Comment l’IA peut aider la scolarité des aveugles et malvoyants

(ictjournal.ch)

par Yannick Chavanne

Distingué par le 1er prix de l’innovation de la Fondation Asile des aveugles, un projet de la Haute école de gestion Arc (HEG Arc) forme une IA capable de convertir automatiquement les manuels scolaires pour les rendre accessibles aux personnes en situation de handicap visuel. Explications.


Une transcriptrice adaptatrice travaille sur un manuel de mathématiques pour le rendre accessible. (Source: Fondation Asile des aveugles)

 

Et si l’intelligence artificielle pouvait aider les personnes aveugles et malvoyantes à se former? En Suise romande, une équipe de chercheurs de la Haute école de gestion Arc (HEG Arc) à Neuchâtel a su répondre par l’affirmative. Mené en collaboration avec le Centre pédagogique pour élèves handicapés de la vue (CPHV), le projet «Conversion accessible automatique de manuels scolaires» a récemment été distingué par le 1er prix de l’innovation de la Fondation Asile des aveugles.


Les chercheurs qui mènent le projet à la HEG Arc (de gauche à droite): Maximiliano Jeanneret Medina, Cédric Benoit et Cédric Baudet. (Source: Fondation Asile des aveugles)

 

Soutenir la tâche des transcripteurs-adaptateurs

Contacté par la rédaction, Cédric Baudet, professeur et chercheur à la HEG Arc, explique que la phase pilote a déjà permis de créer un logiciel capable de soutenir la tâche des transcripteurs-adaptateurs en Suisse. Ces derniers travaillent à rendre accessible le matériel pédagogique numérique (manuels scolaires au format PDF, supports de cours, slides, etc.) aux apprenants en situation de handicap visuel.

Les algorithmes d’IA ont été formés par les chercheurs à partir des technologies de reconnaissance d’image (les textes étant ici analysés comme s’il s’agissait d’images). Il a été nécessaire d’entraîner des modèles de deep learning à comprendre la mise en page très spécifique de ce matériel. «Quand on alimente l’intelligence artificielle, on lui fournit des supports de cours et des exercices qui doivent être labellisés pour désigner tous les éléments spécifiques, par exemple une consigne, une image, une zone de réponse, etc.», détaille Cédric Baudet. Une fois l’étiquetage suffisant, l’IA peut reproduire dans des contextes différents ce qu’elle a appris.

Transcription en toute autonomie

Après cette phase pilote, le projet de recherche se poursuit. L’objectif est double: améliorer l’IA créée, mais aussi permettre l’utilisation du logiciel directement par les personnes aveugles et malvoyantes. Il ne s’agit pas de pouvoir se passer du travail complexe et précis des transcripteurs-adaptateurs, mais de donner la possibilité de produire en toute autonomie, par exemple directement en classe, une conversion simple de support pédagogique qui n’aurait pas été transcrit et adapté. Notamment pour des documents originaux créés par les enseignants.

Pour améliorer cette IA, le défi consiste à trouver assez de contenus pour l’alimenter. Or pour des questions de droits, les départements de l’instruction publique ou les éditeurs ne donnent pas directement accès à leurs supports, souligne Cédric Baudet. Le professeur espère que de nouvelles discussions changeront la donne. Formé à partir de matériel en français, le logiciel pourrait à l’avenir être adapté aux autres langues nationales.

Un foyer pour jeunes handicapés est dans le collimateur

(ats)

À Genève, le fonctionnement du foyer de Mancy qui accueille des jeunes souffrant d’autisme ou de déficiences intellectuelles fait l’objet de critiques relayées dans la presse. Le Département de l’instruction publique (DIP) admet des difficultés importantes de prise en charge d’enfants avec des troubles sévères.


