la gratuité était en réalité accordée et que, pour l’amende reçue par Antoine, il s’agissait simplement d’une erreur commise par un policier.

Face à ces différentes réponses incompatibles entre elles, c’est le capitaine Olivier Fiaux qui, deux jours plus tard, a finalement tranché: la police de l’Ouest lausannois accordera désormais la gratuité aux personnes à mobilité réduite. «Nous allons nous aligner sur la pratique des communes voisines, dans un souci de cohérence. L’ordre de service sera donc modifié dans ce sens. Nous avions déjà évoqué cette question à l’interne, mais tous les policiers n’avaient pas été formellement informés de ce changement», commente-t-il.

* Prénom d’emprunt

A l’étranger pour s’ouvrir au monde

(Le Courrier Genève)

Les voyages à l’étranger ont la cote parmi les vacanciers en situation de handicap. Cap Loisirs explique pourquoi ils sont nécessaires. La Confédération en juge autrement.


Photo tirée de l’exposition du photographe Jean-Michel Etchemaïté consacrée aux activités de loisirs de Cap Loisirs. JM ETCHEMAÏTÉ

 

Dominique Hartmann

Genève
La plupart des organismes proposant des vacances pour les personnes avec handicap concoctent des offres l’étranger. Celles-ci sont plébiscitées, malgré la complexité que peut représenter le trajet lui-même ou les difficultés linguistiques. Cap Loisirs explique leur intérêt et comment le changement légal a eu une influence sur son activité. La fondation accompagne depuis 1980, à Genève, les loisirs de personnes avec une déficience intellectuelle.

«Nous vivons dans un monde qui n’est plus seulement local. Pour faire partie intégrante de la société, les personnes handicapées ont besoin de partager certains savoirs avec d’autres, et de ne pas rester enfermées dans leur monde», indique Bas Verheij, responsable des camps d’été à Cap Loisirs pour les personnes à besoins relativement restreints. Or l’abstraction est très difficile pour qui souffrent de déficiences mentales. «C’est sensoriellement qu’elles peuvent s’ouvrir à d’autre réalités, et donc enrichir leurs compétences.» Regarder des photos de la Tour Eiffel ne leur dira rien. II se souvient aussi de la prise de conscience de certains participants en voyage au Burkina Faso, où ils découvrent la rareté de l’eau. «Cette dimension écologique est devenue concrète.»

Le choix des destinations effectué par l’organisme genevois n’obéit pas au hasard: il vise à la fois à enrichir le quotidien des personnes en situation de handicap et à permettre des rencontres au-delà du personnel encadrant. Un voyage en Sicile a ainsi cherché à rencontrer la culture d’origine de l’un des moniteurs réguliers de Cap Loisirs, de même que sa famille. Au Burkina Faso, les participants ont exploré le monde des masques renvoyant aux masques du Lôtschental suisse. «A l’étranger, nous sommes tous un peu en situation de handicap. Du coup, le leur perd en importance», ajoute l’animateur.

Limitation de l’offre

«Voyager à l’étranger favorise à la fois le dépaysement et l’ouverture d’esprit, tout le monde le sait. Pourquoi les personnes handicapées en seraient-elles privées?» Le risque est pourtant réel. Depuis 2001, ces offres-là ne sont plus subventionnées par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS). Rolf Camenzind, responsable de la communication, rappelle que selon cette modification du Règlement sur l’assurance-invalidité, seules les activités «fournies en Suisse, de manière appropriée et économique» sont soutenues par la Confédération. En sous-main, l’idée que les subventions octroyées doivent être réengagées dans l’économie suisse. Comme l’explique Julien Garda, directeur de Cap Loisirs, ce changement a impliqué un surcoût, et un grand travail de recherche pour découvrir de nouveaux lieux adaptés. «Genève manque cruellement de tels lieux, la France voisine nous offrait des alternatives.»

