Les proches aidants auront 14 semaines de congé

(nxp/ats)

Le National a validé mardi une réforme octroyant plus de temps aux personnes qui s’occupent de leurs proches gravement malades.

Les parents bénéficieront d’un congé indemnisé de quatorze semaines pour s’occuper d’un enfant gravement malade. Et un employé pourra s’absenter pour soigner un proche. Le National a mis sous toit mardi la nouvelle réforme.

Environ 1,9 million de personnes accompagnent un enfant ou un adulte chaque jour en Suisse. En 2016, cela a représenté 80 millions d’heures de travail, soit 3,7 milliards de francs. Or, seuls deux tiers des entreprises accordent actuellement des congés, en partie rémunérés, à leurs employés en cas d’absence de courte durée pour prodiguer des soins à un proche.

La réforme vise à mieux concilier l’activité professionnelle et la prise en charge d’un proche malade, et permettra d’octroyer des conditions identiques à tous les employés. Elle éclaircira la situation aussi bien pour l’employeur que pour l’employé.

Conjoint pris en compte

La mesure-phare concerne les parents, dont l’enfant est gravement malade ou accidenté. Ils pourront bénéficier d’un congé de quatorze semaines au plus. Le coût du projet est estimé à 30 millions de francs pour les entreprises et 75 millions pour les allocations perte de gain.

Une personne, qui prend soin d’un membre de la famille ou d’un partenaire avec lequel elle habite depuis au moins cinq ans, pourra également prétendre à un congé payé. Celui-ci sera toutefois limité à trois jours par cas et dix jours par année. Les coûts de cette mesure sont estimés entre 90 et 150 millions de francs par an.

L’allocation pour impotent et le supplément pour soins intenses de l’AI continueront en outre à être versé lorsque l’enfant est hospitalisé. Mais le versement sera limité à un mois d’hospitalisation. Et le droit aux bonifications pour tâches d’assistance sera étendu aux personnes avec une allocation pour impotence faible. Ces deux dernières mesures coûteront respectivement 2,5 et un million de francs.

Mesure sur les loyers

Par 103 voix contre 84, les députés ont accepté mardi la mesure ajoutée par les sénateurs sur les loyers, éliminant ainsi la dernière divergence. Les montants maximaux pris en compte au titre de loyer seront adaptés et un loyer maximal garanti pour les bénéficiaires de prestations complémentaires vivant en communauté d’habitation sera introduit. Ces personnes ne seront ainsi pas obligées de changer d’hébergement.

Une partie du camp bourgeois a tenté sans succès de biffer l’article, estimant qu’il n’a rien à voir avec la réforme actuelle. Il s’agit d’une modification de la loi sur les prestations complémentaires qui n’a pas fait l’objet d’un examen approfondi, ni d’une consultation, a dénoncé Regine Sutter (PLR/ZH).

L’UDC et le PLR ont également tenté en vain de durcir la disposition. Aux yeux de Verena Herzog (UDC/TG), il faudrait baser les calculs sur un ménage à quatre personnes et non deux. La situation des personnes aux bénéfices d’aides sera améliorée, sans pour autant grever les comptes de la Confédération, a-t-elle avancé.

Sa proposition aurait fait passer les coûts de la mesure de 3,6 millions à un million. Les bénéficiaires auraient quant à eux été bien moins nombreux, passant de 7100 à 1800. L’objet est prêt pour les votations finales.

Les rentes AI pour enfants ne baisseront pas

(nxp/ats)

Le Conseil national a renoncé à couper dans le montant alloué aux enfants des familles de rentiers avec la réforme sur l’assurance invalidité.

 

Les familles de rentiers avec enfants ne verront pas leurs prestations baisser avec la réforme de l’assurance invalidité (AI). Le National est revenu sur sa décision mardi: le montant alloué pour les enfants restera à 40% de la rente AI ou AVS.

De plus en plus d’hommes deviennent pères à un âge avancé et le nombre de rentes versées pour subvenir aux besoins des enfants augmente. Une situation à laquelle le Conseil national a dans un premier temps voulu remédier en faisant passer le montant à 30% de la rente AI ou AVS.

