Agir sur le triage des patients

(Le Quotidien Jurassien)

Deux ans après le début de la pandémie, AGILE.CH relance ses exigences pour mieux protéger les personnes en situation de handicap face à la crise sanitaire. La faîtière demande désormais à ce que le triage des patients soit ancré dans la législation.

Les personnes en situations de handicap sont confrontées à des obstacles et des inégalités supplémentaires dans tous les domaines de la vie depuis l’émergence de la pandémie, rappelle lundi AGILE.CH. L’organisation vient d’actualiser sa prise de position sur le Covid, en posant des exigences claires pour améliorer la situation des personnes en situation de handicap. Pour la faîtière regroupant 41 organisations d’entraide se pose désormais la question d’ancrer le triage de patients dans la législation suisse, comme l’a décidé fin décembre le Tribunal fédéral constitutionnel d’Allemagne. AGILE.CH y voit l’avantage de renforcer la protection des personnes en situation de handicap dans leur droit constitutionnel à la vie et à l’intégrité physique, écrit-elle.

Postulat rejeté

«Un postulat allant dans ce sens a été déposé en 2020 par la conseillère aux États Maja Graf (Verts/BL), qui l’a retiré après rejet du Conseil fédéral», précise Catherine Rouvenaz, porte-parole pour la Suisse romande d’AGILE.CH. «Nous soutiendrons toute nouvelle intervention parlementaire allant dans ce sens.» Pour mémoire, en pleine seconde vague de coronavirus, les organisations AGILE.CH et Inclusion Handicap avaient contesté la discrimination des personnes en situation de handicap dans le cadre du triage. À la suite de quoi l’Académie suisse des sciences médicales (AS SM) avait revu les directives de triage à la mi-décembre 2020, excluant explicitement l’utilisation de l’échelle de fragilité pour les personnes en situation de handicap.

Règles 2G et 3G problématiques

L’organisation s’inquiète aujourd’hui des règles 2G et 3G pour le personnel assistant, qui peuvent priver les personnes handicapées d’accès à de nombreux lieux publics ou à leurs activités si leurs assistants ne sont pas vaccinés. «C’est la raison pour laquelle nous demandons au Conseil fédéral la gratuité des tests pour les personnes assistantes», poursuit Mme Rouvenaz.

La porte-parole rappelle que les mesures de quarantaine et d’isolement sont très problématiques, du moment où elles privent d’assistance des personnes en situation de handicap. Enfin, certains groupes de personnes handicapées échappent aux radars des campagnes de vaccination, par exemple les personnes qui dépendent de tuteurs. Certaines personnes autistes et phobiques sont également difficiles à vacciner dans les centres de vaccination. Selon les données de l’Office fédéral de la statistique, fin novembre 2021, plus de 1,8 million de personnes en situation de handicap vivaient en Suisse. ATS

Le rôle social des paysans en passe d’être enfin reconnu en suisse

(Terre & Nature / Les Pros de la Terre)

L’accueil à la ferme de personnes en rupture devient une réelle source de diversification pour les exploitants. Les initiatives se multiplient pour que la filière acquière un véritable statut auprès des pouvoirs publics.

Respectivement président et vice-président de l’association Agriculture sociale, Jean-Marc Bovay [à g.] et François Devenoge sont les chevilles ouvrières de la dynamique actuelle et de la professionnalisation de cette branche

 

Claire Muller

Nourrir le bétail, ramasser les oeufs, clôturer, bouturer les fraises: pendant six mois, Jonathan a vécu au rythme des saisons et de la vie d’une ferme. Le garçon de 20 ans, confronté à des difficultés d’insertion socioprofessionnelle et vivant jusqu’alors en foyer, en est ressorti grandi, confiant et avec une autonomie renforcée. L’expérience positive du Fribourgeois, qui lui a permis une intégration durable, pourrait bien faire tache d’huile. La Fondation de Fribourg pour la Jeunesse est en train de mettre sur pied un programme d’envergure, convaincue du potentiel pédagogique et thérapeutique du cadre terrien. «Nous sommes confrontés à un phénomène chronique de jeunes qui décrochent, se marginalisent et deviennent de plus en plus dépendants de l’aide sociale, observe Joanne Jaquier, éducatrice et responsable de ce projet Biosphères. L’immersion en milieu agricole offre un environnement propice à ces jeunes qui ont besoin d’être accueillis au sein d’un système de relations sociales authentiques et accomplir des tâches professionnelles qui fassent sens. Ils font l’expérience de la réalité du monde du travail, les tâches sont diversifiées, demandent peu de compétences et favorisent la prise d’initiative.» Cette vie dictée par la nature structure ainsi les journées du bénéficiaire, ce qui lui donne des repères stables sur lesquels s’appuyer pour se reconstruire.

