Enfants sur liste d’attente

(La liberté)

Magalie Goumaz

Petite enfance Intégration. Le mot est dans toutes les bouches. Sauf qu’il ne correspond pas forcément à la réalité. C’est le cas dans le domaine de la petite enfance, lorsqu’il s’agit de trouver une structure d’accueil pour des enfants nécessitant une prise en charge particulière. A Fribourg, les places et les moyens manquent. Maman d’un petit Hector* de trois ans et demi, Nadia* en fait l’expérience. «Il y a une année environ, Hector a subitement arrêté de parler. De son côté, la crèche avait aussi remarqué que l’interaction avec les autres enfants devenait difficile. Le diagnostic a alors été posé, Hector souffre d’un trouble du spectre autistique». raconte-t-elle.

Pour la maman, c’est le choc. Et elle doit tout gérer en même temps: le suivi médical de son fils, les démarches pour améliorer son encadrement à la crèche, les exercices à domicile… Tout ça en marge de son emploi et de toutes les tâches du quotidien. «Je me démène à 200% pour chaque petite chose», explique-t-elle. Le personnel de la crèche fait tout ce qu’il peut, reconnaît Nadia. «Mais il ne peut pas s’occuper personnellement d’un enfant alors qu’Hector a besoin d’un adulte à ses côtés pour le canaliser, comprendre et répondre à ses besoins», poursuit-elle.

Aide du canton

Une solution a été trouvée avec le Service éducatif itinérant (SEI). La collaboratrice qui apporte son soutien à Nadia à son domicile est aussi intervenue à la crèche pour donner des conseils. «Mais c’est temporaire. et la question se pose déjà de savoir si Hector pourra commencer l’école enfantine l’automne prochain. Je me fais du souci. Que se passera-t-il s’il faut repousser son inscription d’une année? Sa crèche m’a déjà fait savoir qu’elle ne pourrait peut-être pas le garder ou alors avec un horaire restreint, faute de moyens.»

Kristel Waridel a dû faire preuve de patience. Agé de 4 ans, son garçon, Liam, souffre d’une maladie génétique rare: l’ataxietélangiectasie ou syndrome de Louis-Bar, une maladie neurodégénérative qui entraîne notamment une perte de contrôle des mouvements. Elle a créé une association, Live Association, pour la faire connaître et financer la recherche pour un traitement. Elle tient aussi un blog dans lequel elle raconte son quotidien. Très engagée, Kristel Waridel raconte que Liam a été diagnostiqué en 2019. «En 2020, au moment de chercher une place dans une crèche, nous avons pu en parler ouvertement et ça s’est très bien passé. La structure que nous avons trouvée a fait tout son possible pour l’accueillir dans de bonnes conditions», raconte-t-elle.


«Nous bricolons des solutions» Surya Fidanza

 

Et de poursuivre: «La crèche a aussi adressé une demande d’aide au canton pour engager du personnel supplémentaire. C’est là que ça c’est compliqué, car il a fallu attendre huit mois pour l’obtenir. Imaginez: huit mois d’attente pour qu’une personne soit présente durant un temps limité de deux heures pour une seule journée de crèche!»

Cette assistante de vie sociale dépend de Pro Infirmis. «Deux heures, c’est déjà bien, mais l’idéal serait évidemment qu’elle soit présente la journée complète. Liam l’apprécie beaucoup. Il a confiance en elle et ose lui demander de l’aide, pour aller aux toilettes par exemple. Il est plus gêné avec les autres collaborateurs de la crèche.» Et de souligner également à quel point la crèche fait du bien à son enfant. «C’est très important pour lui, et il est motivé. Ça le stimule, car il essaie toujours de faire comme les autres. Et ça lui permet d’apprendre à connaître les enfants du village qu’il retrouvera à l’école enfantine.»

La pointe de l’iceberg

Le SEI, qui dépend de la Fondation les Buissonnets, a la vue d’ensemble des situations d’enfants en âge préscolaire présentant un développement inhabituel ou un handicap. Marianne Schmuckli, sa directrice, a lu avec attention un récent rapport du Conseil d’Etat sur l’accueil intégratif de la petite enfance, qui annonce que quinze enfants n’ont pas eu accès à une crèche par manque de place ou de moyens de soutien adéquat pour 121 enfants pris en charge. «Mais c’est la pointe de l’iceberg», assure Surya Fidanza, responsable pédagogique du SEI. Elle fait remarquer que le rapport ne mentionne que les enfants qui ont été diagnostiqués et se sont vu allouer une mesure d’aide renforcée (MAR). «Or, il faut du temps pour poser certains diagnostics, notamment pour les troubles du spectre autistique. Et pendant ce temps, on bricole des solutions», poursuit-elle. Tant le SEI que Pro Infirmis financent en effet par leurs propres fonds certaines mesures visant à appuyer les structures d’accueil.