Contre l’avis de sa commission, la Chambre du peuple s’est finalement ralliée au Conseil des Etats, par 134 voix contre 51. Seule l’UDC a soutenu cette coupe. Le père âgé pourrait obtenir davantage que celui qui travaille à 100%, a fait valoir Verena Herzog (UDC/TG). La réduction aurait permis d’alléger les finances de l’AI, très endettée.

Le passage au système de rentes linéaire prévu par la réforme de l’AI entraînera déjà des préjudices financiers pour une partie des rentiers AI, a estimé Benjamin Roduit (PDC/BS). On ne peut pas leur faire subir en plus une baisse du complément de rente.

Report des charges

L’objectif de la réforme est d’optimiser le système. Si on réduit la rente pour enfants, on risque un report des charges sur les prestations complémentaires (PC) que le Parlement vient de réformer, a ajouté le ministre des assurances sociales Alain Berset. Cela pourrait coûter 41 millions de francs aux PC en 2030.

Le Conseil National a aussi accepté par 120 voix contre 66 de faire en sorte que les rentiers actuels de plus de 55 ans ne subissent aucune baisse de rente. Il aurait dans un premier temps souhaité fixer la barre à 60 ans, comme le proposait le Conseil fédéral.

La Chambre du peuple tient en revanche fermement à remplacer le terme de rente pour enfant qui peut prêter à confusion. Il a décidé par 116 voix contre 77 d’y substituer le terme «complément de rente pour les parents», maintenant ainsi une autre divergence avec le Conseil des Etats.

Beaucoup confondent la rente pour enfant avec celle pour les enfants ayant un handicap, a fait valoir Benjamin Roduit. Ce changement est nécessaire, même s’il va engendrer une charge administrative importante.

La divergence sur les expertises a été éliminée. Sauf avis contraire de l’assuré, les entretiens entre l’assuré et l’expert feront l’objet d’enregistrements sonores conservés dans les dossiers.

L’objet retourne au Conseil des Etats.

Quatre ans pour changer 700 arrêts

(ArcInfo)

A quatre ans de l’échéance d’application de la loi sur l’égalité pour les handicapés, seuls 41 arrêts de bus neuchâtelois sont déjà aux normes.
PAR MATTHIEU.HENGUELY@ARCINFO.CH


D’ici le 31 décembre 2023, les personnes à mobilité réduite devront pouvoir entrer simplement dans les bus des transports publics (ici, une démonstration en 2014 devant le CPLN, à Neuchâtel). ARCHIVES DAVID MARCHON

 

I1 y a du travail. Adoptée en 2004, la loi fédérale sur l’égalité pour les handicapés (LHand) donnait un dé-lai de 20 ans pour rendre accessibles les bâtiments et les transports publics. A quatre ans de l’échéance – le 31 décembre 2023 -, des questions se posent quant à la mise aux normes des arrêts de bus. Sur les 992 que comptent le canton de Neuchâtel,aujourd’hui seuls 41 permettent aux personnes en chaise roulante d’entrer à plat dans les véhicules. Près de 700 devraient être mis aux normes. Certaines communes annoncent déjà qu’elles n’arriveront pas à mener tous les chantiers demandés à temps.

Projetant de créer six nouveaux arrêts de bus, la commune de Val-de-Travers a expliqué la situation à ses élus le 25novembre dernier. Le canton vient de recenser les arrêts sur sol neuchâtelois et, surtout, de les classer dans quatre catégories: les déjà conformes, ceux à assainir absolument d’ici fin 2023 (priorité 1, près de 500 à travers le canton), ceux à assainir ensuite (priorité 2, environ 200) et ceux dont le coût d’assainissement est trop important par rapport à leur utilité (priorité 3, environ 250).

Les communes attendent le canton

La commune vallonnière est assez représentative de la situation. Sur 74 arrêts, trois sont déjà aux normes, 18 ont été catégorisés en priorité 1, 10 en priorité 2 et 43 peuvent re-ter en l’état (il s’agit avant tout d’arrêts ultra-locaux, desservant quelques fermes). Les démarches de mise aux normes n’ont pas démarré, bien qu’elles incombent à la commune pour les arrêts sur le domaine public.Jusqu’à présent,et comme dans la plupart des autres communes, Val-de-Travers n’a refait que des arrêts concernés par d’autres travaux, comme une réfection de route, attendant les instructions du canton.

