La Société des sourds de Genève veut ouvrir un restaurant

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La Société des sourds de Genève veut ouvrir un restaurant. L’objectif est à la fois de donner du travail aux malentendants, mieux faire connaître la langue des signes et favoriser les échanges avec la population entendante.


Élodie Ernst et Mehari Afewerki, porteurs du projet Vroom de la Société des sourds de Genève, en pleine discussion… en langue des signes. XL

 

Commander son plat du jour en langue des signes ou en s’exprimant avec des gestes, cette expérience sera bientôt possible pour tous les Genevois, grâce à un projet porté par la Société des sourds de Genève (SSG). «Nous souhaitons en effet ouvrir un restaurant en ville où la gestion et le service seront entièrement assurés par des personnes sourdes ou malentendantes», indique son président, Mehari Afewerki.

L’idée trottait dans la tête de la SSG depuis quelque temps déjà. «Elle découle d’une situation concrète, à savoir que le marché du travail est jonché d’obstacles pour les sourds, poursuit-il. Cela même si la langue des signes est officiellement reconnue dans la Constitution genevoise entrée en vigueur en 2013.» Plus précisément dans son article 16, alinéa 3.

Une première pour Genève

Outre fournir du travail – et une formation, car des stages sont prévus – aux personnes souffrant de surdité, le concept poursuit d’autres objectifs. «D’abord montrer que les sourds ont des compétences professionnelles et peuvent communiquer et travailler avec les entendants, ensuite promouvoir la langue des signes auprès de la population, enfin favoriser la diversité et l’égalité au travers des échanges entre entendants et malentendants», détaille Élodie Ernst, responsable communication pour le projet Vroom. Vroom, un drôle de nom pour un restaurant? «Il symbolise le bruit, donc aussi, par association d’idées, le silence dans lequel sont plongés les malentendants.»


«Le marché du travail est jonché d’obstacles pour les sourds»
Mehari Afewerki, président de la Société des sourds de Genève


«Ce type de restaurant serait une première pour Genève et la Suisse, mais il en existe déjà ailleurs, notamment en France», indique Mehari Afewerki. Le lieu n’est pas encore arrêté, «il se situera probablement du côté de Plainpalais et pourra accueillir une cinquantaine de clients. Nous attendons une réponse très prochainement», précise-t-il. Le financement par crowdfunding, qui se terminera le 30 septembre, donne des résultats encourageants. «Nous avons déjà réuni 70% des 300’000 francs nécessaires à l’aménagement particulier des lieux», informe Élodie Ernst. Par exemple des tables rondes, pratiques pour communiquer par langue des signes vu que les convives ne sont pas assis côte à côte, de la vaisselle et du mobilier peu bruyants pour rester dans l’ambiance, des cuisines adaptées, des iPad pour les commandes, etc.

Des contreparties sont proposées aux donateurs, tels un apéritif, un menu pour deux personnes ou encore un cours de langue des signes. «Dans un premier temps, nous pensons engager quatre à cinq serveurs sourds et former des jeunes aux métiers de la cuisine. Laquelle sera axée sur des produits de la région», relève encore Mehari Afewerki. Le budget global s’élève à 1,2 million de francs. L’ouverture de Vroom est prévue pour le printemps prochain.

Financement participatif, infos sur lokalhelden.ch/fr/restaurant-gere-par-des-sourds

Les Thilo sont liés par une confiance aveugle

(tdg.ch)


Fin juillet, la fratrie Thilo, Louise, Anne-Sophie et Max (de gauche à droite)
ont navigué au large de Pully / Sébastien Anex

 

Debout au centre du bateau, Maximilien Thilo règle minutieusement les voiles en écoutant les instructions de ses deux sœurs. Aveugle depuis la naissance, il ne peut pas voir la dizaine de cordes fixées devant lui, et pourtant il ne se trompe jamais. «Je les reconnais au toucher, mais aussi grâce à ma mémoire parce que je me souviens de leur emplacement.»

