L’ex-pianiste Simonetta Sommaruga rencontre des musiciens malvoyants

(RTS,ch)

Dans le cadre de la Journée internationale des personnes handicapées, la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga a visité jeudi une école de musique pour aveugles à Zollikofen (BE). L’occasion de rencontrer des personnes au-delà de leur handicap et de rappeler le chemin vers plus d’égalité.

Simmonetta Sommaruga rend visite à des enfants pianistes aveugles / Le 12h30 / 2 min.

Ce 3 décembre est la Journée internationale des personnes handicapées. En Suisse, elle se déroule sous le signe de la participation. Il s’agit de permettre à toutes et tous de s’impliquer dans la société et de contribuer au bien commun.

La musique est bon exemple et la présidente de la Confédération Simonetta Sommaruga – par ailleurs pianiste et enseignante de musique avant de devenir conseillère fédérale – a voulu le démontrer en rendant visite à l’école des aveugles de Zollikofen, près de Berne. Au menu figurait un cours de piano entre Alexandre Wyssmann, pianiste malvoyant, et son élève Luzius, malvoyant et avec un autisme de type Asperger.

« La première chose que j’ai rencontré de Luzius, c’est sa musique, un jeune homme passionné et très talentueux, et non un jeune homme aveugle ou avec d’autres handicaps », raconte Simonetta Sommaruga. « C’est ce qui est important dans cette journée internationale: réaliser que c’est d’abord la personne qui compte », souligne la présidente de la Confédération.


Le tweet de Simonetta Sommaruga:

In der Klavierstunde ging es in erster Linie um die Musik, und nicht um die Behinderung. Der Mensch steht im Zentrum. #Inklusionhttps://t.co/ADdx1Um8oi
— Simonetta Sommaruga (@s_sommaruga) December 3, 2020


Travail à poursuivre pour l’égalité

Le professeur de piano Alexandre Wyssmann insiste de son côté sur l’aide que les personnes avec handicap ne doivent pas hésiter à demander aux valides. « Les personnes handicapées doivent faire un effort, faire tout ce qu’elles peuvent faire elles-mêmes », estime-t-il. « Et après, les autres doivent les aider. Je souhaite à toutes les personnes qui ont un handicap de se sentir sûres d’elles, et de pouvoir insister si elles ont besoin de quelque chose. »

L’égalité est toutefois encore loin d’être atteinte entre citoyens valides et handicapés. « On a un devoir d’aller plus loin, et une loi qui l’exige, on sait exactement ce qu’on doit faire », appuie Simonetta Sommaruga, qui salue également l’occasion de cette journée internationale « de créer des rencontres entre les gens ».
aa/kkub

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26% des personnes handicapées subissent des discriminations sur leur lieu de travail

(bfs.admin.ch)

69% des personnes handicapées participaient au marché du travail en 2018, mais leur qualité de vie au travail était moins bonne que celle des personnes sans handicap. Elles sont en particulier davantage victimes de discrimination et de violence au travail (26%). Quelque 4% indiquent avoir été discriminées en raison de leur handicap au cours des douze mois précédant l’enquête. L’Office fédéral de la statistique (OFS) publie une nouvelle statistique de poche sur l’égalité pour les personnes handicapées à l’occasion de la Journée internationale des personnes handicapées, le 3 décembre.

Le handicap présente des visages différents. Selon la définition utilisée, les personnes avec handicap forment des groupes distincts, qui ne se recoupent que partiellement, et leur nombre varie fortement. Du point de vue médical, p. ex., plus de 4% de la population de 15 ans ou plus vivant dans un ménage privé déclarent avoir une limitation fonctionnelle importante ou complète de l’ouïe, de la vue, de la locomotion ou de la mémoire (enquête suisse sur la santé 2017).

On associe souvent les personnes avec handicap aux bénéficiaires d’une rente d’invalidité atteints dans leur santé physique. En 2019, 6% de la population touchaient des prestations de l’AI et 4% bénéficiaient d’une rente d’invalidité. Du point de vue de l’égalité pour les personnes handicapées, on considère comme telles les personnes qui sont fortement ou quelque peu limitées dans les activités de la vie quotidienne en raison d’un problème de santé de longue durée. En 2018, 5% de la population vivant dans un ménage privé déclaraient être fortement limitées et 17% quelque peu limitées dans ces activités.