Le SEI admet qu’il atteint ses limites et a besoin que ce travail soit plus clairement reconnu dans son mandat. En janvier, il suivait 342 enfants en âge préscolaire. «Nous intervenons au domicile de l’enfant et apportons notre soutien dans les lieux d’accueil. Mais nous ne parvenons pas à répondre à tous les besoins. Actuellement, nous avons près de 50 familles en attente.» Et d’évoquer également les cas où des enfants ont été exclus d’une structure ou se voient réduire le temps d’accueil, faute d’encadrement adéquat. «Cette problématique concerne 26 enfants. Et malgré le travail des différents professionnels, une cinquantaine d’enfants auraient actuellement besoin d’un accompagnement supplémentaire. Ce sont des situations urgentes, qui plongent les parents dans le désarroi», raconte Surya Fidanza.

Unique crèche intégrative

La responsable pédagogique mentionne d’autres lacunes du dispositif cantonal. Ces fameux MAR ne couvrent que le quart du nombre d’heures d’accueil, à raison de 20,50 francs de l’heure. Ce qui signifie qu’une crèche qui accueille un enfant un jour par semaine reçoit 41 francs pour engager un collaborateur supplémentaire pendant deux heures. Autre écueil: les écoles maternelles ou groupes de jeux ne bénéficient pas de cette mesure. «Or, ces structures peuvent être mieux adaptées aux besoins des enfants. Les groupes y sont parfois plus petits, les horaires réduits», explique-t-elle.

La crèche La Coccinelle est la seule institution dite «intégrative» dans le canton. L’an dernier, elle accueillait vingt-quatre enfants, dont huit avec des besoins particuliers. «Nous collaborons très bien, assure Surya Fidanza. Mais chaque enfant devrait aussi pouvoir intégrer la structure de son village ou de son quartier. C’est ça la véritable inclusion», estime-t-elle.

En conclusion de son rapport, le Conseil d’État annonce qu’il est prêt à soutenir une crèche qui serait prête à organiser un système de prise en charge similaire à celui proposé par La Coccinelle. Un courrier de sensibilisation a aussi été transmis à toutes les structures en août dernier. Enfin, il indique que la procédure a été simplifiée. Il assure que ces mesures ont déjà produit des effets positifs. »* Prénom d’emprunt


Il arrive que des enfants avec des besoins particuliers soient exclus d’une structure, ou alors que leur temps d’accueil soit réduit, faute de moyens pour les encadrer. Keystone/photo prétexte

 


Le Grand Conseil s’en mêle

Le rapport sur l’accueil intégratif de la petite enfance, que le Conseil d’Etat a adressé en décembre dernier au Grand Conseil en réponse à un postulat de l’ancienne députée Giovanna Garghentini Python, ne satisfait pas les élus. «Je ne partage pas la conclusion selon laquelle les mesures prises sont importantes. C’est du saupoudrage», a lancé David Fattebert (le centre, Le Châtelard) lors de la dernière session. Dans la foulée, il a déposé avec Elias Moussa (ps, Fribourg) une motion demandant que les lacunes soient comblées. Le conseiller d’État Philippe Demierre promet de «mettre les choses à plat».

Le Conseil d’État a cinq mois pour prendre position sur la motion, avant que cette dernière ne fasse l’objet d’un débat au Grand Conseil,

suivi d’un vote. Si les députés acceptent la motion, le Conseil d’État doit la mettre en vigueur. La procédure peut donc être longue, sauf si le gouvernement décide de présenter immédiatement un projet. MAG


Les structure notent une hausse des cas

Crèches et écoles maternelles réclament davantage de soutiens pour accueillir les enfants en situation de handicap.

Sur le plateau de Pérolles, la villa de l’Arsenal abrite depuis janvier 2016 la crèche Pérollino. Elle accueille chaque semaine une centaine d’enfants, dont une dizaine avec des besoins particuliers. Marisa Rolle, sa directrice, déplore le peu de moyens alloués pour leur prise en charge. «Nous nous adaptons à chaque situation, mais je rêve de pouvoir engager un pédagogue curatif. A défaut, nous prenons sur nous car nous croyons aux bienfaits de l’intégration. Ce qui nous manque, c’est par exemple un organe indépendant de notre structure, qui interviendrait lorsque nous détectons qu’un enfant a des difficultés et se chargerait ensuite de déterminer, de mettre en place et de coordonner les moyens dont nous avons besoin. Ça soulagerait aussi les parents», explique-t-elle.

Marisa Rolle constate aussi qu’il y a une nette augmentation des cas. «A nos débuts, nous avions à gérer une seule situation difficile à la fois. Aujourd’hui, il y a dans chaque groupe de treize enfants un ou plusieurs enfants qui demandent un suivi particulier», constate-t-elle.