«Le règlement d’application cantonal n’a pas encore été formellement adopté. Jusqu’à maintenant, les communes attendaient d’avoir les règles du jeu pour financer ces travaux.Maintenant,nous sommes pressés parce qu’il ne s’est rien passé pendant 15 ans», déplore Christian Mermet, conseiller communal chargé du développement territorial.

«Si la LHand a été adoptée en 2004, ce n’est qu’en novembre 2017 que les standards cantonaux d’aménagement ont été fixés dans un rapport méthodologique»,complète Guillaume Thorens, ingénieur communal adjoint à la Ville de Neuchâtel, qui précise que «le canton n’accorde un subventionnement que depuis juin 2019». Le Conseil d’État a en effet inscrit dans son programme d’impulsion un soutien de sept millions de francs aux communes pour accélérer ces mises en conformité. Le 20% des travaux effectués d’ici 2023 seront ainsi financés (lire l’encadré).

Du boulot à Neuchâtel et La Chaux-de-Fonds

Les chiffres sont impressionnants dans les deux grandes villes. Neuchâtel possède 156arrêts et doit en assainir 112 (79 en priorité 1, 33 en priorité 2, pour 20 déjà conformes). A La Chaux-de-Fonds, il faut en transformer 143 sur 178, dont 120 classés en priorité 1. «Je doute qu’on arrivera à tout mettre aux normes à fin 2023. Chaque arrêt est un projet différent. Pour certains, il suffira de refaire le trottoir, mais pour d’autres, il faudra déplacer l’arrêt», indique Pierre Schneider,ingénieur communal. Il cite l’arrêt de l’hôpital pour lequel ses services ont profondément changé les schémas de circulation.

«Nous devons réfléchir si nous faisons les études à l’interne ou si nous mandatons un bureau externe. Jusqu’à présent,nous mettions aux normes selon les opportunités, quand nous refaisions une rue. Nous devons désormais passer à quelque chose de plus systématique.» Une chose est cependant sûre. «Réaliser 40 mises aux normes par année, c’est au-delà de nos ressources. Sans compter qu’il y a tout le reste de l’entretien des routes.»

La zone piétonne pas tout de suite

La Ville de Neuchâtel a pris un petit peu d’avance. 21 arrêts feront partie de grands chantiers prévus en 2020 (12 en 2021, 9 en 2022, 20 en 2023). Une demande de crédit doit intervenir début 2020. «Nous nous sommes coordonnés avec Trans N afin de redéfinir l’emplacement de certains arrêts pour qu’ils correspondent au mieux aux besoins des usagers», explique Guillaume Thorens. Chargé de communication, Emmanuel Gehrig cite la zone de la Chaumière, où il est question de lier les arrêts de la ligne 102 à celui du funiculaire Ecluse-Plan.

Les arrêts de la zone piétonne devraient être réaménagés entre 2022 et 2023, la zone étant au cœur de nombreuses réflexions actuellement.«Il ne serait bien évidemment pas pertinent de remettre aux normes un arrêt qui devrait être reconstruit un ou deux ans plus tard», indique Guillaume Thorens.

Avec ces nombreux chantiers annoncés, la Ville de Neuchâtel «devra très probablement se passer des subventions cantonales» pour les arrêts en priorité 2, qui se réaliseront après la date butoir de 2023, remarque Emmanuel Gehrig. Tout comme la commune a dû se passer d’aide financière pour les 20 arrêts déjà mis en conformité, le Conseil d’État ayant décidé de ne pas récompenser les «bons élèves déjà aux normes».

Quelles que soient les responsabilités entre les différentes autorités,il semblerait bien que les personnes à mobilité réduite risquent de rester encore quelque temps à quai.