Les personnes handicapées travaillent davantage à temps partiel…

Les personnes avec handicap participent largement au marché du travail, même lorsqu’elles sont fortement limitées dans les activités de la vie quotidienne. 69% des personnes handicapées participent au marché du travail (contre 82% des personnes non handicapées; SILC 2018). La proportion tombe à 46% chez les personnes qui sont fortement limitées par leur handicap. Parmi les personnes handicapées qui exercent une activité professionnelle, 40% travaillent à temps partiel (moins de 36 heures par semaine), contre 27% seulement des personnes non handicapées. L’écart varie fortement selon le handicap.

… et subissent plus souvent des discriminations

Les personnes avec handicap sont davantage exposées aux discriminations et à la violence sur le lieu de travail. 26% des personnes handicapées interrogées dans le cadre de l’enquête suisse sur la santé 2017 déclaraient avoir été victimes, au cours des douze mois précédant l’enquête, d’au moins une des neuf formes de discrimination ou de violence considérées: discrimination en raison de l’âge, du sexe, de l’origine ou du handicap, violence verbale ou physique, menaces, intimidations, mobbing ou harcèlement sexuel. En comparaison, c’est le cas de 18% des personnes sans handicap.

4% des personnes handicapées se sentent par ailleurs discriminées au travail en raison de leur handicap. Elles sont aussi davantage victimes d’intimidation ou de mobbing et de harcèlement (11%) ainsi que de discrimination en raison de l’âge (9%) que les personnes sans handicap.

Autre constat: les personnes qui sont fortement limitées dans les activités de la vie quotidienne sont davantage discriminées du fait de leur handicap (12%). 34% d’entre elles disent avoir subi au moins une forme de discrimination au cours des douze mois précédant l’enquête.

Une personne avec handicap sur neuf rencontre des difficultés dans l’utilisation des transports publics

Les personnes handicapées sont davantage confrontées à des difficultés que les autres dans l’utilisation des transports publics. 11% des personnes avec handicap ont des difficultés à se déplacer en transports publics malgré les efforts consentis par les entreprises pour faciliter l’accès à l’infrastructure. C’est notamment le cas des personnes fortement limitées par leur handicap: trois sur dix déclarent avoir au moins quelques difficultés à utiliser les transports publics sans aide.

Vous trouverez des informations complémentaires dans le document PDF ci-dessous.

Proches aidants: La Suisse progresse sur le long chemin de la reconnaissance

(heidi.news)

par Lorène Mesot

Ils sont plus de 330’000 en Suisse à assister un parent, un ami, un voisin. Le statut de proche aidant gagne peu à peu une reconnaissance. Le 1er janvier 2021 marquera l’entrée en vigueur d’une nouvelle loi fédérale visant à leur faciliter la vie, en leur accordant des congés supplémentaires en cas de problème et en élargissant les aides disponibles. Les professionnels au contact des aidants se réjouissent mais nuancent: le chemin à parcourir reste conséquent.

Pourquoi ils sont importants. Jamais le rôle des proches aidants n’est apparu autant essentiel qu’à l’heure de Covid-19. Véritable pierre angulaire d’une politique de santé misant sur l’ambulatoire, ils permettent d’alléger le système de soins, d’éviter des placements en institution et d’entretenir le lien entre les générations. En 2017, plus d’un Suisse sur dix a reçu de l’aide d’un parent, d’un voisin ou d’une connaissance pour des raisons de santé. Et le nombre d’aidants croît sans cesse, vieillissement de la population oblige.

Se reconnaître comme tel. Un papa qui soutient sa fille de 14 ans atteinte d’un cancer, une voisine de palier qui fait les courses pour un proche immobilisé, ou encore un adolescent épaulant sa mère bipolaire dans sa gestion du quotidien. Loin d’être réservée aux situations où la personne aidée est âgée, l’appellation est vaste et désigne une infinité de situations.