Les écoles maternelles sont encore moins bien loties, car elles n’ont pas le même statut et ne sont pas considérées comme des structures de garde d’enfants. A Châtel-Saint-Denis, les Gazouillis s’efforcent néanmoins de trouver des solutions. «Nous avons toujours eu à cœur d’accueillir tous les enfants, explique sa responsable, Ursula Colliard. Et nous sommes également très attentifs à leur développement. En cas de besoin, nous avons par chance une bonne collaboration avec les pédiatres et les logopédistes de la région. Mais il y a des cas très compliqués, notamment avec des enfants présentant des troubles autistiques, qui nécessitent une aide extérieure.»

Dans l’idéal, pour certains enfants, il faudrait qu’un adulte soit toujours présent à leurs côtés, estime Ursula Colliard. «On en est loin. On se débrouille, on fait du mieux qu’on peut, mais j’ai récemment dû réduire le temps d’accueil d’un enfant car nous n’avions pas le personnel disponible pour lui et sa présence dans un groupe devenait dangereuse, pour lui et pour les autres. Je ne pouvais pas prendre ce risque. C’est terrible pour nous mais aussi pour les parents, qui le vivent comme un échec», raconte-t-elle. La directrice des Gazouillis estime que ce n’est pas aux parents de pallier les manques en finançant le dispositif. «Un enfant qui est différent a sa place dans la société, c’est même à elle de s’organiser pour l’intégrer», dit-elle.

Les responsables de structures d’accueil de la petite enfance notent cependant que les difficultés ne découlent pas seulement d’un manque de moyens. Il arrive que des parents peinent à reconnaître les difficultés de leur enfant ou misent sur des changements positifs avec le temps. Une réaction qui peut aussi retarder une prise en charge adéquate.» MAG

Manque de places d’accueil pour les enfants atteints d’autisme

(Le Nouvelliste)

Alors que l’importance d’une prise en charge précoce des enfants atteints du trouble du spectre autistique est reconnue, les places d’accueil manquent.

par Sevan Pearson


Les difficultés à communiquer créent souvent de l’angoisse chez les personnes autistes ce qui accroît le risque de crises. KEYSTONE/ARCHIVES

 

«Il est souvent compliqué de trouver une place adaptée dans un centre spécialisé pour son enfant atteint du trouble du spectre de l’autisme (TSA).» Bénédicte Eissa sait de quoi elle parle. Maman d’une jeune femme autiste âgée aujourd’hui de 23 ans, elle se souvient de la première difficulté: établir un diagnostic. Ce n’est que lorsque sa fille atteint l’âge d’être scolarisée (6 ans) que sa suspicion est confirmée: son enfant est autiste. Commence alors un parcours difficile pour lui trouver un accompagnement adapté.

«Il est souvent compliqué de trouver une place adaptée dans un centre spécialisé pour son enfant atteint du trouble du spectre de l’autisme.»
Bénédicte Eissa, mère d’une enfant atteint d’autisme

«On m’a orientée vers l’éducation spécialisée», poursuit Bénédicte Eissa. Après plusieurs mois d’attente, elle obtient une place pour sa fille. «Mais je ne savais rien sur l’accompagnement dont elle allait bénéficier. Elle est restée là-bas pendant huit mois, sans faire aucun progrès. On a même essayé de me faire comprendre que je devais simplement «accepter» l’autisme de ma fille. Je l’ai retirée de ce centre et j’ai décidé de fonder l’association OVA (dont elle est présidente, ndlr) avec d’autres parents vivant des situations analogues.»

Aujourd’hui, cet organisme gère à Gland (VD) un centre dédié à l’autisme. Il vient en aide aux familles concernées et propose notamment l’approche dite «analyse appliquée du comportement» (acronyme anglais: ABA), développée aux Etats-Unis et étant reconnue scientifiquement comme efficace.

Compétences ciblées

Malheureusement, les difficultés évoquées par Bénédicte Eissa demeurent d’actualité. «Il est souvent ardu de trouver des centres spécialisés, ou du moins adaptés, pour des enfants ou des adultes autistes», confirme Isabelle Steffen, coprésidente d’Autisme Suisse romande, association ayant pour but de faire reconnaître les droits et spécificités des besoins des personnes avec autisme et de leurs familles.

«Il faut bien être conscient que les personnes autistes ont souvent de la peine à communiquer et à reconnaître les visages. Cela crée de l’angoisse et accroît le risque de crises.»
Isabelle Steffen, coprésidente d’Autisme Suisse romande

«Les foyers pour les enfants et les jeunes autistes sont destinés à des personnes avec de grandes fragilités. Elles ont besoin de beaucoup de prévisibilité, car cela les rassure. Il faut bien être conscient que les personnes autistes ont souvent de la peine à communiquer et à reconnaître les visages. Cela crée de l’angoisse et accroît le risque de crises. En aucun cas elles ne sont capricieuses», tient à souligner la responsable.

