L’initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» a été déposée le 11 décembre 2015. Elle veut supprimer les redevances de réception versées aux diffuseurs de programmes de radio et de télévision titulaires d’une concession et chargés d’un mandat de prestations. Le Conseil fédéral estime que la Suisse a besoin d’un service public complet dans le domaine des médias et que celui-ci ne peut pas être financé exclusivement par des recettes commerciales. Il rejette donc l’initiative.
Écouter ou voir la vidéo explicative sur Initiative populaire « Oui à la suppression des redevances Billag »: votation populaire du 4 mars 2018
Teneur de l’initiative
L’initiative populaire «Oui à la suppression des redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)» demande l’abolition des redevances de réception allouées aux diffuseurs de programmes de radio et de télévision actuellement titulaires d’une concession, ainsi que l’abandon des autres subventions directes octroyées aux diffuseurs. Pour les auteurs de l’initiative, la Société suisse de radio-diffusion et télévision (SSR) dispose d’un «quasi-monopole», qu’il convient de supprimer et de remplacer par une concurrence équitable entre les médias.
Avantages et inconvénients de l’initiative
L’initiative souhaite un paysage des médias qui obéit, aussi dans le domaine de la radio et de la télévision, à une pure logique de marché. Les distorsions de la concurrence dues au financement par la redevance seraient abolies. Par ailleurs, les ménages et les entreprises seraient libérés de l’obligation de payer les redevances de réception et pourraient utiliser ce montant à d’autres fins.
Le Conseil fédéral arrive à la conclusion que la place suisse des médias serait fondamentalement remodelée en cas de mise en œuvre de l’initiative. Il ne serait plus possible non plus de proposer des offres de radio et de télévision équivalentes dans toutes les régions linguistiques. C’est pourquoi il ne partage pas l’avis des auteurs de l’initiative.
Le service public dans les médias électroniques disparaîtrait.
L’existence même de nombreux diffuseurs actuels serait remise en question. De plus, la diversité des opinions et de l’offre à la radio et à la télévision serait réduite. Difficile aussi dans ces conditions de garantir un journalisme de qualité. L’actuel système de redevance et la possibilité d’un soutien financier pour les fournisseurs de prestations du service public garantissent des médias électroniques qui contribuent au bon fonctionnement de la formation démocratique de l’opinion et de la volonté ainsi qu’au développement culturel. En tant qu’association indépendante des intérêts politiques et économiques, la SSR est obligée de garantir dans ce contexte une offre variée qui tient aussi compte des intérêts des minorités.
Dans le domaine de la télévision, l’acceptation de l’initiative rendrait pratiquement impossible le maintien d’une offre télévisuelle suisse capable de concurrencer les 8015 diffuseurs des pays voisins. Les annonceurs se tourneraient donc encore davantage vers les offres étrangères.
Proposition du Conseil fédéral
Le Conseil fédéral propose aux Chambres fédérales de recommander au peuple et aux cantons le rejet de l’initiative populaire fédérale «Oui à la suppression des
redevances radio et télévision (suppression des redevances Billag)».
Au Conseil national, près d’un tiers des députés se sont exprimés au sujet de l’initiative dite » No Billag « .
Une minorité de la commission, constituée de membres du groupe UDC, a demandé l’élaboration d’un contre-projet direct prévoyant que le montant de la redevance soit limité à 200 francs par ménage et par an et que les entreprises en soient exonérées. La SSR n’aurait ainsi plus reçu que 600 millions de francs par an au lieu d’1,2 milliard.
Le Conseil national n’est pas entré en matière sur le projet 2 et a ainsi rejeté le contre-projet, par 108 voix contre 70 et 2 abstentions, contre l’avis de l’ensemble du groupe UDC et d’un tiers du groupe libéral-radical.
Un débat de plusieurs heures, réparti sur deux jours, a toutefois eu lieu au Conseil national avant ce vote. Lors de ce débat, les opposants à l’initiative ont mis l’accent sur le service public dans le domaine des médias, qui bénéficie à l’ensemble de la population dans tout le pays, et sur des problèmes pouvant se poser au niveau institutionnel. Pour eux, l’acceptation de l’initiative signerait l’arrêt de mort de la SSR. Or, il est essentiel pour la démocratie directe que les populations de toutes les régions linguistiques, en particulier les habitants des régions périphériques et les minorités linguistiques, aient accès à des informations de qualité fournies de manière indépendante.