Mieux rétribuer les agriculteurs

Le projet de la Fondation de Fribourg pour la Jeunesse fait écho à la démarche de paysans romands qui fournissent ce type de prestation depuis des années. Deux d’entre eux, Jean-Marc Bovay de Démoret (VD) et François Devenoge de Dizy (VD), viennent d’ailleurs de créer l’association Agriculture sociale, destinée à faire connaître et reconnaître les possibilités d’accueil et de réinsertion proposées par le secteur, mais aussi à harmoniser les pratiques en matière de rémunération. «Les personnes placées bénéficient d’un contexte intégratif plus stimulant qu’un atelier protégé et reçoivent parfois même un salaire d’employé les valorisant. Mais les agriculteurs, eux, ne sont pas toujours rétribués pour ce service», précise Jean-Marc Bovay, qui collabore depuis vingt ans avec des organisations comme l’AI, Pro Infirmis ou Caritas. L’association qu’ils ont fondée avec le soutien de Bio Suisse, Bio Vaud et Prométerre, et qui vient d’être récompensée par la Société vaudoise d’utilité publique, vise aussi à fédérer et garantir la qualité de l’offre. «Raison pour laquelle nous avons rejoint la plateforme nationale Carefarming, créée en 2015 et qui rassemblait déjà une vingtaine d’agriculteurs alémaniques», poursuit François Devenoge. D’ici à quelques semaines, toujours sous leur impulsion, une interprofession regroupant les différents acteurs de la branche sociale – paysans, institutions de placement, politiques – devrait voir le jour. «Cette professionnalisation que nous appelons de nos voeux devrait nous permettre d’obtenir davantage de reconnaissance de la part des pouvoirs publics, dont nous manquions jusqu’à présent cruellement.»

Un cadre légal à adapter

La mise sur pied d’une véritable filière permettra également de peser dans l’ajustement du cadre légal. «Aujourd’hui, le droit du travail et l’aménagement du territoire sont contraignants dans le développement de prestations sociales à la ferme, résume François Devenoge. En offrant de tels services d’inclusion, nous permettons la création d’emplois en milieu rural.Notre branche devrait être considérée comme l’agritourisme, c’est-à-dire comme une activité économique à part entière, soumise au calcul des UMOS (ndlr: unités de main- d’oeuvre standard) et donc intégrée à la fixation des paiements directs.»

Du côté des institutions, on se réjouit de cette dynamique. «Les demandes sont en constante évolution, et nous sommes en permanence en recherche de nouvelles familles d’accueil», confie David Hâusermann, responsable du placement familial auprès de Caritas. Car mettre la main à la pâte dans un environnement solidaire et participatif est particulièrement constructif pour les personnes au parcours de vie sinueux. «Ce n’est pas un secret, le travail de la terre permet de se reconnecter à soi-même, et la nature aide l’homme en détresse psychique à recouvrer la santé», dit Joanne Jaquier, qui prévoit de développer des projets permacoles et agroforestiers. Jonathan est, lui, convaincu par cette expérience: «Outre la ligne sur le CV, avoir une occupation quotidienne, me réaliser par le travail, produire des denrées alimentaires et les commercialiser, être actif au sein d’une communauté, assumer des responsabilités, voire transmettre mon expérience, m’a permis de prendre confiance en moi, de m’ouvrir socialement et en fin de compte de m’insérer durablement dans la vie active.»


Exemple à suivre

Les Pays-Bas font office de pionniers en la matière. Actuellement, 1350 fermes offrent des services sociaux à plus de 20 000 personnes – réfugiés, sans-abri, jeunes en rupture, personnes en situation de handicap ou souffrant d’une addiction. «Les familles paysannes hollandaises bénéficient du même soutien financier que les autres prestataires de soins, précise Jean-Marc Bovay. Elles sont reconnues par les pouvoirs publics, qui travaillent en étroite relation avec elles.» La démarche, fondée sur des valeurs altruistes, permet d’assurer un revenu conséquent aux agriculteurs.


Questions à…


Andréa Bory, Proconseil et Carefarming Suisse

 

En Romandie, comment évolue la demande pour des prestations sociales en agriculture?