Si l’intégration des personnes en situation de handicap ne lui semble pas forcément prétéritée par ce changement, l’ampleur et la qualité des offres en pâtit. Faire du chien de traîneau est abordable en France, pas en Suisse. «Les voyages à l’étranger ne représentent plus que 2 à 3% de notre offre», déplore Julien Garda. Dans un canton enclavé comme Genève, «ne pas pouvoir franchir la frontière empêche même de découvrir son environnement proche», ajoute Bas Verheij. La montagne, destination complexe Les déficiences mentales affectent souvent la coordination des mouvements, ou l’équilibre, rappelle aussi Bas Verheij: pour cette raison, la montagne – principal attrait suisse – ne figure pas forcément parmi les choix privilégiés des vacanciers.

Pour proposer des vacances à l’étranger, les organismes d’aide aux personnes handicapées ont eu deux possibilités: trouver davantage de soutiens privés ou augmenter le prix des voyages. Ce qui se heurte à une réalité crue: la rente invalidité maximale s’élève à 2350 francs par mois. Cap Loisirs a également dû réduire sa masse salariale pour compenser les surcoûts liés à ce changement de loi. Pour continuer à offrir l’accès à la mer à son public, notamment aux enfants, la fondation met désormais à profit la subvention cantonale.

Le handicap ne prend pas de vacances.

Alors que le but des congés consiste à laisser derrière soi les soucis du quotidien, les préparatifs peuvent être une source de stress pour les personnes en situation de handicap et leurs proches. Comment les vacances sont-elles abordées et préparées? Comment faire tomber les barrières comportementales ou environnementales et garantir une offre réellement inclusive? Le temps d’un été, Le Courrier se penche sur la question. CO

Accompagnante, l’occasion d’ «incroyables moments de partage» Toutes ces offres de loisirs nécessitent un accompagnement soutenu, qui varie en fonction des besoins spécifiques des participants. Melina Brede accompagne les activités de Cap Loisirs depuis 2002, à côté d’un emploi en médiation culturelle. C’est comme musicienne qu’elle a été engagée à l’époque, l’objectif de Cap Loisirs étant de nourrir les activités de compétences multiples. Le simple boulot d’étudiante en anthropologie deviendra un engagement au long cours. Notamment parce que «Cap Loisirs a su créer un esprit de famille. Les départs en camp sont toujours très joyeux, beaucoup se connaissent.»

Les débuts n’ont pourtant pas été seulement faciles: «Je ne n’étais pas du tout familière du handicap qui m’apparaissait comme un monde inconnu et un peu effrayant dont je n’avais pas les clés. Saurais-je gérer une crise d’épilepsie, côtoyer au quotidien des personnes ayant des handicaps tous différents?» Elle appréhendait les week-ends en conséquence et en revenait… ravie: «Derrière le handicap, il y a surtout différents êtres humains, chacun avec sa personnalité et son caractère propre, dotés d’une grande capacité à la spontanéité, bouleversant les normes, faisant souffler de l’air frais autour d’eux.» Le besoin de faire un travail utile n’explique pas à lui seul seize ans d’engagement : «J’y reçois aussi tant d’énergie, et j’y vis d’incroyables moments de partage.» Il s’agit aussi de permettre à des personnes d’accéder à davantage d’autonomie pour qui certaines situations sont difficiles.

Ces vacances ne servent pas seulement le besoin d’évasion. «Nombre d’entre elles ont un rythme très soutenu, rappelle Melina Brede. Leurs semaines sont très réglées, elles se lèvent tôt et travaillent en atelier protégé toute la journée.» Les soins spécifiques à chaque handicap alourdissent encore ce quotidien. «Du coup, elles sont aussi demandeuses de simples grasses matinées», remarque l’accompagnante. Avec un handicap, l’accès au délassement, qui permet à tout un chacun de reprendre souffle dans une semaine laborieuse, est plus aléatoire. Cap Loisirs organise donc des activités en semaine, sous la forme de cours (piscine, rock) d’ateliers créatifs ou de «mercredis aérés».

