«Pas assez de bons experts»: le principe aléatoire doit être introduit rapidement

(Inclusion Handicap)

Inclusion Handicap a pris connaissance de l’enquête externe publiée aujourd’hui par l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) sur les expertises de l’AI. Selon l’évaluation, qui ne tient pas suffisamment compte des avis des assurés, il existe tendanciellement un nombre insuffisant de bons experts et d’expertes. Pour Inclusion Handicap, les mesures ne vont clairement pas assez loin. Notamment le problème de la dépendance économique n’est guère résolu. C’est pourquoi il faudrait que toutes les expertises soient attribuées selon le principe aléatoire.

L’OFAS a publié deux rapports: une évaluation externe qui analyse le niveau qualitatif des expertises de l’AI, d’une part, et une analyse interne concernant la surveillance des offices AI par l’OFAS, d’autre part. Diverses mesures proposées n’apporteraient que des améliorations mineures, raison pour laquelle Inclusion Handicap les juge nettement insuffisantes.

Une enquête dont les assurés sont pratiquement exclus

L’analyse mentionne quelques «brebis galeuses» parmi les experts qui exploitent le système. Or, cela revient à sous-estimer l’ampleur du problème – notamment si l’on songe à l’énorme chiffre d’affaires que génèrent les experts grâce aux mandats de l’AI. S’ajoute à cela le caractère douteux du choix des expertes et experts. On ne tient de toute évidence pas suffisamment compte des voix des assurés.

Pour Inclusion Handicap, le constat suivant est clair: comme l’a montré le rapport intermédiaire concernant son Centre de déclaration, le nombre de mauvaises expertises ne relève pas simplement de quelques cas isolés. Un remède de poids visant à contrer l’arbitraire de l’AI consiste à faire appel au principe aléatoire également pour les expertises monodisciplinaires, qui représentent la majeure partie des expertises. Le statu quo ne permet pas de résoudre la problématique de la dépendance économique des experts. Inclusion Handicap demande que le principe aléatoire soit rapidement introduit pour toutes les expertises.

Reprise de certains cas à partir de zéro

L’évaluation en arrive à la conclusion «qu’il existe tendanciellement un nombre insuffisant de bons experts et expertes». C’est pourquoi l’OFAS propose d’améliorer l’attrait du travail des experts. A contrario, cela signifie également que par le passé, des assurés ont été victimes de «mauvais» experts. Les cas où les expertises se sont avérées de mauvaise qualité doivent être repris à partir de zéro et les «brebis galeuses» sont à retirer de la circulation.

Plus de conventions d’objectifs

Parallèlement, l’OFAS a publié une analyse interne sur son rôle d’autorité de surveillance des offices AI. Il renoncera désormais, à juste titre, à la pratique inacceptable qui consistait à imposer aux offices AI des objectifs quantitatifs concernant le maintien ou la réduction du nombre de rentes AI. C’est aussi un aveu qu’il s’agissait de fausses incitations qui sont préjudiciables à des procédures sans parti pris. Cette mesure fait suite, entre autres, à l’interpellation de Maya Graf, coprésidente d’Inclusion Handicap.

La mise en œuvre doit être suivie de près

Inclusion Handicap est néanmoins soulagée que l’on tire enfin les enseignements justes du scandale lié aux expertises. La faîtière des organisations de personnes handicapées continuera d’accompagner étroitement ce dossier. Le Centre de déclaration auquel les victimes de l’arbitraire de l’AI peuvent s’adresser reste opérationnel pour permettre le suivi de la problématique.