Les collaborations entre les agriculteurs et Caritas, certains juges des mineurs ou le Service pour la protection de la jeunesse sont régulières depuis plusieurs décennies. Mais actuellement, davantage de personnes sont envoyées dans le milieu agricole pour leur reconstruction psychosociale. Ce sont des gens sortant de burn-out, des réfugiés, ou des retraités.

Pour les paysans, quel intérêt à proposer ce type de service?

Cette démarche d’accueil est source d’épanouissement et de reconnaissance pour des agriculteurs qui souhaitent redonner du sens à leur métier. Elle constitue également une source de diversification et d’amélioration du revenu, participe à rompre l’isolement dont souffre la profession, et à résoudre la difficulté de trouver de la main- d’oeuvre. En outre, l’accueil social permet à de petites structures familiales, pas toujours rentables, de trouver une stabilité.

Site: www.prometerre.ch/formation

Hippothérapie également en cas d’infirmité motrice cérébrale ou de trisomie 21

(Inclusion Handicap)

Inclusion Handicap est intervenue l’année dernière auprès de l’Office fédéral de la santé publique (OFSP), conjointement avec la Fondation suisse en faveur de l’enfant infirme moteur cérébral et l’Association Cerebral Suisse, pour l’introduction d’une prise en charge par l’assurance obligatoire des soins de l’hippothérapie en cas d’infirmité motrice cérébrale ou de trisomie 21: avec succès ! Depuis le 1er janvier 2022, l’obligation de prise en charge de l’hippothérapie s’applique également aux personnes ayant une infirmité motrice cérébrale ou une trisomie 21. Par conséquent, les thérapies dont le coût est pris en charge par l’AI jusqu’à l’âge de 20 ans peuvent être poursuivies au-delà de cet âge à la charge de l’assurance obligatoire des soins.

Lire les modifications de l’Ordonnance sur les prestations de l’assurance des soins sur le site de l’OPAS

L’«adaptivewear» habille les différences

(Le Temps)


Fondée en 2019. la marque autrichienne MOB Industries conçoit des vêtements optimisés pour les personnes en chaise roulante et pensés pour tous et toutes.(DR)

 

De plus en plus présente, la mode adaptée aux personnes en situation de handicap constitue un puissant vecteur d’intégration sociale et peut générer un impact universel.

Séverine Saas

Alain Zanchetta, 32 ans, est designer industriel. Parce qu’il est atteint d’une paralysie cérébrale depuis sa naissance, il s’est rapidement intéressé aux besoins des personnes en chaise roulante. En 2016, alors étudiant à la Haute Ecole d’art et de design de Lucerne, il met au point un sac en toile fixé sur un plateau en cuir rigide, stable, facile à poser sur les genoux. Fabriqué au Tessin à partir de matériaux durables, l’accessoire permet de faire ses courses en toute autonomie et peut être porté à l’épaule, en bandoulière ou attaché au fauteuil roulant.

Baptisé Transporta, il présente un autre avantage: il est sobre, élégant et cool. Au point qu’aujourd’hui, Atozed, la marque d’Alain Zanchetta, compte plusieurs clients valides, séduits par son design universel. «Nous voulons tous et toutes porter des choses pratiques et jolies, quelles que soient les limites de notre corps», souligne le créateur.

Ce message, la mode a mis du temps à l’intégrer. Malgré ses promesses de démocratisation du beau et du chic, l’industrie du prêt-à-porter n’a cessé de standardiser les tailles et les formes des vêtements à des fins de rendement. Exclues de fait de la création contemporaine, les personnes en situation de handicap ont été cantonnées, au mieux, à des pièces purement fonctionnelles, survêtements ternes et grosses chaussures à scratch en tête de gondole. Aujourd’hui, la roue du style tourne.

En 2017, Tommy Hilfiger est devenu le premier designer mondialement connu à décliner ses créations pour tous types de handicaps, sans rien sacrifier de l’allure sportswear et des logos de sa marque. Une année plus tard, Asos, géant du prêt-à-porter en ligne, commercialisait un survêtement waterproof couleur arc-en-ciel, optimisé pour les femmes en fauteuil roulant mais pensé pour toutes.

Sur le florissant marché de la sneaker (chaussure de sport destinée à un usage citadin), Nike a lancé début 2021 la première chaussure à enfiler sans les mains et sans se baisser, un modèle aux lignes particulièrement futuristes. Dans l’océan de la mode globalisée, ces initiatives mariant inclusion et esthétique sont des gouttes d’eau. Mais la vague est amorcée.