S’occuper d’enfants ou de jeunes autistes n’est donc pas facile et nécessite des compétences ciblées. «La formation des professionnels est essentielle, afin qu’ils soient en mesure de détecter les besoins spécifiques de chaque personne autiste dont ils s’occupent. Ces professionnels doivent pouvoir être écoutés et bénéficier d’une supervision. Il est également important que les familles soient entendues et consultées», insiste Isabelle Steffen.

Une prise en charge adaptée aux enfants autistes et une formation adéquate sont donc indispensables, afin d’éviter des maltraitances, comme celles qui ont récemment été dénoncées dans les médias au sujet du foyer de Mancy (GE) et qui font l’objet d’une enquête.

«Il faut des personnes bien formées, capables de comprendre les difficultés de communication des enfants autistes.»
Bénédicte Eissa, mère d’une enfant atteint d’autisme

«Il faut des personnes bien formées, capables de comprendre les difficultés de communication des enfants autistes. Car ces derniers, lorsqu’ils se sentent incompris, peuvent devenir violents envers les autres et envers eux-mêmes. Avec le risque d’entraîner le personnel dans des comportements totalement inadéquats. Afin d’éviter cela, il faut une intervention précoce, intensive, efficace et adaptée avec du personnel formé à ce type de prise en charge», recommande Bénédicte Eissa.

Justement, le 22 septembre, l’ESM Business School de Genève et l’association OVA, en coordination avec l’organisation professionnelle ABA Switzerland, lancent un master en ABA. «L’objectif est double: répondre au manque de professionnels pouvant prendre en charge les personnes avec TSA et développer leur esprit entrepreneurial afin qu’ils soient encouragés à créer des centres spécialisés», éclaire Eric Vandenhoeck, responsable de la communication auprès de l’association OVA.

Groupes de travail

Les choses bougent aussi du côté des cantons, après que la Confédération a publié un rapport en 2018 avec une série de recommandations, dont celle de privilégier une intervention précoce (voir ci-dessous).

En juin 2018, le Valais mettait sur pied un groupe de travail. «Le canton n’a pas suivi la stratégie de créer un grand centre susceptible d’accueillir toutes les personnes atteintes d’autisme. En effet, l’éventail des réponses apportées doit être en lien avec le spectre des besoins, variant fortement d’une personne à l’autre», indique Guy Dayer, chef de l’Office de l’enseignement spécialisé. A cela s’ajoutent la géographie complexe du canton et le bilinguisme. Cependant, des pas concrets ont été faits, puisque le budget dévolu aux écoles spécialisées a été récemment augmenté. «Même si ces mesures ne sont pas spécifiques aux enfants autistes, nous constatons que ces derniers occupent environ 30% de ces nouvelles places et que cela a permis de scolariser chaque élève», précise le responsable.

Dans le canton du Jura également, une commission travaille sur l’élaboration de pistes pour améliorer la prise en charge des personnes atteintes de TSA. Dans le courant de l’année, de trois à cinq places d’accueil supplémentaires pour enfants autistes seront ouvertes.

«ll s’agit d’un spectre, l’intensité du trouble autistique varie beaucoup»

Le trouble du spectre autistique (TSA) touche environ 1% de la population. Il nécessite une prise en charge adaptée et spécifique à chaque personne concernée. Entretien avec Nadia Chabane, directrice du Centre cantonal de l’autisme du CHUV et professeure en médecine à l’Université de Lausanne.

Qu’est-ce que le trouble du spectre autistique (TSA)?

Nadia Chabane: Il s’agit d’un trouble du développement du système nerveux central, qui se caractérise par des anomalies ou particularités du fonctionnement du cerveau. La personne autiste ne traite pas l’information de la même manière que la majorité de la population.

Quelles en sont les causes?

Elles sont multiples et tout se joue avant la naissance et parfois pendant. La génétique explique en partie l’émergence d’un TSA. Mais il faut également tenir compte de facteurs environnementaux: infection virale et/ou prise de certains médicaments durant la grossesse, anomalies dans l’oxygénation du bébé, prématurité ou encore âge du père (plus il est âgé, plus le risque augmente). Le stade de développement du cerveau, durant lequel ces facteurs multiples interviennent, influence probablement l’expression du TSA.

Justement, comment se manifeste un TSA?