Les déclarations recueillies par l’Illustré font suite à un témoignage de Natacha Koutchoumov, maman d’un adolescent atteint d’un autisme sévère mais aussi présidente de l’association Autisme Genève et co-directrice de la Comédie de Genève. (archives) KEYSTONE

 

«Il n’est pas question de maltraitance», relève Pierre-Antoine Preti, secrétaire général adjoint du DIP, dans une interview publiée dans l’Illustré paru jeudi. Il ajoute qu’une fois ces difficultés connues, des mesures ont été immédiatement mises en œuvre, dont un accompagnement de l’équipe par un professionnel de l’autisme et des investissements dans les locaux, le mobilier et les équipements.

«Un audit a été mis en place par un organisme externe pour obtenir une évaluation objective de la situation», ajoute M.Preti en précisant que la direction a changé. «Le nouveau directeur du secteur dont dépend ce foyer bénéficie d’une solide expérience du domaine», a-t-il relevé.

Blessures

Ces déclarations recueillies par l’hebdomadaire romand font suite à un témoignage de Natacha Koutchoumov, maman d’un adolescent atteint d’un autisme sévère mais aussi présidente de l’association Autisme Genève et co-directrice de la Comédie de Genève. Dans un long entretien, elle raconte comment son fils a dépéri dans ces locaux vétustes et inadaptés, sans prise en charge structurée.

Natacha Koutchoumov décrit, photos à l’appui, la contention avec un drap-housse infligée pendant des mois à son fils pour éviter qu’il ne se blesse en se mutilant. Elle déplore «des blessures qui auraient pu être évitées avec un encadrement adapté». Elle a finalement sorti son fils de ce foyer situé à Collonge-Bellerive en août 2020 après avoir observé des signes de violence physique à son égard.

Demandes en hausse

Natacha Koutchoumov compte porter plainte. Elle demande aussi un état des lieux de l’autisme à Genève. Selon le DIP, Genève a investi de moyens importants ces dernières années dans ce domaine. «Il faut réaliser que la demande a explosé depuis cinq à dix ans, au niveau des infrastructures tant scolaires que résidentielles», relève M. Preti.

Les dysfonctionnements de ce foyer avaient été révélés il y a deux semaines dans une enquête du Temps. La journaliste s’était notamment appuyée sur des témoignages d’anciens collaborateurs et de personnes encore en poste dans ce foyer qui accueille une dizaine de jeunes de 8 à 18 ans.

Regarder l’autisme dans les yeux

(l’Illustré)

Pourquoi avons-nous du mal à regarder en face le handicap?

L’histoire poignante que nous révèle Natacha Koutchoumov – codirectrice de la Comédie de Genève – au sujet de son fils atteint d’autisme sévère met au jour une situation intolérable. A Genève, en 2021, certaines institutions s’avèrent incapables de gérer avec humanité et professionnalisme une personne différente.


Stéphane Benoit-Godet, Rédacteur en chef

 

L’histoire du jeune Elias est édifiante sur bien des points: pas de structures professionnelles de prise en charge de l’autisme, un personnel qui – même si certains membres font preuve d’engagement et d’abnégation s’avère totalement dépassé, une administration aux abonnés absents et une responsable politique incapable d’empathie. A la fin, c’est une personne et sa famille qui en subissent de lourdes conséquences.

Natacha Koutchoumov déposera plainte pour Elias, mais aussi pour toutes les personnes atypiques qui connaissent ou pourraient connaître un tel enfer. Saluons le courage de cette mère touchée dans sa chair. Saluons aussi celui de la citoyenne qui veut faire progresser ce qui ne devrait pas être «sa» cause, mais celle de nous tous pour combattre l’inégalité de traitements entre les types de handicaps ainsi que faire respecter le droit à la dignité et au respect de chacun.

Est-ce seulement le cas du canton du bout du lac ou une réalité très installée dans notre culture et notre comportement? Nous ne savons pas gérer la différence quand il s’agit de handicap (c’est le cas de l’autisme) ou de maladie (l’autisme n’en est pas une, c’est un trouble du neuro-développement). Ces difficultés installées dans la durée ou plus temporaires font peur et, plutôt que de s’y confronter, on les évacue.