Un groupe au travail depuis 2017

«Le canton ayant constaté que la mise en œuvre peinait à avancer, il a décidé de donner une impulsion en soutenant les communes neuchâteloises. A cet effet, il a entamé deux démarches: d’une part, définir des standards et une priorisation, d’autre part, d’apporter son soutien financier», indique le Département du développement territorial et de l’environnement (DDTE), en réponse aux questions d’«ArcInfo».

«Un groupe de travail a été mis en place en 2017», continue le canton. Il inclut les différents partenaires concernés parla mise en conformité, à savoir les trois villes, l’Association des communes neuchâteloises, des associations des personnes à mobilité réduite et les entreprises de transport.«Son rôle a été de définir les standards d’aménagement pragmatiques et des critères de priorisation, qui constitue des outils d’aide à la décision pour les communes. Ces critères constituent une recommandation du canton, les communes restent in fine responsables de l’application de la loi fédérale. Quant à la définition des standards de mise aux normes, elle s’est avérée complexe dans tous les cantons suisses», explique le DDTE.

«Afin de stimuler la mise en œuvre et d’apporter son appui matériel, le canton a décidé de soutenir financièrement les communes. Il subventionnera ainsi pour un montant total de sept millions de francs par le biais de son programme d’impulsion. Un règlement de mise en œuvre cadrant le processus d’octroi de la subvention cantonale a été élaboré. Il sera présenté aux membres du groupe de travail en janvier et sera adopté par le Conseil d’État durant le premier trimestre 2020. Les communes peuvent cependant dès à présent faire des demandes de cofinancement. Plusieurs l’ont déjà fait», conclut le canton.

Un monde du travail encore hostile aux sourds

(Tribune de Genève)

Les personnes sourdes doivent redoubler d’efforts pour trouver un emploi.

À quoi ressemble la vie professionnelle lorsqu’on est sourd? En Suisse, la surdité n’est pas considérée comme un handicap. En théorie, les personnes qui en sont atteintes devraient donc travailler. Mais en réalité, nombreuses sont les embûches sur leur parcours professionnel. Un véritable parcours du combattant se présente et ce, dès le plus jeune âge.

La première difficulté consiste en l’apprentissage de la lecture. En effet, les personnes sourdes ne peuvent entendre le son des lettres. En général, les enfants atteints de surdité apprennent la langue des signes, une langue à part entière, avec sa propre gram-maire, son vocabulaire et sa culture. Selon l’association S5, d’illettrisme touche 80% des sourds.

Steve Mateus, 25 ans, en formation et sourd de naissance, a mis plus de vingt ans à apprendre à lire des textes et sur les lèvres avec l’aide d’une logopédiste. «Je me suis mis à lire pour com-prendre et compenser ma frustration dans les difficultés que je rencontrais», explique-t-il.

Penser que lire sur les lèvres représente le remède miracle de la communication s’avère complètement faux. «Avec la lecture labiale, on peut comprendre environ 30% du contenu. Le reste,nous devons le déduire du contexte, explique Steve Mateus. Certains mots se prononcent exactement pareil, comme bain et pain. Impossible pour nous de faire la distinction.»

Apprentissage favorisé

Une fois l’école obligatoire terminée vient le choix de la formation. Et c’est là que tout se complique.Le plus souvent, l’assurance invalidité (AI) pousse les jeunes sourds vers un apprentissage car cela dé-bouche plus rapidement sur un métier concret. Ils doivent alors batailler pour suivre des études qui correspondent à leurs aspirations et compétences.

«À l’époque, les sourds travaillaient principalement dans des métiers manuels où la communication est limitée», indique Sandrine Burger, porte-parole de la Fédération suisse des sourds.

Philippe Palama, 52 ans, cordonnier et sourd de naissance, tient son propre atelier aux Eaux-Vives. «J’ai eu la chance d’avoir un maître d’apprentissage qui faisait des efforts pour que je le comprenne. J’ai quand même dû rester tous les soirs pour faire des rattrapages et assimiler ce que je n’avais pas appris durant la journée», avoue-t-il. Steve Mateus a suivi une formation de caviste. Son CFC en poche, il a cherché durant trois ans un emploi. En vain.

Difficile réorientation

En théorie, les sourds peuvent choisir librement leur orientation professionnelle. Dans les faits,cela se passe autrement.

