(20min.ch)
par Jérôme Faas – Carole Bramaz souffre de myélite, une maladie de la moelle épinière. Elle témoigne dans le cadre de la journée suisse des maladies rares.
«Avoir deux jambes coupées serait plus facile à vivre au quotidien. L’invisibilité est un handicap supplémentaire.» Carole Bramaz paraît être une jeune femme comme les autres. Elle l’est, à ceci près que cette Fribourgeoise souffre d’une maladie ultra rare, la myélite, affectant une personne sur un million. Logée dans sa moelle épinière, elle lui ôte depuis 2013 une bonne part de sa sensibilité, du nombril aux pieds. D’où «un équilibre très altéré, une fatigue extrême et des douleurs à hurler». Carole Bramaz a accepté de témoigner dans le cadre de la journée suisse des maladies rares, qu’organise le 3 mars l’association Pro Raris. (Lien vers la journée des maladies rares 2018)
«On ne peut rien faire pour vous»
Jusqu’en novembre 2013, cette titulaire d’un bachelor en économie d’entreprise aujourd’hui âgée de tout juste 30 ans travaillait à la promotion des produits du terroir fribourgeois. Et puis «c’était un dimanche, se souvient-elle. Je ne sentais plus mes jambes.» Très vite, une lésion de la moelle épinière est identifiée. La suite est un long parcours d’embûches. Les uns parlent de tumeur, d’autres lui prédisent une paraplégie. Elle est envoyée à Berne, à Zurich. Trimbalée de droite et de gauche, jusqu’à ce qu’un éminent professeur lui assène sèchement: «Vous allez être malade à vie, on ne peut rien faire pour vous. Bonne journée.»
Un défilé de 23 spécialistes
Il aura finalement fallu un an et 23 spécialistes en neurologie consultés pour qu’enfin elle connaisse son mal. «De ne pas savoir, c’est une horreur. C’est se dire que demain peut être pire.» C’est endurer l’incompréhension, aussi. «Un médecin m’a accusé de faire du tourisme médical. J’ai finalement trouvé un docteur qui, déjà, m’a écoutée. C’est vraiment un élément important. Là, j’ai à mes côtés un professeur qui prend en compte mes souffrances physiques et psychologiques. J’apprends à faire avec au lieu de lutter contre.»
La compétence des patients
Ce qu’elle espère avant tout, c’est que l’accès au diagnostic des patients s’améliore. «Il faut éduquer les médecins aux maladies rares.» La présidente de ProRaris, Anne-Françoise Auberson, détaille. D’une part, le patient s’expose au risque de n’être pas cru. «Ce n’est pas parce qu’il y a combinaison de symptômes qu’il faut une expertise psychiatrique. Il existe une nécessité à reconnaître la compétence des patients.» Elle souhaite aussi un accès équitable aux soins. «Certains traitement ne sont pas sur les listes des assurances, mais donnent pourtant des résultats.» D’autres sont jugés inefficaces par les caisses, vu que la maladie est incurable, alors que pourtant ils soulagent.
On a le droit de vivre!
Carole Bramaz souligne par ailleurs que le regard d’autrui peut également être terrible, parfois. «Les gens se retrouvent avec quelque chose qu’ils ne peuvent ni comprendre, ni imaginer. Du coup, il faut toujours se justifier: pourquoi je ne peux pas travailler alors que je suis bien maquillée. Pourquoi j’utilise une place handicapés alors que je peux marcher.» Si Carole Bramaz s’exprime aujourd’hui, «ce n’est pas pour obtenir de la pitié, surtout pas, mais pour que les gens soient plus indulgents. Être à l’AI, ça n’est pas être au lit. On a le droit de vivre!»
Presque 600000 malades en Suisse
Les maladies dites rares, soit celles concernant moins d’une naissance sur 2000, recouvrent 7000 à 8000 pathologies. On n’en guérit pas. En Suisse, 580000 personnes sont touchées, calcule ProRaris, la faîtière des associations et des patients dépourvus de toute structure représentative. «Les malades sont isolés, manquent d’information, expose sa présidente, Anne-Françoise Auberson. Cette thématique doit être considérée comme un enjeu majeur de santé publique.»
Les revendications de l’association
ProRaris réclame un accès pour tous au diagnostic («il arrive que l’assurance refuse de payer un test génétique au seul motif qu’il n’y a pas d’espoir thérapeutique», dit sa présidente Anne-Françoise Auberson). Elle soutient ainsi le «concept national maladies rares», mais désire sa pleine mise en oeuvre (non achevée fin 2017, elle a été prolongée de deux ans). «Nous demandons aussi une campagne publique d’information, et un numéro vert avec au moins une orientation médicale et psycho-sociale. Aucun patient ne devrait rester seul avec sa maladie.»