Les activités imaginées par la fondation visent particulièrement l’inclusion. «Les participants aiment fréquenter les mêmes lieux que les autres, ils ont d’ailleurs le contact très facile. Bien sûr, certains ont davantage d’inhibition que d’autres mais ils sont souvent les premiers sur la piste de danse et ils boostent l’ambiance, se réjouit Melina Brede. «Quand ils s’en vont, certains clients regrettent de les voir partir et les encouragent à revenir.» Si les lieux sollicités se montrent généralement très accueillants, tous leurs usagers n’ont pas la même ouverture d’esprit. L’accompagnante a encore en tête un commentaire désobligeant lâché par un fêtard: «Y a vraiment de tout, ici…» DHN

Trop de pouvoir pour les détectives

(Le Courrier Genève)

Le comité contre la surveillance des assurés dénonce une information partiale. Il porte plainte


Le comité référendaire contre la loi fédérale sur la surveillance des assurés hausse le ton. KEYSTONE-ARCHIVES

 

Fraude à l’assurance C’est la première escarmouche de campagne, mais elle est particulièrement précoce.

Le comité référendaire contre la nouvelle loi sur la surveillance des assurés a ouvert le feu lundi, bien avant la votation qui aura lieu le 25 novembre. Il vient de porter plainte contre l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et la Suva (Caisse nationale suisse d’assurances). Il les accuse de faire de la désinformation sur leurs sites web en prétendant que la police et les détectives engagés par les assureurs feront jeu égal.

Dimitri Rougy, membre du comité référendaire, a confirmé hier cette information de la Neue Ziircher Zeitung. Pour des raisons juridiques,
la plainte a été déposée auprès du Conseil d’Etat zurichois, mais si celui-ci se déclare incompétent, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’affaires, il appartiendra au Tribunal fédéral de trancher.

Lacune légale comblée

La nouvelle loi sur la surveillance des assurés a pour but de permettre à nouveau à la Suva et aux autres assurances sociales d’engager des détectives pour surveiller les personnes soupçonnées de fraude. En 2016, saisie d’un recours, la Cour européenne des droits de l’homme avait jugé la base légale insuffisante. Le parlement s’est empressé de combler cette lacune, mais la nouvelle loi qu’il a mise sous toit en mars suscite cette fois une opposition politique. Le référendum qui a été lancé par un comité citoyen au nom de la protection de la sphère privée a fini par rallier l’ensemble de la gauche.

La loi permet aux compagnies d’assurances de recourir à des enquêteurs privés qui disposeront de moyens d’enregistrement sonore et vidéo ainsi que d’instruments de localisation comme des traceurs GPS, voire des drones. Le recours à des instruments de localisation nécessitera cependant l’autorisation d’un juge. Les détectives pourront surveiller les éventuels fraudeurs s’ils se trouvent dans un lieu accessible au public ou dans un lieu qui est librement visible depuis un lieu accessible au public.

C’est là que le bât blesse. «Les détectives auront davantage de compétences que la police ou le Ministère public. Les autorités violent leur devoir d’objectivité en affirmant le contraire», déclare Dimitri Rougy.

«L’OFAS spécule sur la façon dont les tribunaux interpréteront la loi, mais il faut se référer au texte, explique-t-il. Le Code de procédure pénale auquel se réfère la police ne fait pas mention de la surveillance dans un lieu visible depuis un lieu accessible au public. Or cela permet de filmer une personne dans son salon depuis la rue.»

C’est faux, rétorque la Suva sur son site web, il n’est pas question de filmer des personnes dans leur appartement, mais éventuellement dans un jardin ou sur un balcon. A l’OFAS, le porte-parole Rolf Camenzind précise que «la protection de la sphère privée, qui est garantie par la Constitution, ne permet pas de procéder à des prises de vue dans le logement. Cela figure en toutes lettres dans le Code pénal. Il ne s’agit pas d’une interprétation future et indéfinie de la nouvelle loi.»

Des recours fréquents Cette polémique juridico-politique n’a rien d’inhabituel. Les recours contre les campagnes de votation sont de plus en plus fréquents. Avant le scrutin du mois de juin sur les jeux d’argent, le Parti pirate a recouu au Tribunal fédéral contre la Conférence des directeurs cantonaux et Swisslos en les accusant de se livrer à de la propagande.

