Bourg-en-Lavaux veut en finir avec le jargon officiel

(tdg.ch)

Canton de Vaud La commune prévoit une traduction en langage simplifié de son site internet. Un pas que peu de collectivités ont franchi.
Cécile Colle

«En Suisse, 800’000 personnes ont des difficultés pour comprendre un texte.»
«Le Langage simplifié veut dire: les informations sont faciles à lire et à comprendre.»

Les deux phrases qui précèdent, tirées du site internet du Bureau Langage simplifié de Pro Infirmis Fribourg, sont écrites en FALC (pour facile à lire et à comprendre). On devrait bientôt trouver le même genre de langage sur le site internet de la Commune de Bourg-en-Lavaux, dont les conseillers communaux ont accepté d’adjoindre à sa refonte totale une traduction de certaines informations. La démarche est rare pour une collectivité publique.

Langage officiel trop complexe

Et pourtant, France Santi, traductrice indépendante en FALC chez textoh!, déplore le «gouffre entre la communication officielle et ses récepteurs. Tout le monde doit savoir où mettre ses poubelles, mais parfois même ça, ce n’est pas clair.» Pour la spécialiste, les 800’000 personnes qui peinent à comprendre ce qu’elles lisent (étude de 2003, OFS), soit 16% des16-65 ans, ne représentent qu’une part des personnes avec difficultés. «Une étude allemande de 2011 estime que 60% de la population se situent dans les trois niveaux les plus bas de compétence linguistique, soit Al à B1 (ndlr: sur six niveaux du Cadre européen commun de référence pour les langues). Ces niveaux de compétence ne permettent souvent pas de comprendre une lettre officielle. Les autorités devraient de façon générale communiquer en et adapter certains sujets pour les niveaux plus bas.»

À Fribourg, où le Grand Conseil a accepté mi-septembre à la quasi-unanimité un postulat de-mandant à l’État d’étudier la question du recours au langage simplifié pour toute la communication du Canton, Didier Castella, ministre PLR chargé des Institutions, l’a bien compris: «En tant que petit canton, nous essayons d’être proches de nos citoyens.C’est une perte pour la démocratie si on laisse des gens au bord de la route.» Si Jean Christophe Schwaab (PS), municipal responsable de l’Informatique à Bourg-en-Lavaux, a proposé la traduction en FALC du site internet, c’est qu’il estime que c’est «urgent, important et nécessaire. Il existe une obligation constitutionnelle d’informer la population par les canaux adéquats.»

Pour l’autonomie de tous

La plupart des traductions en FALC au niveau romand émanent du Bureau Langage simplifié de Pro lnfirmis Fribourg, créé en 2017- deux autres bureaux existent à Zurich et Bellinzone.Le FALC s’adresse en effet au départ à des personnes présentant des déficiences intellectuelles, dans l’idée qu’il peut les aider à acquérir l’autonomie. La labellisation passe d’ailleurs obligatoirement par la relecture d’experts en situation de handicap. «Mais en fait, ce langage est utile à plein d’autres!»indique Giovanna Garghentini Python, directrice de Pro Infirmis Fribourg et députée PS. Les enfants, les personnes âgées, celles qui souffrent de dyslexie ou de troubles autistiques,les allophones, les illettrés ou encore les malentendants, bref, tous ceux qui ont des capacités réduites en littératie y gagnent en accessibilité. Elle se réjouit de la démarche de Bourg-en-Lavaux,qui va dans le sens de la société inclusive vers laquelle on tend aujourd’hui.Concrétiser le propos Pour elle, cela serait même «idéal»que le langage simplifié devienne obligatoire pour les collectivités publiques au niveau national, car«il permet de faire des choix en connaissance de cause. Notamment pour ce qui est des votations. Ce n’est pas possible de voter pour ou contre le congé paternité et de ne trouver sur son bulletin que la notion d’allocations pour perte de gain…»

France Santi abonde: «Le FALC concrétise énormément,au contraire du langage officiel, qui fleurit, veut faire intelligent et finalement fatigue le lecteur.» Elle évoque un cours donné à des greffières.