C’est évidemment irraisonné, indigne, mais c’est le meilleur moyen que les autorités ont trouvé pour éviter de tendre la main à une population pourtant bien présente et dans le besoin. Alors que le handicap mérite une meilleure prise en compte dans la société, il faut s’emparer de ce thème dans les discussions en famille, au travail et dans tous les cercles avant d’espérer faire bouger nos politiques à ce sujet. Elias et ses compagnons d’infortune ne demandent pas autre chose.

«Ce foyer a toujours connu des problèmes»

(Le Temps)

Directrice de l’association Autisme Genève, Elvira David Coppex réagit à l’enquête du «Temps» sur de graves dysfonctionnements dans un établissement genevois géré par l’Office médico-pédagogique. Elle évoque l’immense travail, souvent invisible, des familles.

Propos recueillis par Sylvia Revello

«Aujourd’hui, à Genève, on dénonce dans la presse une situation au sein d’un foyer où des enfants autistes ou porteurs d’autres handicaps subissent des maltraitances institutionnelles.Des enfants qui ont souffert,dans un silence assourdissant.»Suite à l’enquête du Temps parue vendredi dernier, faisant état de graves dysfonctionnements dans une structure gérée par l’Office médico-pédagogique (OMP), l’association Autisme Genève a pris position publiquement. Pour la directrice Elvira David Coppex, les familles sont les grandes oubliées du débat alors même qu’elles jouent un rôle clé. Au-delà du cas particulier du foyer, la prise en charge des jeunes autistes est, à ses yeux,loin d’être exemplaire; entre parents livrés à eux-mêmes,professionnels débordés ou mal formés et manque d’écoute de l’État.

Dans votre communiqué, vous vous dites atterrés, consternés. Qu’est-ce qui vous révolte?

Depuis des années, on nous dit que tout est sous contrôle, que les dysfonctionnements sont liés à un manque de moyens, que les problèmes vont se régler, mais au final, les choses en sont toujours au même point. Les réponses de l’OMP, qui peine à se remettre en question, sont toujours très floues. En fin de compte, c’est toujours la faute de personne et pendant ce temps, les enfants atteints de troubles sont les premiers à pâtir de la situation.

Vous suivez la situation du foyer en question depuis des années, comment en est-on arrivé là?

Notre association a alerté l’OMP à plusieurs reprises, des interventions ont été promises mais au final les dysfonctionnements perdurent. Le sentiment général c’est que ce foyer précis a toujours connu des problèmes. Curieusement,un autre établissement accueillant des situations similaires semble, lui, donner satisfaction. Le problème c’est qu’en cas de crise, la marge de manœuvre de l’État est très faible en général. Que cela soit pour motiver les équipes ou pour les prier de corriger le tir,la hiérarchie est paralysée parses règlements et ses rigidités.

Notre sentiment,c’est que l’OMP a toujours un train de retard. A l’origine, il y a très certainement un manque de moyens dédiés, mais aussi de vision stratégique à long terme. Les lacunes en matière de formation spécialisée en autisme compliquent encore la situation.Il est pourtant prouvé qu’un accompagnement adapté, par des collaborateurs bien formés avec des objectifs pertinents,permet à un grand nombre d’élèves différents d’intégrer l’école ordinaire. Au lieu de ça,l’État réagit dans l’urgence. Face à la hausse des demandes,des écoles spécialisées poussent comme des champignons et beaucoup d’enfants y sont orientés. Il y a bien sûr des professionnels qui s’investissent sans compter, mais les familles qui nous consultent sont celles qui rencontrent des difficultés. Et à travers les années, nous ne pouvons que déplorer que leur nombre ait grandi.

Être parent d’un enfant autiste, qu’est-ce que ça implique?

Les situations sont toutes uniques,mais ce qui caractérise notre rôle, c’est l’intensité. Nous avons plus de rendez-vous avec des spécialistes, plus de charge mentale,plus de cris, plus d’inquiétude,plus d’incompréhension, plus de planification, plus de formulaires à remplir, plus de remise en question… Mais aussi, il faut le dire, plus d’émerveillement devant les petites et grandes victoires de nos enfants.