De manière très diverse. Le point commun de toutes les personnes avec TSA: elles présentent des difficultés dans la communication sociale et des comportements répétitifs, ont des intérêts très spécifiques et un traitement sensoriel particulier (par exemple hypersensibilité à certains bruits ou à la lumière). Cependant, comme il s’agit d’un spectre, l’intensité du TSA varie beaucoup. D’un côté, il y a des personnes sans déficience intellectuelle (et même avec une intelligence remarquable), qui peuvent vivre «normalement», tout en ayant certaines particularités. De l’autre, on trouve celles ayant un grand retard de développement, sans langage et étant peu autonomes. Elles souffrent parfois de pathologies associées. Entre les deux, il existe un éventail très large.

Comment prendre en charge un TSA?

Il faut intervenir le plus tôt possible, car la plasticité du cerveau des jeunes enfants est grande, ce qui permet de vite travailler sur la communication et la socialisation. Il existe différentes approches validées. Le modèle de Denver (Early Start Denver Model), développemental et comportemental, s’adresse aux enfants de 18-48 mois. A raison de 20 heures par semaine pendant au moins deux ans, un professionnel travaille de façon ludique avec l’enfant pour favoriser les apprentissages. Pour les enfants et les adultes, l’analyse appliquée du comportement (acronyme anglais: ABA) vise à travailler les apprentissages en adaptant les comportements à la vie en société. Ce qui est dans tous les cas essentiel, c’est d’évaluer l’efficacité de l’accompagnement, afin de le modifier si nécessaire. SP

Proche aidant•e [n.]: une personne, dix casquettes

(blick.ch/fr)

Jamais mieux servi que par soi-même #36

Le journaliste Malick Reinhard pointe docilement du doigt la maladresse des «valides» face au handicap. Cette semaine, il nous parle des proches aidants, ces personnes à la charge de travail lourde et qu’on oublie parfois trop rapidement.

Malick Reinhard

Eh, bamboulé, ou bien *placer ici votre meilleur accent genevois*!? Ça y est, on va pouvoir revivre, sans toutes ces contraintes sanitaires? Peut-être être pas pour tout le monde. Alors, oui, la levée quasi totale des mesures Covid dans notre pays me réjouit.

Et pourtant, en tant que «personne à risque», il m’est impossible de ne pas me demander si, en réalité, ce n’est pas à partir de maintenant que le qualificatif «à risque» se légitime plus que jamais. Désormais moins protégée par les autres, cette population risque de véritablement commencer son semi-confinement aujourd’hui.

Je vous ai posé la question sur Facebook et, évidemment, les réactions saines et bienséantes n’ont pas tardé à arriver. Frédéric, pour me «protéger», me conseille, en bon pharmacien, la vitamine C liposomale — paraît-il qu’elle est disponible sans ordonnance. Isabelle me rappelle, dans un éclair de génie, que nous sommes «tous mortels». Natacha soutient: «À vivre dans la peur, autant directement préparer ses funérailles». Et puis, message à mes proches: Jérôme commence, dès maintenant, à faire son deuil. Il regrette ma prétendue mort prochaine due au Covid. Dommage, il paraît qu’il «m’aimait bien».

Environ 590’000 aidants en Suisse

En parlant de mes proches, pour eux non plus, cette période de retour à la normalité, faite de protection accrue dans un environnement euphorique et indolent, sera une probable nouvelle épreuve. Ces personnes, là, qui, contrairement à Frédéric, Isabelle, Natacha et Jérôme, n’auront tout simplement pas d’autre choix que de vivre au rythme des êtres à risques qu’ils côtoient de près. Au nom de la solidarité et, surtout, de la sécurité.

Ces personnes, là, on les appelle les proches aidants. Ils et elles, bénévoles et très peu reconnus par les autorités, sont un peu plus de 590’000 en Suisse, dont quasiment 49’000 ont aujourd’hui moins de 16 ans. On n’en a encore jamais parlé, vous et moi, mais, en plus d’être proche aidé, je suis aussi proche aidant. Plusieurs fois par semaine, j’assiste Nathan, 17 ans, mon frère cadet, qui est atteint de problèmes cognitifs, plus précisément d’une leucomalacie — mot compte triple au Scrabble. Ainsi, avec handicap, ou non, il est possible, à parts égales, de se retrouver aidant.

Aujourd’hui, cette ville de proches aidants, à l’image de Corippo (TI), Mauraz (VD) ou Kammersrohr (SO), manque encore cruellement de visibilité. Et ça, Sarah Missiller-Vuataz l’a bien compris. Elle-même maman et proche aidante du petit Louis, 8 ans, l’assistante en intégration scolaire crée en décembre 2021, avec son mari, Théo, «Parenthèse», un podcast pensé par et pour «les parents d’enfants extraordinaires» — comprenez touchés par un handicap ou une maladie.