À Genève en 2017, environ 57’000 personnes apportaient leur soutien une ou plusieurs fois par semaine, sans rémunération, à un proche souffrant de problèmes de santé. On estime leur nombre à 330’000 pour l’ensemble de la population active suisse, sur la base de données de 2012 qui sous-estiment sans doute la situation actuelle.

Véronique Petoud, déléguée cantonale aux personnes proches aidantes pour le canton de Genève, précise:

«Le terme de « proche aidant » est maintenant connu et sa définition s’est affinée. On parle désormais de voisins,d’amis, de connaissances, plus seulement de personnes avec un lien familial, vivant sous le même toit. Depuis quelques années, les proches aidants commencent à s’identifier comme tels.

L’évolution en matière de perception des gens et de mesures mises à disposition est possible notamment grâce à des campagnes d’information, le site internet de l’État avec une rubrique dédiée, une présence médiatique, une présence sur les réseaux sociaux et des relais politiques.»

Martine Rouge est responsable du service d’accompagnement à domicile proposé par les associations Alzheimer Genève et Pro Senectute Genève. Sa collègue et elle coordonnent une équipe de 48 personnes qui propose aux proches de personnes atteintes de démence des relèves à domicile, le temps que les proches puissent souffler et vaquer à leurs occupations.

A l’heure de la deuxième vague épidémique, Martine Rouge est inquiète. Les autorités sanitaires ont suspendu les accompagnants de plus de 65 ans, soit une quinzaine de personnes de l’équipe. Dans le même temps, la fermeture des foyers de jour dans le canton, avec une relève partielle à domicile, accroit la charge des aidants.Résultat, le service de Martine Rouge fonctionne à flux tendu et doit prendre des décisions difficiles:

«Nous assistons un monsieur qui va en dialyse trois fois par semaines. C’est vital pour lui de s’absenter, mais il n’a aucun entourage capable de prendre la relève auprès de son épouse atteintes de troubles cognitifs. Et elle ne peut rester seule. Dans ce cas précis, il a été terrible de devoir lui annoncer que nous ne pourrions plus assurer la relève, car sur les deux accompagnantes qui gèrent cette situation, l’une est hospitalisée à cause du Covid-19 et l’autre est en quarantaine. Je l’ai mis dans l’embarras au plus haut point.

Suite à cela, le couple a en plus attrapé le virus. Je ne pouvais pas envoyer quelqu’un de chez nous pour les aider.(Son service ne propose pas de soins médicaux, uniquement un accompagnement psycho-social ndlr). Avec des cas comme celui-ci, je vois vraiment les limites de notre système.»

Un mille-feuille de dispositifs. De nombreux dispositifs ont été mis sur pied à destination des proches aidants ces dernières années. A Genève, ils sont recensées sur un site géré par le canton, baptisé GE suis proche aidant, à Vaud, une page du site des autorités cantonales y est dédiée, tout comme dans les cantons de Fribourg, du Valais,du Jura et de Neuchâtel.

La panoplie de mesures proposées – ligne téléphonique, carte d’urgence, formation, relève à domicile ou hors du domicile, évaluation de l’état d’épuisement du proche aidant, ou encore soutien social et aide administrative – est en général le fruit d’un partenariat avec les associations et les organisations socio-sanitaires locales.

Marie Leocadie est chargée d’enseignement à la Haute école de santé de Genève et responsable de la formation destinée aux proches aidants du canton en place depuis janvier 2020. Elle note:

«Nous savons que les trois grands besoins des proches aidants sont le besoin de formation, d’informations et de conseils, le besoin de répit et le besoin de reconnaissance. La reconnaissance s’articule sur plusieurs niveaux: au sein du cercle familial, au niveau de la société et au niveau légal.»

Mais ces dispositifs sont encore peu sollicités par les proches aidants, plus prompts à fournir de l’aide qu’à se signaler pour en recevoir. Véronique Petoud (Genève):

«Au début, il y a un sentiment valorisant et gratifiant lié à la loyauté, la redevance familiale ou la solidarité intergénérationnelle. Cependant, sur la durée, des symptômes d’épuisement et un risque d’isolement apparaissent avec l’intensification de la fréquence du soutien apporté en lien avec la péjoration de l’état de santé et de dépendance de la personne aidée. Encore faut-il savoir où s’adresser pour demander de l’aide!»