L’initiative Monnaie pleine, soumise à votation le même jour, a aussi donné lieu à un recours pour désinformation. Et n’oublions pas le cas de l’initiative du PDC contre la pénalisation du mariage, rejetée de justesse en 2016. Le PDC a exigé une nouvelle votation après avoir appris que le nombre de couples mariés plus fortement taxés que les concubins était cinq fois plus important que celui qui figurait dans la brochure tout ménage envoyée aux électeurs.

Le recours du PDC est encore pendant, mais il est exceptionnel que de telles démarches aboutissent. «De mémoire d’homme, indique le porte-parole de la Chancellerie fédérale René Lenzin, je ne peux citer que le cas de la deuxième réforme de l’imposition des entreprises. Le Tribunal fédéral a reconnu dans un arrêt de décembre 2011 que le peuple n’avait pas été informé correctement avant le vote de février 2008, les pertes fiscales ayant été sous-évaluées. Mais il n’a pas demandé l’annulation du scrutin, car la réforme était déjà entrée en vigueur et cela aurait créé une insécurité juridique.»

Ils recourent contre la surveillance des assurés

(nxp/ats)

Le comité référendaire contre la loi fédérale sur la surveillance des assurés dénonce une communication tendancieuse concernant l’objet de la votation.


La conseillère nationale (Verts/GE) Lisa Mazzone avait soutenu le groupe référendaire lors du lancement du référendum. (Photo: Keystone)

 

La plainte du comité référendaire vise des publications officielles de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et de la caisse nationale d’assurance accident Suva. Selon les recourants, l’OFAS et la Suva y prétendent que tous les moyens techniques de surveillance seront soumis à autorisation et que les détectives n’auront pas davantage de pouvoirs que la police.

Cliquez sur l’image pour voir ou écouter la vidéo (source de la vidéo 20 min.ch)

Réponse de l’OFAS et de la Suva

En réaction à la plainte du comité référendaire, l’OFAS souligne mardi que l’utilisation d’instruments techniques pour surveiller des suspects n’est pas prévue par la loi, car cela ne serait pas compatible avec la volonté opposée du Parlement et du Conseil fédéral. Les assurances sociales n’auront pas non plus le droit d’espionner des suspects dans leur domaine privé protégé.

Contactée par Keystone-ATS, la Suva dit avoir pris acte du recours. La publication mise en cause reflète la position de caisse nationale d’assurance accident et se base sur le rapport de procédure de consultation, sur la position du Conseil fédéral et sur la pratique existante, explique l’assureur de droit public. Et de souligner que ces références sont mentionnées dans la publication.

Enregistrements et traceurs GPS

La nouvelle loi permettrait aux assurances sociales de faire surveiller des assurés par des détectives en cas de soupçon d’abus. Pour ce faire, les détectives pourront disposer de moyens d’enregistrement sonore et vidéo ainsi que d’instruments de géolocalisation comme les traceurs GPS. Ces derniers nécessitent l’autorisation d’un juge, contrairement aux enregistrements, rappelle le comité référendaire dans un communiqué diffusé mardi.

Un groupe de citoyens réunis autour de l’auteure alémanique Sibylle Berg a déposé le référendum contre la nouvelle loi fédérale. Le peuple suisse se prononcera dans quatre mois.

Aboutissement du référendum contre la base légale pour la surveillance des assurés

(Conseil fédéral)

Le référendum contre la modification du 16 mars 2018 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) (Base légale pour la surveillance des assurés) a abouti.

Le 4 juillet 2018 le comité référendaire a déposé 56’112 signatures contre la modification du 16 mars 2018 de la loi fédérale sur la partie générale du droit des assurances sociales (LPGA) (Base légale pour la surveillance des assurés). La Chancellerie fédérale a constaté, après vérification, que 56’025 des signatures déposées sont valables. Le référendum a donc formellement abouti.

Conformément à la décision du Conseil fédéral du 4 juillet 2018, cet objet sera soumis au vote populaire le 25 novembre 2018.