Un besoin de se raconter

Et, même si beaucoup de proches aidants en Suisse ne sont pas forcément parents, Sarah Missillier-Vuataz reconnaît qu’il y’a un fort besoin de se raconter et d’échanger chez ces personnes dont le rôle est souvent inconnu: «C’est hyper important, pour moi comme pour d’autres, d’avoir la possibilité, en tant que parents et proches aidants, d’avoir la possibilité d’échanger des conseils et astuces entre êtres humains qui vivent des expériences similaires. La difficulté d’être parent et proche aidant, c’est de rester parent avant tout. On pourrait vite être tenté de devenir le physiothérapeute de substitution, l’infirmière de substitution… Alors que, finalement, nous sommes les parents d’un enfant, avant d’être autre chose. Échanger pour prendre du recul sur la situation, c’est onc nécessaire.»

Ni une ni deux, l’internet des internets propulse le podcast et montre l’intérêt porté par des parents de familles où « tout va bien» et qui, toujours selon sa créatrice, ont envie de s’informer sur des réalités parallèles aux leurs. Pour la Blonaysanne, c’est aussi ça, l’intégration. Un véritable pont entre visions du monde qui est important ne serait-ce que pour protéger les proches aidants et les proches aidés.

Le proche aidant du proche aidant

Mais, pas toujours facile de se protéger et de penser à soi, quand on est là pour l’autre. Dans un récent rapport de l’Office fédéral de la Statistique (OFS), il est observé que, les proches aidants en Suisse, sont globalement plus atteints dans leur santé, à comparer avec leurs contemporains qui ne sont pas appelés à assister une ou un membre de leur famille. Cela s’expliquerait notamment par le fait que la majorité de ces personnes appelées à l’aide sont âgées de plus de 50 ans.

«Pour être dans ce rôle, qui n’est pas toujours choisi, il faut être solidement accompagné, estime Sarah, la maman de Louis. Il s’agit de trouver le proche aidant du proche aidant. Et dans notre cas, c’est une grande chance de pouvoir soutenir notre fils à deux, avec mon mari. Sinon le bateau est trop lourd!»

Une grande chance que confirme la fondation Pro Infirmis, qui vient en aide notamment à cette population: parmi leurs nombreux dossiers ouverts dans tout le pays, 80% des couples assistés sont aujourd’hui divorcés, « probablement en raison du handicap qui est venu impacter l’équilibre familial». Un chiffre 30% plus élevé que celui donné par l’OFS, toutes configurations de ménages confondues.

Entre le présent et l’avenir

Pour Sarah Missilier-Vuataz, comme pour beaucoup d’autres proches aidants, le carpe diem n’existe pas. Aujourd’hui, Louis a 8 ans. Mais il aura toujours besoin d’une aide active, en raison de sa maladie rare. Impossible, pour la mère et le père du petit bonhomme fédérateur, de ne pas se demander quelle sera leur place, une fois ce dernier devenu adulte.

«Mais, parallèlement à cela, nous devons apprendre à vivre dans l’instant présent, nuance l’assistante en intégration scolaire. On navigue beaucoup entre le présent et l’avenir. Et puis, finalement, la vie est bien plus difficile pour Louis que pour nous. C’est lui qui, depuis sa naissance, vit les opérations, les soins… Et il n’a rien demandé de tout cela. Alors, en tant que parents, et donc aussi proches aidants, on ne peut qu’être là pour lui.»


Louis et ses proches aidants

 

Un restaurant tout en signes

(Le Courrier Genève)

Vroom, le premier établissement géré par des personnes sourdes a ouvert ses portes à Genève. L’occasion de s’initier à la langue des signes autour d’une assiette.

Maude Jacquet

Inclusion Voici le premier restaurant genevois où le silence est roi! Fraîchement ouvert, le Vroom a été pensé par et pour des personnes sourdes ou malentendantes. Tout ici est adapté pour que de la cuisine à la dégustation, en passant par le service, on puisse se passer de la parole. Mais le projet ne cultive pas l’entre-soi: il se veut au contraire une passerelle entre le monde des sourdes et des entendantes. Une manière de découvrir la langue des signes au détour d’un repas, mais aussi de valoriser les personnes sourdes dans le monde du travail.

Design 100% adapté

L’idée, mûrie depuis plus de deux ans, a germé dans la tête de Mehari Afewerki, président de la Société des sourds de Genève. Inspiré par des initiatives similaires en France, au Canada et aux Etats-Unis, il décide de sauter le pas, en s’appuyant sur un financement participatif et des soutiens publics et privés. L’établissement, qui peut accueillir dès maintenant 50 personnes, est ouvert du lundi au samedi.