Depuis 2013 et l’effondrement de l’usine Rana Plaza, au Bangladesh, qui a tué plus d’un millier d’ouvriers et d’ouvrières travaillant pour des enseignes occidentales, la mode a dû se réinventer. En cherchant à devenir plus responsable, elle a compris qu’il fallait aussi servir les communautés non représentées par ses standards de beauté.

«D’ailleurs, partout dans le monde, des activistes portent la voix de ces groupes minorisés à travers les réseaux sociaux, les médias se faisant aussi l’écho de leurs messages», analyse Teresa Maranzano, active depuis dix ans au sein de l’association suisse ASA-Handicap mental. En 2019, en étroite collaboration avec des personnes ayant divers types de handicaps, elle a lancé «Tu es canon», un programme visant à promouvoir la mode inclusive par le biais de colloques, d’un blog (tu-es-canon.ch), ou la publication d’un manifeste au niveau national (tu-es-canon.ch/manifeste).

Sentiment d’appartenance

Par-delà les considérations morales, le potentiel commercial de la mode adaptée aux différents types de handicaps (adaptivewear en langage globish) est colossal. Selon Inclusion Handicap, la faîtière des organisations suisses de personnes handicapées, quelque 1,7 million de personnes vivant dans notre pays sont en situation de handicap, soit plus d’une personne sur cinq. Et, à en croire la société américaine Coherent Market Insight, le marché global de l’adaptivewear devrait dépasser les 392 milliards de dollars en 2026 (contre 278,87 milliards en 2017).

Reste cette épineuse question: que peut le style face au handicap? Peut-on décemment penser qu’une belle veste ou qu’une jolie robe participe au bien-être d’un individu souffrant de limitations physiques ou cognitives? Ou s’agit-il d’une projection validiste et mercantile? «Comme dans le reste de la population, certaines personnes se soucient de leur allure, d’autres pas. Je pense aussi que l’envie de mode apparaît une fois que l’on a accepté son handicap. Dans ces cas-là, s’habiller seule et selon ses propres goûts contribue à développer l’autonomie et le sentiment d’appartenance à la société», avance Alain Zanchetta.

Maud Leibundgut parle, elle, d’une «révélation». L’année passée, cette psychologue a participé à un workshop sur la mode inclusive organisé par la Haute Ecole d’art de design à Genève (HEAD), sur le mandat d’ASA-Handicap mental. Grâce à de nombreux échanges, une quinzaine d’élèves ont imaginé une tenue et des accessoires adaptés à la mobilité réduite de son bras gauche. Et à ses envies. Un t-shirt sans endroit ni envers, un kimono à boutons aimantés, un bracelet à ouverture ergonomique. Du jamais vu pour la modèle de 41 ans, habituée à choisir ses vêtements «par défaut» dans les boutiques de mode. «Un champ des possibles s’est ouvert à moi. Ces beaux habits me donnent une allure et permettent de m’affirmer en tant que femme.»

On l’aura compris: une mode pleinement «adaptive», fonctionnelle et stylée, suppose que les designers soient exposés à tous types de corps. Les corps immoblisés, les corps spastiques, les corps aveugles, les corps sourds. Pour que les différences forgent les standards de la création, et non l’inverse.

Avantages pour tous

C’est tout le propos de MOB Industries. Fondée en 2019 à Vienne, cette griffe de mode aux accents streetwear propose un large éventail de vêtements optimisés pour les utilisateurs et utilisatrices de fauteuil roulant. «Nos pièces sont développées dès la première seconde avec des personnes en situation de handicap physique ou cognitif. Leurs demandes – des boutons magnétiques, des tailles élastiques, l’absence de poches arrière sur les pantalons -, constituent nos normes, qui sont ensuite adaptées pour tout le monde», détaille la cofondatrice Josefine Thom, soulignant que ces caractéristiques offrent aussi de précieux avantages pour les personnes valides. Louana Aladjem en est persuadée: l’expérience des personnes handicapées peut changer notre propre rapport au vêtement. Pour sa collection de Bachelor (2020), cette étudiante en mode à la HEAD s’est entretenue avec plusieurs personnes aveugles pour mettre au point des tenues adaptées à leur quotidien. Veste à motifs surpiqués, pantalon en velours floqué, robe imprimée de phrases en braille ou étiquettes à QR code au niveau des manches pour une description audio de l’habit: autant de détails qui génèrent une hyperconscience des matières et des formes, que l’on
soit voyant ou non.

«En redécouvrant et en développant notre sensibilité tactile, nous prêtons davantage attention à la composition des vêtements. A terme, cela pourrait nous encourager à consommer de façon plus responsable», explique la créatrice. En mode comme ailleurs, l’adaptation n’est pas une voie à sens unique.