Ce que prévoit la nouvelle loi. La nouvelle loi fédérale entrera en vigueur en deux temps. Le calendrier de mise en œuvre a été adapté face à la charge de travail entraîné par la crise Covid-19 et les retards qu’elle engendre au niveau des caisses de compensation.

Le premier train de mesures entrera en vigueur le 1er janvier 2021. À partir de cette date:

Les proches aidants dont un membre de la famille ou le partenaire est malade ou victime d’un accident pourront bénéficier de courts congés payés, de trois jours maximum. Inscrits au Code des obligations, ces congés ne devront pas dépasser un total de dix jours par an.

Le droit aux bonifications pour tâche d’assistance dans l’AVS est étendu. Les proches aidants pourront obtenir une bonification sur leur rente AVS s’ils assistent une personne au bénéfice d’une allocation pour impotence. Jusqu’à présent, cet avantage financier était réservé aux proches prêtant assistance aux personnes très dépendantes,bénéficiant d’une allocation pour impotence (voir encadré ci-dessous) élevée ou moyenne.

L’allocation pour impotent de l’AI en faveur des enfants continuera d’être versée même si le mineur est hospitalisé pour une longue durée, à condition que la présence des parents à l’hôpital soit nécessaire. Jusqu’à présent, le droit à l’allocation pour impotent était supprimé pour chaque mois entier passé à l’hôpital.

Par ailleurs, dès le 1er juillet 2021:

Véronique Petoud:

«C’est un grand pas. Nous observons une évolution politique. Le fait de concilier son activité professionnelle avec un rôle de proche aidant est reconnu par de nouvelles dispositions légales, et ceci va au-delà de questions de pénurie de professionnels de la santé ou de souci d’économie des dépenses de la santé, car il s’agit de soutenir les liens sociaux et intergénérationnels que les proches aidants entretiennent.

C’est un enjeu sociétal primordial de soutenir l’entraide.»

Lorsqu’une personne en âge AVS est en perte d’autonomie depuis plus d’une année pour accomplir seule les actes de la vie quotidienne, une demande pour une allocation pour impotent peut être faite. Ce terme peu attrayant désigne une aide financière comprise dans une fourchette de 237 à 948 francs par mois. Le montant dépend du degré de perte d’autonomie fonctionnelle et est échelonné sur trois niveaux: faible, moyen et grave.

Véronique Petoud:«Le mot impotent peut faire peur, mais c’est en fait une aide financière essentielle qu’il faut promouvoir. De plus,l’attribution de cette allocation est indépendante du revenu et de la fortune de la personne. Le conseil le plus important à donner pour établir cette demande est de la faire avec le soutien d’un assistant social en s’adressant à sa commune, à Pro Senectute ou à Pro Infirmis selon sa situation.»

Aide directe aux proches aidés qui peuvent ainsi rémunérer une aide à domicile, l’allocation pour impotent permet également d’obtenir des prestations supplémentaires de manière indirecte. C’est notamment la clé pour accéder à certaines mesures prévues dans la nouvelle loi fédérale. Il existe également une aide analogue destinée aux mineurs souffrant de handicap.

Ce qu’il reste à faire. Martine Rouge de Pro Senectute se réjouit également de la nouvelle loi et du congé payé pour les travailleurs ayant la charge d’un proche, mais regrette qu’avec l’étendue des bonifications pour tâches d’assistance de l’AVS, le système ne gratifie pas les proches aidants de manière directe. «Les aidants créditent leur bonus pour le jour où ils seront à l’AVS, il n’y a pas d’argent frais qui rentre», note-elle.

Des systèmes de bonifications directes sont pourtant à l’étude au niveau des cantons. Avec une difficulté majeure:contrôler le statut des demandeurs et le versement des aides sans trop alourdir un dispositif déjà peu lisible

A Genève, les lignes bougent, estime Véronique Petoud, qui planche sur le sujet. Les aidants genevois pourraient notamment bénéficier d’heures de répit offertes, en plus des cinq heures de relève à domicile déjà fournies par le canton pour assister à sa formation. Véronique Petoud:

«Nous avons déjà bien avancé dans la reconnaissance et le soutien aux personnes proches aidantes. On ne peut que relever que la crise sanitaire met en évidence tant leurs besoins que leur importance. Elle aboutira peut-être à une légitimation beaucoup plus conséquente de leur statut.»