Les bloqueurs forment les touches d’un piano imaginaire. C’est d’ailleurs le nom donné à ce poste stratégique. «La bonne marche du bateau dépend en partie des réglages faits ici. C’est une grande victoire pour moi. Quand je quitte la terre ferme, je m’évade. Une fois à bord, la notion de handicap disparaît et je deviens un équipier comme un autre.»


je deviens un équipier comme un autre…

Il reconnaît les bateaux

À ses côtés, Louise et Anne-Sophie Thilo sont des équipières de luxe. Les deux Vaudoises ont porté les couleurs de la voile suisse au plus haut niveau. «Aujourd’hui, Max navigue plus que nous», rigole la cadette de 23 ans. «C’est vrai que je sors sur le lac tous les mercredis avec mon équipe de copains», poursuit son frère, un peu timide en ce début d’entretien.

Le trentenaire aux longs cheveux blonds poste régulièrement des photos de ces régates sur les réseaux sociaux. L’année dernière, il a participé au Bol d’Or. «Ça bastonnait vraiment», se souvient-il alors que cette 81e édition est restée dans les mémoires pour sa tempête ravageuse.

Un bateau de la CGN passe à bâbord, au large de Pully. Sa sirène retentit et interrompt les discussions. «C’est quel bateau Max?» demande Louise sur un ton amusé. «Avec un son aussi grave, ça ne peut être que le Général Guisan», répond son frère. «Il a raison en plus!» rigole Anne-Sophie. «Quand on était petit, on avait deux cassettes avec l’enregistrement des sifflets, explique-t-il, comme pour s’excuser. J’arrivais à les reconnaître à chaque fois.» La famille n’habitait pas loin de l’eau. À chaque passage, ses sœurs prenaient les jumelles pour vérifier s’il avait raison. «C’était tout le temps le cas», précise l’aînée avec une pointe de nostalgie.

Grimpe, surf ou skate

Les Thilo ont bien grandi depuis, mais leurs liens ne se sont pas déliés pour autant. Malgré un emploi du temps chargé, ils se retrouvent régulièrement pour faire du sport, et pas seulement de la voile. «On a fait de la grimpe, de la plongée, du surf, du skate ensemble, détaille avec enthousiasme Louise. Max a même sauté des corniches à ski.»

L’hiver, ils le passent en montagne, sur les domaines skiables. «Notre frère skie avec nous, explique Anne-Sophie. On ne s’est jamais posé la question de savoir s’il pouvait venir avec nous. On a toujours trouvé un plan B, C ou D, mais Max était intégré à ces activités sportives.»


«La société décourage très vite les gens qui ne rentrent pas totalement dans le moule»
Anne-Sophie Thilo


Avec une pointe de fierté, le Vaudois rappelle qu’il a été champion suisse de géant il y a quelques années. Une anecdote qui fait bondir ses deux sœurs dans un grand éclat de rire. «C’est vrai qu’il fait plein de choses, reconnaît Louise. Mais, on doit quand même souvent le pousser, pour réussir à le faire sortir de sa chambre et quitter son ordinateur. Il râle un peu, mais une fois qu’il nous a suivies, il est trop content. Et surtout, il en parle après pendant des années.»

Une société qui «décourage»

Une fois lancé, Max se laisse porter par ses sœurs qui sont ses yeux. Ces moments partagés permettent de faire tomber la barrière du handicap, de nourrir une confiance en soi sans cesse fragilisée par les autres. «La société décourage très vite les gens qui ne rentrent pas totalement dans le moule», résume Anne-Sophie, avec l’expérience d’un vécu qui n’a pas toujours été aussi radieux.


«Quand Max était petit, il y avait toujours quelqu’un pour lui dire qu’il ne pourrait jamais faire telle ou telle chose parce qu’il ne voyait pas»
Louise Thilo


Louise enchaîne dans la foulée, comme si elle avait capté au bond une passe adressée par sa coéquipière. «Quand Max était petit, il y avait toujours quelqu’un pour lui dire qu’il ne pourrait jamais faire telle ou telle chose parce qu’il ne voyait pas. Mes parents ont toujours répondu le contraire. Et c’est le cas. Il a rapidement été intégré dans une école normale, il a fait un apprentissage, une école de massage.» Le grand frère écoute attentivement. Un sourire se dessine sur son visage.

Le temps commence à manquer. Le prochain patient va bientôt arriver au cabinet de Maximilien Thilo. Après plusieurs essais infructueux, les deux sœurs parviennent à allumer le moteur du bateau. Le vent capricieux du Léman a définitivement pris le large. Il faudra rentrer au port de Pully par ses propres moyens.