Le langage FALC, facile à lire et à comprendre

 

«Le langage FALC ne prend pas de gants et délaisse souvent le contexte pour se concentrer sur la conclusion. Cela peut déstabiliser. Ces greffières me disaient:«On ne peut pas annoncer comme ça frontalement à un père qu’il n’a plus le droit de garde!» C’est vrai, mais c’est pire qu’il ne le comprenne pas. Ou seulement après une longue lecture difficile.»Et à ceux qui considèrent que le langage simplifié n’exploite pas le potentiel des individus, les infantilise, voire les manipule – trois critiques régulièrement entendues – les traducteurs répondent que chaque adaptation prend en compte avec précision le public cible, qu’elle va à l’essentiel dans un esprit de synthèse et non de simplification à outrance et qu’elle se doit évidemment d’être neutre et objective.
www.langage-simplifie.ch

www.textoh.ch

Parler à tous, une décision politique

(24heures.ch)

Le langage facile à lire et à comprendre va faire son entrée sur le site internet d’une petite commune vaudoise, Bourg-en-Lavaux. Si le Conseil communal l’a récemment accepté, d’aucuns se sont tout de même étonnés: «Moderniser le site, on veut bien, mais pourquoi en simplifier le texte, et pour quel coût?»

La ratification par la Suisse de la Convention pour les droits des personnes handicapées (CDPH) en 2014 répond à cette question. Tous les textes officiels devraient être accessibles à tous, afin de permettre un choix en connaissance de cause, une autodétermination. Davantage qu’une coquetterie de municipal socialiste, il s’agit d’un droit constitutionnel qu’il s’agirait d’appliquer. Nos bulletins de vote évitent de plus en plus la double négation, c’est bien, mais le jargon y a toujours une bonne place. Pour preuve les «allocations pour perte de gain» que tout un chacun devait traduire en «congé paternité» dans l’isoloir le 27 septembre.

Et la question de savoir si une collectivité publique devrait dépenser de l’argent pour une part infime de sa population – les personnes handicapées – a d’autant moins sa raison d’être que les textes en facile à lire et à comprendre sont les plus consultés lorsqu’ils sont disponibles. La dépense publique profitera donc à tous.

Attention, il ne s’agit pas de remiser Proust au galetas, ni de s’interdire la poésie ou l’ironie – incompatibles avec le FALC – dans les textes d’auteurs. La simplification à outrance quitte à omettre des éléments essentiels ou à travestir la communication initiale n’est pas souhaitable non plus. Mais «ce que l’on conçoit bien s’énonce clairement», disait Nicolas Boileau («L’Art poétique», 1674).

Cette clarté est d’autant plus nécessaire pour une information utile à l’exercice de la démocratie. Pourfendeur des totalitarismes, George Orwell ne s’y trompe pas lorsqu’il dispense, au sortir de la Seconde Guerre et de ses propagandes, ses six règles pour bien écrire («La politique et la langue anglaise», 1946). Il y proscrit métaphores, mots longs ou inutiles, passif et jargon, sauf dans le cas où l’on ne peut pas faire autrement. Et milite pour que «le sens gouverne le choix des mots et non l’inverse». On trouve les mêmes règles de base pour le FALC, qui veut donner du sens à une communication officielle visant un public large et lutter ainsi contre l’exclusion et l’obscurantisme administratif.

Entrée en vigueur de la loi fédérale pour soutenir les proches aidants

(www.admin.ch)

La nouvelle loi fédérale sur l’amélioration de la conciliation entre activité professionnelle et prise en charge de proches entrera en vigueur en deux étapes. Le Conseil fédéral l’a décidé lors de sa séance du 7 octobre 2020. La première étape, dont l’entrée en vigueur est prévue au 1er janvier 2021, permettra de régler le maintien du salaire pour les absences de courte durée et d’étendre les bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS. Le droit au supplément pour soins intenses et à l’allocation pour impotent de l’AI en faveur des enfants sera également adapté. Le congé indemnisé de 14 semaines pour la prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident entrera en vigueur dans une seconde étape, au 1er juillet 2021.

Le travail des proches aidants est très important pour la société. Ils assument en effet une part considérable des soins aux personnes malades et dépendantes. Concilier la prise en charge de proches avec une activité professionnelle peut toutefois s’avérer difficile. Le 20 décembre 2019, le Parlement a adopté une nouvelle loi pour améliorer la situation des proches aidants. Le référendum n’ayant pas été saisi, la loi entrera en vigueur en deux temps. Le premier train de mesures entrera en vigueur au 1er janvier 2021.

Absences professionnelles de courte durée

Un congé payé est introduit dans le Code des obligations afin que les travailleurs puissent prendre en charge un membre de la famille ou leur partenaire en raison d’une maladie ou d’un accident. Ce congé peut durer au maximum trois jours par cas et ne doit pas dépasser dix jours dans l’année.

Bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS

Le droit aux bonifications pour tâches d’assistance dans l’AVS est étendu afin de permettre à davantage de personnes impotentes de mener une existence indépendante chez elles. Avec la nouvelle loi, les proches aidants pourront toucher cette bonification également si la personne qui nécessite des soins est au bénéfice d’une allocation pour impotence faible. Les concubins pourront aussi en bénéficier, si le couple fait ménage commun depuis au moins 5 ans.

Adaptation du droit à l’allocation pour impotent de l’AI et au supplément pour soins intenses

Le supplément pour soins intenses et l’allocation pour impotent de l’AI en faveur des enfants sont également adaptés de manière à ce que le droit ne soit plus supprimé les jours où l’enfant séjourne à l’hôpital. Si l’hospitalisation dure plus d’un mois, ces aides continuent d’être versées, à condition que la présence des parents à l’hôpital soit nécessaire.

Le congé de prise en charge entrera en vigueur dans une deuxième phase

La nouvelle loi fédérale accorde également un congé de 14 semaines pour la prise en charge d’un enfant gravement malade ou victime d’un accident aux parents qui travaillent. Indemnisé par le régime des allocations pour perte de gain (APG), ce congé peut être pris en l’espace de 18 mois, en bloc ou jours isolés. Il entrera en vigueur le 1er juillet 2021 afin de laisser suffisamment de temps aux caisses de compensation pour mettre en œuvre cette nouvelle prestation.

Correctif apporté à la réforme des PC

Le Conseil fédéral a par ailleurs décidé de mettre en vigueur en même temps que la première étape de la loi sur les proches aidants un correctif apporté par le Parlement à la réforme des prestations complémentaires (PC). Il concerne le loyer pris en compte dans le calcul des PC pour les bénéficiaires vivant en communauté d’habitation. Grâce à cette intervention, les bénéficiaires de PC se verront calculer le même montant qu’un ménage de deux personnes, et ce quel que soit le nombre de personnes vivant dans la communauté d’habitation. Ainsi, la cohabitation des bénéficiaires PC invalides ou âgés avec des proches sera favorisée.


Adresse pour l’envoi de questions

Secteur Communication
Office fédéral des assurances sociales OFAS
kommunikation@bsv.admin.ch
+41 58 462 77 11

«J’ai été dévastée par ma bataille pour obtenir l’AI»

(20min.ch)

Une quinqua suissesse souffrant d’une maladie dégénérative explique ses sept ans de combat pour avoir droit à l’assurance invalidité.


Une quinquagénaire suissesse gravement malade dit avoir été humiliée pendant des années par des experts qui estimaient qu’elle était en capacité de travailler.
KEYSTONE

 

Il y a des batailles dont on sort difficilement indemne. S., 51 ans, en sait quelque chose. Cette Fribourgeoise indépendante, que tous ses proches décrivent comme étant «dynamique, joyeuse et jamais à court d’idées», s’est retrouvée soudainement dans une spirale négative en avril 2012. «Ma sclérose en plaques a commencé à se dégrader. Et pour ne rien arranger, j’ai eu l’algie vasculaire de la face, ou céphalée en grappe. C’est comme si on vous arrache la tête sans anesthésie», décrit S. Plus connue sous le nom de «cluster headache», cette céphalée spéciale est d’une telle violence qu’elle est considérée comme l’expérience la plus douloureuse que puisse connaître un être humain.

Oui des médecins traitants, non des experts

Du neurologue au généraliste, les médecins étaient unanimes: S. était en incapacité de travail à 100%. Mais les différents experts AI avaient un avis diamétralement opposé. Plus que le refus, certaines manières l’ont profondément dégoûtée. «Alors que j’étais percluse de douleurs, un expert en pantoufles m’a regardée dédaigneusement avant de me demander d’arrêter de faire du cinéma et d’aller travailler», dénonce la jeune grand-mère.

Le changement après un déménagement

Exténuée par cinq ans de refus réitérés à Fribourg et le moral en berne, S. a fini par flancher. «J’ai fait une tentative de suicide et 18 jours de coma.» En 2017, S. a déménagé en Valais. «Là, en seulement huit mois, j’ai eu l’AI. Mais, psychologiquement, le système m’a dévastée.»