Experts de l’AI pointés du doigt

(Le courrier)

Les patients lésés cérébraux dénoncent le peu de formation de leurs évaluateurs.


Les personnes qui ont souffert de lésions au cerveau en gardent souvent d’importantes séquelles. KEYSTONE- ARCHIVES

 

Pierre-André Sieber

Depuis le ler janvier, la révision de la loi sur l’assurance-invalidité (AI) est en vigueur. Fragile Suisse, association de patients souffrant de lésions cérébrales, n’en est pas contente et le dit dans un manifeste. Elle souligne que, chaque année, 22 000 personnes sont frappées d’une lésion au cerveau. Au total, quelque 130 000 patients doivent vivre avec des séquelles. Les experts de l’AI qui sont chargés d’évaluer leur dossier devraient être des spécialistes confirmés, ce qui n’est pas garanti. Les explications de Rolf Frischknecht, ancien médecin du CHUV spécialiste de la réhabilitation, membre de Fragile Suisse.

Pourquoi cette révision n’est pas suffisante aux yeux de Fragile Suisse?

Rolf Frischknecht:Fragile Suisse salue les efforts de l’assurance-invalidité visant à améliorer la qualité des expertises. Malheureusement, les mesures préconisées ne garantissent aucunement que les experts qui évaluent des personnes victimes de lésions cérébrales aient le savoir approfondi et l’expérience requise pour ce type d’activité.

«Le manque d’expérience est une source d’erreurs fréquentes»
Rolf Frischknecht

Le fonctionnement du cerveau est très complexe. Il n’est pas surprenant dès lors que les troubles consécutifs à des lésions cérébrales le soient aussi. Les troubles sont souvent difficiles à comprendre pour des personnes qui n’en ont pas l’habitude. Le manque d’expertise de beaucoup d’acteurs des domaines médical, social, administratif et judiciaire entraîne des méprises qui privent les personnes concernées du plein accès aux prestations que la loi prévoit pour eux.

Quelles aptitudes faut-il avoir?

Des connaissances amples et approfondies du fonctionnement cérébral. Mais c’est insuffisant.

Il faut pouvoir appliquer ce savoir dans des situations où le cerveau est lésé. Il faut pouvoir analyser l’impact d’une lésion cérébrale sur le fonctionnement du cerveau dans son ensemble et en déduire les conséquences. Il faut savoir rechercher les signes de dysfonction cérébrale dans la vie de tous les jours et dans la vie professionnelle des patients. L’expérience dans les domaines de la réadaptation
et du suivi à long terme est requise. S’y ajoute qu’une lésion cérébrale a rapidement des répercussions sur d’autres systèmes, tels que l’appareil locomoteur ou la vision.

A votre avis, les experts de l’AI se trompent-ils souvent?

Hélas! Pour pouvoir évaluer correctement des personnes victimes de lésions cérébrales et repérer l’ensemble des dysfonctions, un examen soigneux et des observations prolongées dans des situations concrètes de la vie sont nécessaires. Malheureusement, les experts n’ont souvent pas le temps de le faire, ce qui conduit à des conclusions erronées. Le manque d’expérience avec des personnes victimes de lésions cérébrales est aussi une source d’erreurs fréquentes. L’expert évalue mal l’impact sur la vie professionnelle ou de tous les jours.

Les employeurs sont-ils disposés à engager des personnes souffrant de lésions cérébrales ou de séquelles?

Il n’y a aucune obligation. Et il n’y a pas d’incitations non plus à le faire. Quelques employeurs adaptent la place de travail d’un
employé pour lui permettre de poursuivre son activité professionnelle. Ils le font par souci humanitaire et par gratitude pour services rendus. Un cas de figure peu fréquent.

Que faudrait-il faire pour soutenir les quelque 300000 proches aidant des gens victimes de lésions cérébrales?

La situation est particulièrement difficile pour des proches qui doivent travailler en raison de revenus insuffisants. Ceux qui arrêtent leur activité professionnelle pour soigner un proche ne perdent pas seulement leur salaire, mais sont aussi pénalisés sur le plan de leur prévoyance.

Les soins à domicile devraient s’organiser de manière à pouvoir assurer des soins de relève avec l’intensité requise et de telles prestations devraient être prises en charge par les assurances sociales. En cas de nécessité, les proches aidants devraient être soutenus financièrement, notamment si la société fait des économies grâce à l’intervention de ce proche mis à contribution.
LA LIBERTÉ