Une nouvelle activité

La prochaine sortie familiale aura certainement lieu en montagne. Les Thilo viennent d’investir dans un tandem VTT et électrique. Jusque-là, Max devait se coltiner les paisibles sorties en randonnée avec les parents. Il peut désormais suivre ses sœurs et dévaler les pentes, même en été.


Les Thilo viennent d’investir dans un tandem VTT

«Comme je ne vois pas, mes sensations sont décuplées. Je sens le vent sur ma peau ou les mouvements de terrain. C’est grisant.» Régulièrement, Louise et Anne-Sophie essaient aussi de ressentir ça. Renonçant à la vision pour se mettre à la place de leur frère. «C’est quand même impressionnant, souligne la plus jeune. On se rend alors compte qu’il nous fait vraiment confiance.»

 

Anne-Sophie, 32 ans. L’aînée Thilo a pris part aux Jeux olympiques d’été à Pékin en 2008. La même année, la Vaudoise a décroché la médaille d’argent aux championnats d’Europe en classe 470 avec Emmanuelle Rol. Retraitée en 2013, elle a lancé sa propre entreprise de communication et figure au conseil de fondation du Fonds du sport vaudois.

 

Louise, 23 ans. La benjamine a pratiqué la voile à haut niveau, représentant la Suisse aux Mondiaux juniors et aux Universiades. Cette étudiante en physiothérapie encadre des centaines de navigateurs en herbe lors des camps d’été organisés par le Club nautique de Pully. Depuis quelques jours, elle tient la cabane de Susanfe, derrière les Dents du Midi.

 

Maximilien, 30 ans. «Max» est un sportif touche-à-tout. Voile, grimpe, VTT, ski hors-piste, plongée ou skate, il ne recule devient rien, malgré sa cécité, grâce au soutien inconditionnel de ses sœurs. Le cadet a participé au Bol d’Or 2019. Une 81e édition marquée par de forts orages. Massothérapeute diplômé, il a ouvert un cabinet à Pully.

Des exposés en ligne sur le droit de l’égalité des personnes handicapées

(droit-et-handicap.ius.unibas.ch)


Conférences en ligne – Droit de l’égalité des personne handicapées 2020

 

Entre le 24 août et le 26 novembre seront présentés quatre exposés en ligne sur le thème du droit de l’égalité des personnes handicapées. Inclusion Handicap, la Faculté de droit de l’Université de Bâle ainsi que le Bureau fédéral de l’égalité pour les personnes handicapées (BFEH) organisent ce cycle en lieu et place de la conférence annuelle prévue le 15 mai, qui a dû être annulée en raison de la pandémie liée au coronavirus.

Exposés en ligne : Droits politiques et vie autonome


Lundi 24 août 2020 : de 16h00 à 17h15

Stratégie en matière de litiges pour la mise en œuvre des droits des personnes handicapées
Dr. Caroline Hess-Klein, Responsable du département Égalité, Inclusion Handicap :
Inscription


Mercredi 16 septembre 2020 : de 16h00 à 17h15

Le droit à une vie autonome
Dr. Camilla Parker, Conseillère en droits de l’homme et santé psychique :
Inscription


Mardi 27 octobre 2020 : de 16h00 à 17h15

Les droits politiques des personnes handicapées
Prof. Dr. Thierry Tanquerel, Professeur honoraire de droit public, Université de Genève :
Inscription


Jeudi 26 novembre 2020 : de 16h00 à 17h15

Encourager une véritable déinstitutionnalisation : Une perspective de la Nouvelle-Zélande
Alexia Black, Assistante de Sir Robert Martin KNZM (Membre du Comité CDPH de l’ONU) :
Inscription


Le masque de protection, un handicap de plus pour les malentendants

(rts.ch)


Le port du masque peut rendre la communication avec ses interlocuteurs problématique en particulier pour les malentendants. / 19h30 / 2 min. / le 26 juillet 2020

Pour la plupart des gens, le masque de protection rend la communication plus compliquée. Mais pour les malentendants, le problème est bien plus grave. L’impossibilité de lire sur les lèvres de leurs interlocuteurs isolent encore plus ces personnes au handicap invisible.