«Que faire d’un diagnostic d’autisme quand ensuite on peine à trouver des spécialistes?» Elvira David Coppex, directrice de l’association Autisme Genève

 

A quelles difficultés êtes-vous confrontés au quotidien?`

Avoir un enfant différent, ça reste le parcours du combattant. En tant que parents, on souffre de la rigidité du système, du manque d’écoute. La seule chose qui se soit vraiment améliorée ces dernières années c’est la possibilité d’obtenir un diagnostic un peu plus rapidement, pour les tout-petits. Mais que faire d’un diagnostic quand ensuite on peine à trouver des psychologues,des spécialistes en logopédie,ergothérapie ou encore psychomotricité, qu’on s’inquiète pour l’école, les loisirs, les thérapies,mais aussi pour leur avenir entant qu’adulte. Une charge immense repose sur les épaules des parents qui se sentent souvent démunis. Ceux qui ont les moyens peuvent mettre leurs enfants dans le privé, mais ce n’est pas le cas de tout le monde. Sans parler du manque de places.

Vous évoquez un jugement permanent sur les enfants autistes, comment cela se manifeste?

Imaginez: tout à coup, vous êtes parachuté, du jour au lendemain dans une petite ville en plein milieu de la Chine. La langue est différente,la culture, les habitudes sont différentes, vous ne comprenez rien à rien, vous n’avez aucune idée de ce qu’il faut faire pour bien faire. Vous avez beau vous démener pour vous intégrer, comme vous n’avez pas les clefs de compréhension, tous ces Chinois vous regardent avec méfiance et circonspection. Vous vous angoissez car vous ne comprenez finalement pas ce qui est attendu. C’est un peu ça, être autiste, à Genève.

Dans votre communiqué, vous affirmez que Genève a la capacité d’être exemplaire en matière de compréhension, d’accueil et d’accompagnement des personnes autistes. Par où commencer?

Nous n’avons pas envie de créer une énième commission consultative cantonale sur le handicap qui réunira des fonctionnaires épuisés qui produiront un règlement que le terrain s’empressera de ne pas respecter. Ou encore une nouvelle loi sur le handicap qui mobilisera les collaborateurs de tout l’État pendant cinq ans et sera piétinée aussitôt sortie. La sensibilisation du grand public pourrait en revanche être à l’origine de grands changements. A travers l’inclusion scolaire notamment, nous pourrions habituer les enfants à côtoyer des personnes aux comportements différents et à respecter cela. Il faudrait aussi que les institutions soutiennent nos projets innovants, accueillent nos propositions de formation, d’aide et de soutien.

L’art est-il par essence engagé ?

(Le Nouvelliste)

Forme et fond

Il est souvent admis que les temps de crise sont pour corollaire direct une production artistique densifiée et enracinée dans les troubles de l’époque. Le Valais ne fait pas exception à la règle implicite, comme le démontrent beaucoup de projets qui font bouger les lignes.

Par Jean François Albelda

On doit beaucoup à Sartre, à son existentialisme émancipateur et à cette figure de «l’intellectuel engagé» qu’il fit naître au milieu du xxe siècle. Après-guerre et avant-garde… L’époque était marquée par les troubles sociaux, lutte pour les droits civiques aux États-Unis, succession de conflits armés, Indochine, Cuba, Vietnam… Jusqu’à la révolution culturelle de Mai 68. Forcément, de Dylan à Warhol, de Marvin Gaye à Albert Camus, la contestation, la protestation et même la subversion s’invitent dans la production artistique de cette époque charnière.

Aujourd’hui, l’humanité est confrontée à une crise majeure, globale, et l’impact de la pandémie sur les structures et les acteurs culturels a été décrit, analysé, contextualisé à de très nombreuses reprises. De l’engagement, il y en a eu beaucoup, chez les créatrices et créateurs, comme au sein des institutions, pour trouver de nouvelles voies, pour faire corps face aux dégâts causés par le Covid- 19. Cependant, l’urgence du moment n’efface pas les autres luttes, les autres causes pour lesquelles le monde de l’art se mobilise.