Image d’illustration. | Keystone

 

Droit de vote aux handicapés: Genève se montre pionnier

(Le Temps.ch)

Les citoyens ont plébiscité la loi qui offre les droits politiques aux handicapés jusqu’ici jugés incapables de discernement. Le canton espère inspirer le reste de la Suisse

Dimanche, les citoyens genevois ont changé La Constitution cantonale, qui prévoyait jusqu’ici que les personnes handicapées dont La capacité de discernement était jugée durablement altérée pouvaient être privées de Leurs droits civiques par les autorités judiciaires. Salvator Di Nolfi/Keystone

 

par Laure Lugon
Ce dimanche, les Genevois ont donné un signal fort à la Suisse concernant l’inclusion des handicapés. Par 74,8%, les citoyens et toutes les communes du canton ont accepté de modifier la Constitution cantonale pour offrir aux personnes handicapées les droits politiques. «En faisant oeuvre de pionnier, Genève ouvre ainsi la voie au débat en Suisse», résume Anne Emery-Torracinta, présidente du Conseil d’Etat genevois.

Par le passé, les discriminations n’ont pas manqué, rappelle la ministre, à commencer par les femmes, et plus loin,les pauvres, avec le vote censitaire.«Ce résultat nous amène à réfléchir à ce que sont les droits politiques. Il est arbitraire de décider a priori que certaines personnes ne sont pas capables d’exercer ces droits. J’ai l’espoir que la Constitution fédérale sera un jour modifiée dans le même sens.» Il ne faisait quasi aucun doute que la loi allait passer, seuls l’UDC et les Jeunes libéraux-radicaux s’y étant opposés. Fer de lance de la campagne «Une vie, une voix», Cyril Mizrahi, député socialiste au Grand Conseil et avocat auprès d’Inclusion Handicap, exulte pourtant: «Il nous fallait un résultat très net, on l’a. Il y a trente ans presque jour pour jour, le Tribunal fédéral reconnaissait enfin les femmes d’Appenzell Rhodes-Intérieures comme citoyennes. L’objectif de cette campagne était de lancer le débat au niveau national. Pour une fois, Genève se distingue non pas de manière dépréciative, mais comme un laboratoire en matière de droits politiques.»

La Constitution cantonale prévoyait jusqu’ici que les personnes handicapées dont la capacité de discernement était jugée durablement altérée pouvaient être privées de leurs droits civiques par les autorités judiciaires. Celles-ci avaient la main lourde, puisque ces décisions concernent 1200 personnes dans le canton. Dans les autres cantons,ces droits sont retirés dès qu’une curatelle de portée générale – instituée si une personne a un besoin d’aide très important – est prononcée. Ce qui fait dire au député PLR Murat Alder, opposé à la loi, que «Genève est déjà le canton le plus progressiste de Suisse, puisque partout ailleurs la privation des droits politiques est automatique. Par conséquent, cette décision d’aller plus loin par souci de perfectionnement juridique est trop hâtive».

74,8% Les citoyens du canton de Genève acceptent de modifier la Constitution cantonale pour offrir aux personnes handicapées les droits politiques.

Ce que craignent les opposants? Que des proches remplissent les bulletins de vote à la place des gens souffrant de grave déficience psychique. «Il faudra désormais renforcer les contrôles, s’assurer que la dignité de ces personnes est respectée et que leur vote éventuel est le reflet d’une volonté effective», poursuit Murat Alder. Des craintes balayées parAnne Emery-Torracinta: «Nourrir de l’inquiétude autour des abus, c’est faire injure à toutes les personnes, proches et professionnels, qui accompagnent les handicapés. Il faut punir les fraudeurs,et pas les victimes.»