« Bonjour madame, comment ça va? Que puis-je pour vous? » Ces mots prononcés par une pharmacienne, la plupart des gens auraient pu les comprendre mais pas Marine, qui est malentendante.

« Je lis en grande partie sur les lèvres et sans les lèvres, je ne comprends qu’un mot sur 10. Je n’y arrive pas, je ne peux pas communiquer, c’est au-delà de mes capacités », explique-t-elle.

Marine a perdu 90% de ses capacités auditives. D’ordinaire, un appareil auditif et la lecture labiale lui permettent de communiquer avec les autres, mais la généralisation du port du masque équivaut à la rendre toujours un peu plus sourde.

« C’est comme si vous étiez dans une bulle »

Dans un supermarché, même constat: « Je vais toujours dans les mêmes commerces. Je connais les caissières et j’aime échanger trois mots avec elles. Maintenant, ce n’est plus possible donc je vais à une caisse automatique. »

Et d’ajouter: « Si je rencontre quelqu’un, je ne vais pas discuter. C’est comme si vous étiez dans une bulle, encore plus que d’habitude. »

Vers la création d’un masque transparent?

La Suisse compterait environ 600’000 malentendants. Pour lutter contre leur isolement, Forom Ecoute, la fondation romande des malentendants, milite depuis des années pour la création d’un masque transparent, aujourd’hui plus nécessaire que jamais.

« C’est vraiment une urgence sanitaire. On en a besoin maintenant alors que visiblement, la pandémie va continuer. Il faut qu’il n’y ait que des masques transparents et pas seulement en milieu chirurgical », plaide Michèle Bruttin, responsable de la fondation.

L’EPFL planche sur la création d’un tel masque depuis trois ans. La pandémie de coronavirus semble toutefois avoir accéléré les choses: initialement prévu pour une commercialisation dans le courant 2021, il pourrait déjà arriver sur le marché au début de l’année prochaine voire fin 2020.

« Ma peur suprême c’est l’hôpital »

Pour Marine il faudra donc encore s’armer de patience. En attendant, si la situation dans les commerces est loin d’être agréable, sa principale peur reste celle de devoir se retrouver à l’hôpital.

« Ma peur suprême, c’est de me retrouver à l’hôpital. Parce que là, je serais non seulement malade, mais aussi incapable de communiquer avec les gens qui me soignent et qui me disent ce qu’il se passe. Des gens stressés, donc peu disponibles. Ce serait pour moi la dépression assurée. »

Flore Amos/ther

Le masque isole un peu plus les sourds

(rjb.ch)

Le port du masque est une difficulté supplémentaire pour les sourds et les malentendants


Le masque empêche toute communication avec les sourds et les malentendants.

 

Porter le masque est devenu une habitude, mais c’est un handicap supplémentaire pour les malentendants. Quand la moitié du visage est cachée, impossible de lire sur les lèvres et de cerner les émotions. La communication est dès lors rompue. L’Association des parents d’enfants déficients auditifs du Jura et Berne francophone regroupe une vingtaine de familles qui sont confrontées tous les jours à ces difficultés et qui usent de quelques astuces pour pouvoir dialoguer. Son président Jean-Pierre Marquis précise qu’on peut écrire ses propos, mais le plus souvent demander à la personne de s’éloigner et d’ôter son masque. Toutes ces démarches peuvent s’avérer « frustrantes », voir « anxiogènes », selon ce parent d’un enfant malentendant.

La solution : le masque transparent

Toutes les associations de sourds et de malentendants en Suisse espèrent que le masque transparent arrive bientôt sur le marché. L’EPFL (Ecole polytechnique fédérale de Lausanne) planche sur cette solution. Jean-Pierre Marquis craint surtout pour la rentrée scolaire. Plusieurs cantons ont déjà imposé le port du masque dans les écoles du secondaire. Les enfants malentendants se trouveraient alors dans une situation très problématique pour suivre les cours. Selon le président de l’AJPEDA, on ne peut pas parler pour le moment de discrimination car la situation sanitaire impose le port du masque. Par contre, le statu quo, sans chercher une meilleure solution, pourrait être perçu comme de la discrimination. /ncp