Directeur de l’Edhéa (École de design et haute école d’art du Valais), Jean-Paul Felley est au cœur de la vibration naissante et peut observer combien ses locaux sont une chambre de résonance pour les questions sociétales qui agitent le monde. «Il y a eu l’urgence, c’est vrai. On n’a peut-être pas encore le recul nécessaire pour voir comment la pandémie pourra influencer la création à venir. Ce que je sens, c’est qu’après une phase de virtualisation intense, d’ultra-connexion, nous aurons un retour du corps, du physique, de la matière.» Un engagement pour le réel, donc. Mais au-delà de la problématique sanitaire?

«Pour moi, les œuvres d’art doivent s’affirmer par leur force seule, sans forcément être rattachées à des thématiques, sans être le reflet fidèle d’une société », nuance-t-il. «Après des discours, les historiens, les analystes se greffent sur la création. Mais ce que je peux observer, c’est que les questions du genre, de l’inclusivité, de la place de la femme et des communautés LGBT+ dans le monde de l’art en général sont très discutées actuellement.» Il cite notamment le Palais de Tokyo à Paris, engagé pour la cause LGBT+, et au cœur d’une polémique pour avoir coorganisé une exposition avec le Qatar, pays extrêmement dur envers les membres de cette communauté. «Au sein de l’école, je vois également que ce thème est très présent et habite les discussions comme les créations.» Un indicateur intéressant quant à cette porosité entre le sociétal et le culturel.

Les questions du genre, de l’inclusivité, de la place de la femme et des communautés LGBT+ sont très présentes aujourd’hui dans le monde de l’art en général» . Jean-Paul Felley , directeur de l’EDHÉ

 

«La peur crée un mur, et plus on l’entretient, plus il grandit.» Nadia Mitic, Programmatrice du Port Franc

 

Pour sa rentrée d’automne, Le Port Franc à Sion a décidé de faire de l’inclusivité un thème central. «En tant qu’agent, je travaille beaucoup avec des artistes issus de la communauté LGBT+ et du coup, j’ai passé beaucoup de soirées dans ce milieu. Ça a toujours été des soirées hyper ouvertes, joyeuses, empreintes de respect. La simplicité de la fête et du bonheur d’être ensemble», explique la programmatrice Nadia Mitic. «Je crois vraiment que si tu ouvres la porte en disant: « tout le monde est le bienvenu, soyons juste ensemble, dans le respect », on peut faire avancer les mentalités.» Rencontrer, connaître, et enfin déjouer le préjugé. «La peur crée un mur, et plus on l’entretient, plus il grandit.» «Come as you are», aurait chanté Cobain. Pour sortir des logiques communautaristes et tisser des liens. L’idée a ainsi émergé de mettre sur pied des soirées «Queernotzet», co-organisées avec le collectif Queen Moustache, monté par Le Port Franc en collaboration avec Alpagai.

Au TLH-Sierre aussi, la question de la diversité est l’un des fondements de la rentrée. En septembre 2020, il recevait déjà le label Culture inclusive, décerné par Pro Infirmis. Un engagement – celui de tendre vers l’inclusion du public le plus large possible – que le directeur Julien Jacquérioz n’a pas pu éprouver aussi intensément que prévu, faute de spectacles publics possibles. Mais la demi-saison d’automne peut enfin mettre la dynamique en route.
«Cette philosophie doit infuser sur scène, dans la programmation, et dans tous les secteurs du théâtre», plaide le directeur. Ouverture à toutes et tous en journée, spectacles en après-midi, accueil de personnes en situation de handicap, programme rédigé en langage «facile à lire et à comprendre», diversité des corps présents sur les planches… «Nous devons aller vers une plus grande représentativité, c’est impératif», plaide Julien Jacquérioz