Ce qui pourrait s’avérer complexe à mettre en œuvre. Murat Alder propose de réfléchir à la sécurité du processus de vote dans son entier, y compris le vote électronique, qui adviendra sans doute dans le futur. Mais le député apparaît bien seul avec ses doutes. Pour sa part,son parti se réjouit que «dans un monde où une certaine idée des normes tend à ranger chaque humain dans une catégorie et à en faire un objet de statistique, il est bon de se rappeler que chaque personne est différente et que ces différences, même accentuées, ne sont pas un motif de discrimination». Le PDC quant à lui estime qu’il «était temps de remédier à une injustice et de se mettre en conformité avec le droit international».

«Se mettre en conformité avec le droit international»

La Suisse, en privant les handicap de leurs droits politiques, serait-elle en porte-à-faux avec le droit international? Pour les partisans de la loi, la situation genevoise, et a fortiori fédérale, est contraire à la Convention des Nations unies relative aux droits des personnes handicapées (CDPH), ratifiée par la Confédération en 2014, et selon laquelle aucune limitation des droits politiques n’est justifiée. C’était aussi l’avis du Grand Conseil genevois.Les opposants en revanche mettent en avant que même le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées n’a rien à redire sur le niveau fédéral, puisqu’une curatelle de portée générale n’est appliquée qu’en ultima ratio, s’il y a incapacité de discernement.Mais les partisans n’ont toutefois aucun doute que la Confédération se fera tancer, à plus ou moins brève échéance. En effet, le Comité des droits des personnes handicapées évalue en ce moment la Suisse, un examen retardé par la crise du covid mais qui finira par arriver. «Les recommandations du comité ne font aucun doute, estime Cyril Mizrahi. Car il a déjà tiré des conclusions en ce sens pour d’autres pays qui ont des systèmes similaires au nôtre.» Quoi qu’il en soit,Genève compte dimanche 1200 citoyens à part entière de plus.

Droit de vote et d’ éligibilité pour tou·te·s : dans le canton de Genève, les personnes en situation de handicap peuvent désormais exercer leurs droits politiques

(ats/presseportal)

Genève donne l’exemple : dès aujourd’hui, toutes les personnes en situation de handicap peuvent y exercer leurs droits politiques. Felicitas Huggenberger, directrice de la plus grande organisation spécialisée du domaine du handicap en Suisse, se réjouit du  » oui  » de la population genevoise à cette extension de la participation politique :  » Les personnes en situation de handicap sont discriminées par les lois actuelles. Je suis très heureuse que Genève, en précurseur, leur accorde le droit de voter et d’être élues, quelle que soit leur déficience.  » Et d’ajouter que la Convention relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) de l’ONU oblige la Suisse à accorder les droits politiques à toutes les personnes en situation de handicap. Pro Infirmis s’engage résolument pour que les choses bougent dans ce domaine.

Jusqu’à présent, la Confédération et les cantons refusent d’accorder le droit de vote et d’éligibilité à une partie de la population : les personnes soumises à certaines formes de curatelle ne peuvent pas voter.  » J’espère que d’autres cantons et la Confédération vont suivre l’exemple genevois « , dit Felicitas Huggenberger. Véronique Piatti-Bretton, directrice cantonale de Pro Infirmis Genève, souligne :  » Je suis fière que Genève montre la voie en permettant aux personnes en situation de handicap d’exercer pleinement leurs droits politiques.  » Elle remercie la population genevoise pour son vote sans ambiguïtés.

Dès aujourd’hui, tous les Genevois et Genevoises sous curatelle peuvent exercer leurs droits politiques à l’échelon cantonal et communal. Jusqu’à présent, ils devaient exiger ces droits par voie judiciaire. Ce qui est déjà progressiste en comparaison du reste de la Suisse : avec Vaud et le Tessin, Genève est le seul canton connaissant une telle procédure, par laquelle les personnes concernées ont au moins une possibilité de faire valoir leur droit à la participation politique.  » Ce n’est pas faute d’essayer, une motion dans ce sens vient d’être rejetée dans le canton de Fribourg, mais il reste un chemin de conscientisation à parcourir pour que toute personne, indépendamment de son handicap, soit agréée comme citoyen aux droits égaux « , ajoute Benoît Rey, chef du département Prestations Suisse romande et Tessin.

Contact:
Susanne Stahel, membre de la Direction et cheffe du département Communication et Récolte de fonds susanne.stahel@proinfirmis.ch, tel 058 775 26 77, portable 079 416 83 85