En poussant la porte du 13 rue des Rois, on constate en premier lieu l’agréable luminosité et le mobilier design. Tables et bar arrondis, miroirs qui agrandissent l’espace et grandes baies vitrées, rien n’est laissé au hasard. Mais ce n’est pas (seulement) pour le plaisir des yeux: tout ici a été pensé en termes de fonctionnalité. «Le mobilier rond permet aux convives de pouvoir signer en étant vus de toute la table, ce que favorise aussi une bonne luminosité», détaille Elodie Ernst, la responsable communication du projet. Dans la même optique, le miroir au fond du bar permet aux serveurs et serveuses, majoritairement sourdes ou malentendantes, de saisir les mouvements dans la salle même quand ils doivent lui tourner le dos. La cuisine a également droit à ses aménagements aussi tendances que pratiques: l’espace est ou- vert sur la salle et on y dresse les assiettes face aux convives. Côté client.es, on apprécie le calme qui émane de cette cuisine, bien loin de l’ambiance survoltée et bruyante qui y règne souvent.

«Les personnes sourdes sont trois fois plus touchées par le chômage que les personnes entendantes»
Elodie Ernst

Vient bientôt le moment de commander. Ici la langue des signes est reine, mais pas question d’exclure les non -initiées: une partie du personnel lit sur les lèvres, une serveuse entendante peut également faire le lien. Mais à terme, le but est de se lancer dans le grand bain: «D’ici peu, nous aurons des tablettes qui expliqueront en vidéo le menu en langue des signes. Même les entendantes pourront alors passer leur com- mande en signant», se réjouit Elodie Ernst.

Les premiers.ères client.es, enthousiastes, n’ont pas attendu le développement de la technologie. En demandant de l’aide à la table voisine, ils et elles s’en- traînent pour commander un émincé de poulet accompagné de riz – le plat de ce jour – et une salade. Mais aussi apprendre les salutations élémentaires. Entre un lever de soleil pour dire bonjour et la barbe du bouc pour le chèvre chaud, fou rire garanti et partagé par la tablée attenante. Si vous êtes prêtes, il ne reste plus qu’à appeler le service? Il suffit pour cela d’appuyer sur la commande installée à table qui transmet votre appel via une montre connectée.

Déstigmatiser la surdité

Au-delà de l’aspect ludique de l’expérience, ce restaurant a une double vocation: «Nous voulons proposer un lieu où les personnes sourdes se sentent à l’aise. Mais aussi montrer qu’elles peuvent travailler comme les autres, alors qu’elles sont aujourd’hui trois fois plus touchées par le chômage que les personnes entendantes», regrette la porte-parole du projet. Une exception à cette règle: Caroline, serveuse entendante, qui travaillait auparavant dans ces mêmes locaux pour un autre établissement. «Quand on m’a proposé de me joindre au projet, j’ai tout de suite dit oui. Cela impliquait de me former à la langue des signes. J’ai pris des cours, mais c’est surtout auprès de l’équipe, en contexte, que j’ai le plus appris. Je trouve extraordinaire de mener ce projet dans la restauration.»

Reste à convaincre les gourmand.es de franchir la porte. Et c’est bien parti. Dans le quartier, le mot a déjà tourné, et ce midi les travailleurs et travailleuse du quartier prennent possession des lieux. Il y a cette maman, venue avec son fils, qui trouve l’expérience «pédagogique, même si on vient d’abord pour la cuisine». Et cette jolie confluence des rencontres qui ont amené Alain l’orthophoniste et sa collègue logopédiste Corinne à cette table. Lui a travaillé longtemps avec des personnes sourdes, elle a rencontré Elodie Ernst via une application de livraison de repas entre particulier.ères. Avec des bureaux à deux pas, l’occasion était trop belle pour ne pas la saisir. Et c’est déjà promis: il et elle reviendront!


Deux des initiateurs.trices du projet, Mehari Afewerki et Elodie Ernst, quelques jours après l’ouverture du restaurant. JEAN-PATRICK DI SILVESTRO

 

Mancy: «C’est quelqu’un de très criminel qui a fait cela»

(Le Temps)

Surmédication

Les faits reprochés aux prévenus mentionnent une forte dose de Temesta, mais aussi d’autres médicaments susceptibles de mettre en danger une jeune autiste. «Le Temps» révèle les explications données à la justice par l’une des personnes mises en cause Malika, de son prénom d’emprunt, jeune autiste de 13 ans placée au foyer de Mancy, ne s’est pas seulement vue administrer une forte dose de Temesta pouvant mettre sa vie en danger. Des analyses médicales ont montré que la mineure avait aussi ingéré de la clotiapine (un neuroleptique réservé aux adultes) et du lévétiracétam (un anti-épileptique), des substances contenues dans des médicaments qui ne lui étaient pourtant pas prescrits. Cela se serait produit entre février et début mai 2021, soit sur une période de plusieurs mois, selon le procès-verbal d’audition d’une des trois personnes mises en prévention en début de semaine et que Le Temps a pu consulter.