«Avant, tous les sourds travaillaient, mais avec le déclin des métiers manuels, cela devient plus compliqué de trouver un emploi», explique Sandrine Burger. Alors que le taux de chômage atteint les 9% au sein de cette population, certains ont pensé à se reconvertir. Mais ils se sont heurtés aux règlements de l’AI. «Après mon CFC, j’ai de-mandé à l’AI de financer un interprète pour suivre le bachelor en oenologie. Elle a refusé. Aujourd’hui, je me suis réorienté,sans aide sociale. Je vais terminer mon cursus de formateur en langue des signes», indique Steve Mateus.

En effet, l’assurance invalidité finance un interprète pour une seule formation et entre en matière pour une seconde seulement si «le perfectionnement professionnel doit permettre à l’assuré de maintenir ou d’améliorer sa capacité de gain», explique Jean-David Curchod, responsable de la communication de l’Office cantonal des assurances sociales. Il s’agit donc essentiellement d’une question de revenu.

Dix heures de traduction

Mais sur quels éléments l’assurance invalidité se base-t-elle pour accepter ou refuser les demandes? «Il n’y a aucun critère d’exclusion spécifique aux personnes sourdes.Comme toutes les situations de réadaptation professionnelle, il s’agit d’une analyse au cas par cas», com-mente Jean-David Curchod.

L’AI assure aussi avoir développé un réseau d’employeurs prêts à engager des personnes sourdes, soit par le biais du place-ment à l’essai, soit par l’allocation d’initiation au travail. «En plus de ces mesures, et plus particulière-ment pour les personnes sourdes,nous mandatons un coach spécialisé durant les stages ou au début du contrat de travail pour favoriser le bon déroulement de l’intégration», indique le responsable de la communication.

D’ailleurs, dans le cadre de son travail, une personne sourde peut demander à l’assurance invalidité les services d’un interprète à raison de 1763 francs par mois. Ce qui équivaut à une dizaine d’heures de traduction. «Nous sommes conscients que dans certaines situations, les besoins en interprétariat peuvent être supérieurs», reconnaît Jean-David Curchod. Cependant, aucune modification du cadre légal n’est envisagée. Les personnes sourdes qui nécessitent plus de dix heures d’interprétariat devront continuer à les payer de leur poche.

Trouver un emploi

La formation terminée, encore faut-il trouver un employeur. «Le principal obstacle que rencontrent les sourds est l’ignorance», signale Sandrine Bruger.Aujourd’hui, bien qu’il existe plusieurs moyens simples et concrets pour pallier la surdité au travail, les employeurs restent frileux, craignant des difficultés de communication. «Un sourd ne peut pas répondre au téléphone mais est tout à fait capable de communiquer par mail. Une fois cela intégré par les collaborateurs, il n’y a plus de problème», indique Steve Mateus. Philippe Palama a eu la chance que les choses se passent différemment. «J’ai repris l’atelier de mon père et suis devenu mon propre patron. Je n’ai donc pas rencontré de difficultés dans ma recherche d’emploi.» À l’instar de ce cordonnier, certains arrivent donc à tirer leur épingle du jeu malgré les difficultés.
Valérie Geneux


Philippe Palama (à gauche), cordonnier aux Eaux-Vives, et Steve Mateus, futur formateur en langue des signes. photo Steeve Uncker Gomez

 

Des employeurs conquis

A Genève, plusieurs entre-prises emploient des personnes sourdes. Le bilan est largement positif et très loin des a priori.«Les sourds possèdent une capacité de concentration très élevée et ont des compétences visuelles plus développées que la moyenne des gens», révèle Sandrine Burger.

Serge Grond, directeur opérationnel chez Schneider Sanitaires, a sauté le pas et en-gagé un plombier sourd en 2012.«Je n’ai jamais eu de problème.J’ai toujours été très satisfait.»La seule adaptation qu’il a dû mettre en place est l’interprète qui vient traduire les séances techniques deux fois par an.