Le MAH genevois va organiser des « mini-concerts » avec vibrations sensorielles

(Bilan)

Le Musée d’art et d’histoire innove avec des ambitions inclusives. Dès le 13 octobre, cinq petites scènes s’agiteront aux sons d’une musique inspirée par Diday et Calame.
Etienne Dumont

Le Musée d’art et d’histoire de Genève (MAH) innove. Si son public, comme je vous l’avais expliqué cet été, n’a pas pu bénéficier des balançoires installées dans une salle du rez-de-chaussée, il y aura bientôt à sa disposition les plate-formes vibrantes. L’expérience se situera cette fois au département des beaux-arts. Elle devrait durer deux semaines à partir du 13 octobre. La chose se veut naturellement bien pensante. Elle a été imaginée dans le cadre «du label culture inclusive de Pro Infirmis». Il s’agira d’«écouter avec le corps». Il y a apparemment des moments où le ventre tend l’oreille.

Je suppose que des explications s’imposent de ma part. Eh bien voilà! Dans la salle de peintures abritant à l’étage les grandes toiles des paysagistes du XIXe siècle genevois Alexandre Calame et François Diday se verront installées cinq micro-scènes d’un mètre carré. Sous celles-ci se trouvera un système transducteur qui fera trembler les deux personnes se trouvant sur ce plancher instable. Elles pourront ainsi subir les effets produits par un mini concert de musique électronique d’une vingtaine de minutes inspiré par la tableaux environnants. Les auditeurs se sentiront remués à tous les sens du terme. Une manière comme une autre de se retrouver partie-prenante dans la culture.

Et les pastels tout proches?

Ce sont les handicapés (pardon, les personnes en situation de handicap) qui seront les premiers servis.L’installation leur sera réservée du mardi 13 au vendredi 16 octobre. Ensuite, tout le monde pourra tenter l’«expérience sensorielle». Il suffira de s’inscrire sur le site www.billetterie-mah.geneve.ch C’est apparemment gratuit.

La chose se situe bien sûr dans le désir du directeur Marc-Olivier Wahler, que j’ai fini par rencontrer, de transformer le MAH en une entité proche du supermarché où l’on irait AUSSI à l’occasion voir de la peintures ou de la sculpture.Un lieu de vie, quoi! L’ennui, à mon avis, est qu’on se trouve ici assez près de salles où se trouvent aujourd’hui des œuvres exécutées au pastel. Pour elles, «l’expérience» risque de se révéler délicate. On évite normalement toute vibration dans leur périmètre, même lointain. Orsay avait ainsi dû il y a bien des années isoler certains planchers pour supprimer les trépidations du métro. Degas ou Redon n’aimaient pas beaucoup ça. Liotard et La Tour devront eux s’y faire. Normal! L’inclusion semble à ce prix.


L' »Orage à la Handeck » d’Alexandre Calame. Crédits: MAH, Genève 2020

 

Mise en consultation de l’avant-projet de révision partielle de la loi sur les droits et l’intégration des personnes handicapées (LDIPH)

(Bulletin off. Canton du Valais)

Le Département de la santé, des affaires sociales et de la culture (DSSC) met en consultation un avant-projet de révision partielle de la loi sur l’intégration des personnes handicapées de 1991. Cette adaptation est devenue nécessaire afin de répondre aux exigences de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH).

 

La Suisse s’est engagée à garantir les droits pour les personnes handicapées accordés par la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et à remplir les obligations correspondantes. Les cantons sont également tenus de mettre en œuvre la CDPH dans le cadre de leurs compétences. Ainsi, la révision de loi cantonale sur l’intégration des personnes handicapées de 1991 est nécessaire pour mettre en œuvre le programme de l’ONU.

Les modifications les plus notables de l’avant-projet préparé par le Département de la santé, des affaires sociales et de la culture (DSSC) portent sur les éléments suivants:

  • adaptation du titre de la loi;
  • adaptation de l’article énonçant le but en rajoutant les droits des personnes handicapées;
  • introduction d’un nouveau chapitre sur les droits des personnes handicapées ainsi que leur mise en œuvre et leur application: l’accent est mis sur la disposition concernant l’interdiction des inégalités et sur les mesures d’encouragement ainsi que sur les exigences générales en matière d’accessibilité et de communication;
  • changement des structures organisationnelles avec la création d’un centre de conseil pour les droits des personnes handicapées, la réorganisation des compétences ainsi que la procédure de coordination, la planification et la surveillance de la mise en œuvre de la législation sur les droits des personnes handicapées;
  • adaptation de la terminologie «personnes handicapées» (concernant la version allemande).