«Je me sens abasourdie. Je ne suis pas du tout liée à ces histoires.» Ce sont les premiers mots adressés par la prévenue à la procureure Victoria de Haller. Cette éducatrice spécialisée, bientôt sexagénaire, co-référente de Malika jusqu’en juillet2021, faisait des remplacements à Mancy depuis la création du centre. Selon elle, la préparation des piluliers se faisait par les infirmiers, puis des collaborateurs fixes. «Tout le monde avait accès à la pharmacie car elle n’était pas fermée à clé.» Depuis cette affaire, les choses ont changé, même si les nouvelles règles «ne sont pas toujours respectées».

«Rendre service»

Entendue d’abord par la police, la prévenue, défendue par Me Romanos Skandamis, assure que Malika «n’était pas attirée par son pilulier et n’était même pas capable de l’ouvrir». Le 28 mars2021,soit le soir de l’intoxication au Temesta, l’éducatrice était en charge d’un autre enfant et dit avoir rendu service à ses deux collègues (une infirmière et un éducateur qui voulaient prendre le temps de manger) en gardant Malika et en allant la coucher dans sa chambre. Ces collègues (qui sont aussi prévenus) lui avaient indiqué avoir donné «la réserve», soit les médicaments prescrits à l’enfant, car elle était agitée en promenade.

Après environ trente minutes, Malika est réapparue dans la cuisine. «Elle marchait en se balançant comme d’habitude», assure l’éducatrice qui avait rejoint les deux autres autour de la table. Elle précisera plus tard qu’elle «était somnolente, mais dans un état normal». C’est un autre éducateur de nuit, «très gentil», qui aurait alors pris le relais. Elle conteste avoir couché l’enfant deux fois avant de repartir chez elle, comme cela a été dit par ses collègues lors des entretiens de service. «Ce n’est pas vrai. Ils ont dû discuter entre eux. Je commence à comprendre leur jeu.» Elle-même n’a pas été convoquée pour s’expliquer à l’interne.

«Donner une fois du Temesta cela peut être dû à une guerre de clans, mais pas le fait d’administrer dans la durée d’autres médicaments»
Éducatrice spécialisée mise en prévention

Interrogée sur l’ingestion de tous ces médicaments, la prévenue répond: «Je ne sais pas pour quelle raison on prescrit ce genre de médicaments mais je me demande si quelqu’un a tenté de calmer les crises de Malika. Je précise toutefois que ce que vous me dites m’effraie. Je ne comprends pas comment on peut faire du mal à un enfant.» A la question de savoir si elle a déjà vu quelqu’un perdre patience: «Je n’ai jamais vu personne perdre patience avec elle. Si je l’avais vu, je serais intervenue. Je pense qu’en ma présence, personne n’oserait la maltraiter.»

Faits contestés

Devant la procureure, l’éducatrice conteste toujours fermement les faits reprochés. Elle donnait uniquement les médicaments prescrits ou ceux qui étaient dans les piluliers préparés par d’autres. Quant au Temesta, «j’ai su ce qui était arrivé à Malika un ou deux jours plus tard», via un courriel de la directrice générale de l’Office médico-pédagogique. S’agissant de cette enfant, elle précise que les éducateurs avaient peur d’elle au début. «Ils sortaient des sortes de boucliers.» Au final, la balançoire suffisait souvent pour la calmer.

Quel a été le contenu des discussions au foyer après cet «incident»? «J’ai entendu que Malika est allée aux toilettes la nuit et qu’elle trébuchait. Le lendemain, sous la douche, elle était très sage, ce qui n’est pas le cas normalement.» L’éducateur de nuit l’a amenée le lendemain à l’école et a dit à la maîtresse que l’enfant était bizarre. Elle a alors été amenée à l’hôpital. Il y a eu des WhatsApp, des échanges en tête à tête. «Nous avons dit au sein du groupe que cette histoire nous rendait dingue car aucun élément en notre possession ne permettait de comprendre la situation.»

Interdiction de contact

Sur question de son avocat, la prévenue persiste à penser qu’il est impossible que Malika ait pris seule le Temesta. «Je ne sais pas qui a fait cela, mais c’est quelqu’un de très criminel. Donner une fois du Temesta cela peut être dû à une guerre de clans, mais pas le fait d’administrer dans la durée d’autres médicaments.»

Guerre de clans, le mot est lâché. Pour percer cette sombre histoire, les enquêteurs ont saisi téléphones et ordinateurs afin de savoir, notamment, ce qui s’est dit au moment des faits. D’autres mesures de surveillance secrètes ne sont jamais exclues dans ce type d’enquête et pourraient en partie expliquer le temps pris par la justice pour intervenir. En attendant les futures auditions et confrontations, les prévenus sont interdits de contact avec toute une série de personnes et ne peuvent s’approcher du désormais tristement célèbre foyer de Mancy. – F.MA