250 cas de signalements

Du 28 février au 28 septembre, Inclusion Handicap a mis en place un centre de déclaration pour des personnes s’estimant victimes d’expertises AI arbitraires. L’association a reçu plus de 250 témoignages, ainsi que les déclarations d’une trentaine de médecins traitants. «Des experts surévaluent systématiquement la capacité de travail pour être récompensés par de lucratifs contrats avec les offices AI», dénonce l’association. Pendant ce temps, une réforme est en cours afin de prévenir l’invalidité et de renforcer la réadaptation. Elle doit entrer en vigueur dès janvier 2022. Au nombre des améliorations attendues, il y a notamment l’enregistrement des entretiens d’expertise. Mais d’ici là, le conseiller fédéral Alain Berset a demandé en 2019 des analyses sur la qualité des expertises. «Nous avons reçu les résultats. Une communication sera faite prochainement», a indiqué un porte-parole de l’Office fédéral des assurances sociales.

Expertises arbitraires: bien plus que des cas isolés

(Inclusion Handicap)

Accusations de simulation, entretiens de 20 minutes voire propos injurieux – le centre de déclaration d’Inclusion Handicap sur l’expertise AI a mis au jour de nombreux abus. Plus de 250 témoignages d’assurés ont été enregistrés. Dans de nombreux cas, on ne peut pas parler de clarification loyale. La faîtière politique des organisations de personnes handicapées publie les premiers résultats du centre de déclaration, qui reste toujours actif.

Le 28 février de cette année, Inclusion Handicap a mis en place un centre de déclaration: les victimes de l’arbitraire des expertises AI peuvent signaler les abus exercés par les expert-e-s. Au terme de sept mois (jour de référence 28 septembre), 256 assurés ont déposé un signalement, auquel s’ajoutent 15 déclarations émanant de représentants légaux ainsi que 33 de médecins traitants. Le centre de déclaration est conçu comme une enquête en ligne, invitant à témoigner de diverses estimations et incidents. Différentes informations diffusées dans les médias et l’expérience acquise par Inclusion Handicap en matière de conseil juridique ont montré que quelques experts surévaluaient systématiquement la capacité de travail et en étaient ainsi toujours récompensés par de lucratifs contrats par les offices AI.

53 déclarations ont été enregistrées, indiquant que les experts ont évalué les assurés comme étant intégralement aptes au travail, alors que les médecins traitants attestaient d’une incapacité de travail totale. Ces cas montrent clairement la tendance au durcissement des expertises.

Des entretiens de 20 minutes décident du droit à une rente

Éléments tout aussi préoccupants: 10 assurés ont rapporté que les entretiens de clarification ne duraient pas plus de 20 minutes. Il apparaît donc qu’un entretien de 15 minutes est décisif pour l’attribution ou non d’une rente AI, peu importent les conclusions du médecin traitant. De tels états sont difficiles à supporter pour les assurés. Car en pratique, les offices AI et les tribunaux suivent exclusivement les expertises. À 20 reprises, des médecins traitants ont déclaré que les expertises ne respectaient pas les standards médicaux. La grande majorité des assurés relate que les diagnostics ne concordent pas ou seulement partiellement.

Plus de la moitié des personnes expertisées ont indiqué que les entretiens d’expertise se sont déroulés dans une mauvaise ambiance. Ils ont parfois été émaillés de propos injurieux. À de multiples reprises, les assurés ont signalé que les experts insinuaient qu’ils simulaient. Ou les experts ne souhaitaient même pas savoir quelles étaient les exigences préalables de leur métier, ce qui est à vrai dire l’alpha et l’oméga lorsque l’on souhaite clarifier la capacité de travail.

Qualité sujette à caution – les cas doivent être réexaminés

Dans un premier temps, le centre de déclaration d’Inclusion Handicap reste actif. L’association faîtière des organisations de personnes handicapées émet les revendications suivantes:

– Les autorités doivent assurer dans tous les cas la qualité des expertises. Les experts défaillants devraient être retirés de la circulation.
– Les cas où les assurés n’ont pas obtenu ou insuffisamment de prestations AI, car la qualité des expertises s’est avérée mauvaise, doivent être réexaminés
– Toutes les expertises doivent être attribuées de façon aléatoire.
– Un tiers doit être présent lors de l’entretien d’expertise. La grande majorité des assurés qui se sont manifestés auprès du centre de déclaration, accueille de façon positive la proposition.

De premières améliorations sont prévues avec le développement de l’AI, qui doit entrer en vigueur en 2022. Au nombre de celles-ci figure l’enregistrement des entretiens d’expertise. Inclusion Handicap est impatiente de connaître les conclusions de l’enquête externe, que le conseiller fédéral Alain Berset a mandatée.


10vor10 sur SRF (vidéo en allemand)