Le Conseil d’État a pris connaissance de cet avant-projet sans se prononcer sur le fond et a autorisé le DSSC à le mettre en consultation.

Les documents mis en consultation, ainsi qu’un formulaire pour faciliter les prises de position, sont disponibles sur le site Internet de l’État du Valais https://www.vs.ch/web/che/consultations-cantonales-en-courss ou auprès du Service de l’action sociale à l’adresse sas@admin.vs.ch.

La date limite pour les prises de position est fixée au 28 octobre 2020.

Bourg-en-Lavaux veut en finir avec le jargon officiel

(tdg.ch)

Canton de Vaud La commune prévoit une traduction en langage simplifié de son site internet. Un pas que peu de collectivités ont franchi.
Cécile Colle

«En Suisse, 800’000 personnes ont des difficultés pour comprendre un texte.»
«Le Langage simplifié veut dire: les informations sont faciles à lire et à comprendre.»

Les deux phrases qui précèdent, tirées du site internet du Bureau Langage simplifié de Pro Infirmis Fribourg, sont écrites en FALC (pour facile à lire et à comprendre). On devrait bientôt trouver le même genre de langage sur le site internet de la Commune de Bourg-en-Lavaux, dont les conseillers communaux ont accepté d’adjoindre à sa refonte totale une traduction de certaines informations. La démarche est rare pour une collectivité publique.

Langage officiel trop complexe

Et pourtant, France Santi, traductrice indépendante en FALC chez textoh!, déplore le «gouffre entre la communication officielle et ses récepteurs. Tout le monde doit savoir où mettre ses poubelles, mais parfois même ça, ce n’est pas clair.» Pour la spécialiste, les 800’000 personnes qui peinent à comprendre ce qu’elles lisent (étude de 2003, OFS), soit 16% des16-65 ans, ne représentent qu’une part des personnes avec difficultés. «Une étude allemande de 2011 estime que 60% de la population se situent dans les trois niveaux les plus bas de compétence linguistique, soit Al à B1 (ndlr: sur six niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues). Ces niveaux de compétence ne permettent souvent pas de comprendre une lettre officielle. Les autorités devraient de façon générale communiquer en et adapter certains sujets pour les niveaux plus bas.»

À Fribourg, où le Grand Conseil a accepté mi-septembre à la quasi-unanimité un postulat de-mandant à l’État d’étudier la question du recours au langage simplifié pour toute la communication du Canton, Didier Castella, ministre PLR chargé des Institutions, l’a bien compris: «En tant que petit canton, nous essayons d’être proches de nos citoyens.C’est une perte pour la démocratie si on laisse des gens au bord de la route.» Si Jean Christophe Schwaab (PS), municipal responsable de l’Informatique à Bourg-en-Lavaux, a proposé la traduction en FALC du site internet, c’est qu’il estime que c’est «urgent, important et nécessaire. Il existe une obligation constitutionnelle d’informer la population par les canaux adéquats.»

Pour l’autonomie de tous

La plupart des traductions en FALC au niveau romand émanent du Bureau Langage simplifié de Pro lnfirmis Fribourg, créé en 2017- deux autres bureaux existent à Zurich et Bellinzone.Le FALC s’adresse en effet au départ à des personnes présentant des déficiences intellectuelles, dans l’idée qu’il peut les aider à acquérir l’autonomie. La labellisation passe d’ailleurs obligatoirement par la relecture d’experts en situation de handicap. «Mais en fait, ce langage est utile à plein d’autres!»indique Giovanna Garghentini Python, directrice de Pro Infirmis Fribourg et députée PS. Les enfants, les personnes âgées, celles qui souffrent de dyslexie ou de troubles autistiques,les allophones, les illettrés ou encore les malentendants, bref, tous ceux qui ont des capacités réduites en littératie y gagnent en accessibilité. Elle se réjouit de la démarche de Bourg-en-Lavaux,qui va dans le sens de la société inclusive vers laquelle on tend aujourd’hui.Concrétiser le propos Pour elle, cela serait même «idéal»que le langage simplifié devienne obligatoire pour les collectivités publiques au niveau national, car«il permet de faire des choix en connaissance de cause. Notamment pour ce qui est des votations. Ce n’est pas possible de voter pour ou contre le congé paternité et de ne trouver sur son bulletin que la notion d’allocations pour perte de gain…»