Les opposants à l’initiative affirment aussi que des investisseurs privés pourraient défendre des intérêts politiques en combattant la SSR. Lorsque les médias appartiennent à des sociétés privées, celles-ci peuvent influencer, voire manipuler l’opinion publique. Comme au Conseil des Etats, la menace d’une » berlusconisation » du paysage médiatique suisse a été brandie. A l’ère des fake news et de manipulations de plus en plus fréquentes, la SSR est indispensable, estiment les opposants.
Au cours du débat, plusieurs partisans du contre-projet ont annoncé que, si celui-ci était rejeté, ils finiraient par voter en faveur de l’initiative » No Billag « . Ces députés, ainsi que d’autres détracteurs du financement actuel de la SSR, ont parlé de redevance forcée et de racket. Ils estiment que les citoyens devraient pouvoir choisir eux-mêmes les médias pour lesquels ils souhaitent dépenser leur argent. Des membres du groupe UDC ont fait savoir qu’ils s’opposaient à un quasi-monopole et à une uniformisation imposée des contenus, préférant largement une concurrence des opinions. Selon eux, les stations de radio et les chaînes de télévision privées doivent faire face à une concurrence financée par la redevance, ce qui empêche la création de nouvelles offres. La SSR est trop grande, trop influente et trop puissante, avancent-ils encore, ajoutant qu’elle constitue une » faiseuse d’opinion financée grâce à la redevance » et qu’elle est fidèle au gouvernement, favorable à l’UE et orientée à gauche. L’offre de divertissement de la SSR, elle aussi financée grâce à la redevance, a également été l’objet de critiques. Enfin, certains ont reproché à la SSR de faire déjà campagne dans ses émissions.
Certaines critiques adressées à la SSR ont également émané de députés opposés à l’initiative. Ceux-ci ont estimé que la SSR avait une trop grande influence sur le marché et qu’une discussion sur l’étendue du service public était nécessaire. D’après eux, c’est le financement qui doit être adapté au contenu et non l’inverse. Ces parlementaires se sont en outre prononcés en faveur d’un modèle moderne d’encouragement des médias. S’ils considèrent que la SSR est garante de la diffusion d’informations fiables dans toutes les régions du pays, ils sont aussi d’avis que cela ne suffit plus à une époque où les éditeurs renoncent au journalisme de qualité faute de revenus publicitaires suffisants.
A la fin du débat, la conseillère fédérale Doris Leuthard a admis que la SSR faisait indubitablement des erreurs, mais elle a fait remarquer que l’initiative et le contre-projet allaient trop loin. Selon elle, les auteurs de l’initiative ne prennent pas assez en considération le fait que le marché suisse des médias en ligne est très limité. La conseillère fédérale a en outre rappelé que, outre la SSR, 21 stations de radio locales et 13 chaînes de télévision locales bénéficiaient aussi de la redevance et que leur existence serait également menacée en cas d’acceptation de l’initiative.
Mme Leuthard a répété que des études scientifiques avaient montré que les populations des pays disposant d’un service public bien développé étaient mieux informées, avaient une plus grande confiance en leurs institutions et s’engageaient plus fortement dans la vie politique. Elle a aussi indiqué que, si les médias ne se livraient plus qu’à des considérations commerciales, les offres destinées aux minorités ou portant sur des thèmes spécifiques n’existeraient plus. Enfin, la conseillère fédérale a prévenu que des investisseurs ayant des moyens financiers considérables pourraient défendre des intérêts politiques.
Lors du vote final, le Conseil national a décidé, par 129 voix contre 33 et 32 abstentions, de recommander au peuple et aux cantons de rejeter l’initiative. Parmi les membres de l’UDC, 32 ont souhaité recommander l’acceptation de l’initiative et 26 se sont abstenus. Quelques membres du groupe libéral-radical se sont également abstenus.
Le Conseil des États a adopté l’arrêté fédéral par 41 voix contre 2 et 1 abstention et a ainsi recommandé au peuple et aux cantons de rejeter l’initiative.
Source:admin.ch