Rendre visible par la création

Au-delà des structures, des lieux, les acteurs culturels eux-mêmes s’emparent du sujet. L’artiste Murzo, par exemple, s’est fait connaître pour ses dessins au fusain ultra réalistes. Dans son travail, la représentation des corps, surtout des personnes minorisées, occupe un rôle central. «Je suis d’un naturel introverti et observateur. Ayant grandi comme non-Suisse en Suisse, je me suis toujours sentie un peu étrangère, à l’extérieur, ni irlandaise en Irlande, ni allemande en Allemagne … Plutôt que de prendre la parole, j’ai eu envie de rendre visibles mon regard et mon engagement par le dessin.»

Cet engagement, de plus en plus politique, tend à prendre beaucoup de place aujourd’hui. «Je suis membre du comité national Mariage civil pour toutes et tous, notamment, et je suis membre de plusieurs associations. Mais oui, dans ma création, cette dimension est toujours à la base de mon trait», explique l’artiste qui entame cet automne un Master à l’Edhéa et exposera avec les autres artistes de Visarte au GPS de Martigny du 17 décembre au 23 janvier.

Représentativité et égalité… C’est le projet de base du festival Frauenstimmen, qui met en lumière les voix féminines du canton et d’au-delà. Car les chiffres sont éloquents, le monde de la musique en Suisse, comme ailleurs, est encore loin de la parité hommes/femmes. L’association suisse Helvetiarockt estime à 15 % la proportion d’artistes féminines et issues de la communauté LGBT + sur la scène pop, rock et jazz. Dans la production musicale, le chiffre tombe à 2 %. Et dans les conservatoires suisses, la proportion de professeures se monte à 12 %.

Exemplarité et transmission

En Valais, l’auteure, compositrice et interprète Cyrielle Formaz figure parmi les coaches qui interviennent régulièrement dans des workshops organisés par Helvetiarockt. «Ces ateliers offrent un espace sécure et sans jugement, dans lequel les artistes féminines se sentent peut-être plus libres pour échanger, proposer des idées», explique-t-elle. Pratiquer l’exemplarité et la transmission de savoir pour, au final, dépasser le problème. Et arriver au stade où il n’y aura plus besoin de mettre sur pied de telles structures.

Du vécu et des constats

La rappeuse KT Gorique également s’implique pour la cause. «Mais l’atelier n’avait pas pu avoir lieu faute de participantes», explique-t-elle. Pour l’artiste, qui n’en finit pas de gagner en aura internationale, l’engagement fait partie intégrante de sa personnalité et de sa créativité. «Au même titre que le show, le divertissement. C’est important aussi», nuance-t-elle. «En fait, plus que de l’engagement, c’est du partage. J’exprime mon vécu et mes constats. Tout ça reste subjectif et je ne veux absolument pas asséner de morale. Plus que des causes précises, je parle de ce qui me touche, le métissage, le rapport à l’Afrique, les relations sociales, le rapport à l’argent qui régit notre société…»

Rappeuse dans un milieu encore très largement masculin, KT Gorique s’impose à la force du micro et de ses mots. Et fait avancer la cause des femmes de façon pragmatique, dans le sillage grandissant de ses concerts. Les prochains l’emmèneront au MaMA Festival de Paris(14 octobre), ailleurs en France, en Allemagne et jusqu’en Martinique.

«Je ne veux absolument pas asséner de morale.Plus que des causes précises, je parle de ce qui me touche.» KT Gorique, rappeuse  »

 

«Plutôt que de prendre la parole, j’ai eu envie de rendre visibles mon regard et mon engagement par le dessin.» Murzo, artiste

 

«Les ateliers d’Helvetiarockt offrent un espace sécure et sans jugement, dans lequel les artistes féminines se sentent peut-être plus libres pour échanger, proposer des idées.» Cyrielle Formaz, auteure, compositrice interprète

 

«Nous devons aller vers une plus grande représentativité, c’est impératif.»Julien Jacquerioz, Directeur du TLH Sierre