France Santi abonde: «Le FALC concrétise énormément,au contraire du langage officiel, qui fleurit, veut faire intelligent et finalement fatigue le lecteur.» Elle évoque un cours donné à des greffières.


Le langage FALC, facile à lire et à comprendre

 

«Le langage FALC ne prend pas de gants et délaisse souvent le contexte pour se concentrer sur la conclusion. Cela peut déstabiliser. Ces greffières me disaient:«On ne peut pas annoncer comme ça frontalement à un père qu’il n’a plus le droit de garde!» C’est vrai, mais c’est pire qu’il ne le comprenne pas. Ou seulement après une longue lecture difficile.»Et à ceux qui considèrent que le langage simplifié n’exploite pas le potentiel des individus, les infantilise, voire les manipule – trois critiques régulièrement entendues – les traducteurs répondent que chaque adaptation prend en compte avec précision le public cible, qu’elle va à l’essentiel dans un esprit de synthèse et non de simplification à outrance et qu’elle se doit évidemment d’être neutre et objective.
www.langage-simplifie.ch

www.textoh.ch

Parler à tous, une décision politique

(24heures.ch)

Le langage facile à lire et à comprendre va faire son entrée sur le site internet d’une petite commune vaudoise, Bourg-en-Lavaux. Si le Conseil communal l’a récemment accepté, d’aucuns se sont tout de même étonnés: «Moderniser le site, on veut bien, mais pourquoi en simplifier le texte, et pour quel coût?»

La ratification par la Suisse de la Convention pour les droits des personnes handicapées (CDPH) en 2014 répond à cette question. Tous les textes officiels devraient être accessibles à tous, afin de permettre un choix en connaissance de cause, une autodétermination. Davantage qu’une coquetterie de municipal socialiste, il s’agit d’un droit constitutionnel qu’il s’agirait d’appliquer. Nos bulletins de vote évitent de plus en plus la double négation, c’est bien, mais le jargon y a toujours une bonne place. Pour preuve les «allocations pour perte de gain» que tout un chacun devait traduire en «congé paternité» dans l’isoloir le 27 septembre.

Et la question de savoir si une collectivité publique devrait dépenser de l’argent pour une part infime de sa population – les personnes handicapées – a d’autant moins sa raison d’être que les textes en facile à lire et à comprendre sont les plus consultés lorsqu’ils sont disponibles. La dépense publique profitera donc à tous.

Attention, il ne s’agit pas de remiser Proust au galetas, ni de s’interdire la poésie ou l’ironie – incompatibles avec le FALC – dans les textes d’auteurs. La simplification à outrance quitte à omettre des éléments essentiels ou à travestir la communication initiale n’est pas souhaitable non plus. Mais «ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement», disait Nicolas Boileau («L’Art poétique», 1674).

Cette clarté est d’autant plus nécessaire pour une information utile à l’exercice de la démocratie. Pourfendeur des totalitarismes, George Orwell ne s’y trompe pas lorsqu’il dispense, au sortir de la Seconde Guerre et de ses propagandes, ses six règles pour bien écrire («La politique et la langue anglaise», 1946). Il y proscrit métaphores, mots longs ou inutiles, passif et jargon, sauf dans le cas où l’on ne peut pas faire autrement. Et milite pour que «le sens gouverne le choix des mots et non l’inverse». On trouve les mêmes règles de base pour le FALC, qui veut donner du sens à une communication officielle visant un public large et lutter ainsi contre l’exclusion et l’obscurantisme administratif.