«Ce collaborateur sourd a appris la langue des signes aux chefs qui travaillent avec lui.S’il faut lui demander quelque chose, nous communiquons par SMS. Cette personne est intelligente, motivée et exécute du très bon boulot», avoue le directeur.

Même son de cloche du côté de l’EMS des Mouilles, à Lancy.«Nous avons engagé une infirmière sourde, non pas à cause de son handicap, mais parce qu’elle possède un savoir-être très recherché», déclare Pascale Covin, infirmière responsable des soins. L’EMS n’a pas eu besoin de se doter d’aménagements spéciaux. Cette collaboratrice est d’autant plus appréciée qu’elle entretient un rapport particulier avec les personnes âgées et malentendantes.La langue des signes devient un moyen privilégié pour communiquer avec certains pensionnaires. «Elle se révèle un véritable atout et nous sommes très heureux de la compter dans l’équipe de soin. Avec ses collègues, elle a réussi à développer une complémentarité exemplaire», déclare l’infirmière.

Pascale Covin et Serge Grond sont prêts à retenter l’expérience avec d’autres personnes sourdes, du moment qu’elles remplissent le cahier des charges demandé. V.G.

En chiffres

Genève compte environ 500 personnes sourdes. En Suisse, elles sont 10 000.
Ce chiffre augmente avec le vieillissement de la population, mais aussi parce que des jeunes perdent de plus en plus tôt l’ouïe. Cette statistique ne tient pas compte de tous ceux qui souffrent d’un problème d’audition mais n’osent pas consulter.L’illettrisme touche 80% des sourds; capables de lire les mots, ils peinent à comprendre le sens des phrases.Le français s’apparente à une langue étrangère et demande» de longues années d’apprentissage. V.G.

Handicapés, ils font vivre un hôtel-restaurant (JU)

(Le Matin.ch)

L’hôtel-restaurant La Demi-Lune est situé dans le cœur médiéval et touristique de St-Ursanne(JU). De la terrasse, la vue plonge sur le Doubs. Mais cet établissement présente d’autres particularités. «Le service, le travail en cuisine ou l’entretien des chambres, souligne Pascal Berberat, président de l’association Décrochez la Lune qui gère l’hôtel-restaurant, sont effectués par des personnes en situation de handicap physique ou mental.»


Sylvain, 16 ans, infirme moteur cérébral et autiste, accomplit parfaitement son travail dans la cuisine de l’hôtel-restaurant La Demi-Lune à St-Ursanne(JU). Image: DR

 

Le projet qui a vu le jour en début d’année n’est pas né par hasard. Pascal et son épouse Véronique ont élevé quatre enfants. Sylvain, l’un d’eux, 16 ans, est infirme moteur-cérébral et autiste. «J’ai pensé à son avenir quand il atteindra l’âge adulte ajoute Pascal Berberat, et à tous ceux qui sont dans une situation similaire.» Une récolte de fonds a permis l’acquisition des locaux. «Et grâce à l’aide la Loterie Romande, nous avons pu effectuer les transformations nécessaires.»

Aujourd’hui, La Demi-Lune offre sept postes de travail à plein temps répartis entre dix personnes en situation de handicap. Ils sont coachés et surveillés par cinq professionnels de la restauration, plus pendant l’été, la saison touristique. «L’un de nos serveurs a mis du temps à apprendre le métier. Mais il y est arrivé. Il est parfaitement capable de prendre une commande, de tirer et d’aligner des cafés et de servir les clients. Seul l’encaissement est laissé à un professionnel.»

Un hôtel plein de charme

Au menu, de la cuisine du terroir. Avec bien entendu des truites meunières, du jambon à l’os ou tous les jeudis, le Gâteau au fromage de St-Ursanne. Les prix s’inscrivent dans la moyenne de ceux pratiqués par les établissements de la cité médiévale. Le restaurant avec ses deux salles et sa terrasse peut accueillir en été plus de cent convives. «Quant à notre hôtel, dit encore Pascal Berberat, avec ses sept chambres, il permet de loger jusqu’à 18 personnes. Une excellente adresse pour les familles, les randonneurs et ceux qui aimeraient découvrir dans de bonnes conditions l’un des plus beaux villages de Suisse.»

Victor Fingal