(Le Temps)
Un groupe sans parti ni financement compte lancer un référendum contre les nouvelles dispositions qui permettent aux assurances d’avoir recours à des détectives pour traquer les fraudeurs Céline Zünd, Zurich @celinezund.
Le mouvement est parti d’un élan de colère sur Twitter, il finira peut- être en référendum populaire. Un petit groupe de citoyens s’est mis en tête de s’opposer à la révision du droit des assurances sociales. Dans leur viseur: les nouvelles dispositions validées par le parlement mi-mars, qui permettent aux assureurs de surveiller leurs clients. En cas de soupçon de fraude, les compagnies pourront engager des détectives, recourir à des enregistrements sonores ou visuels, ou utiliser des drones pour la géolocalisation. Ou encore des puces GPS, avec l’accord préalable d’un juge dans ce dernier cas.
Ces mesures ont donné lieu à un débat houleux au parlement entre la gauche et la droite, qui aurait pu retomber dans l’oubli. C’était sans compter l’action citoyenne lancée sur la plateforme WeCollect il y a une semaine. Au départ, Sibylle Berg, auteure zurichoise, et Dimitri Rougy, élu socialiste à Interlaken, indignés contre ce qu’ils considèrent comme une entorse à la démocratie, décident de se saisir de cet outil de campagne en ligne. Objectif: récolter suffisamment de promesses de signature pour envsager le lancement d’un référendum. En une semaine, 665 intéressés se sont annoncés et 25 francs de dons sont tombés. «Nous avions besoin d’argent, des gens et d’un rayonnement national. Si nous avions touché moins de 5000 personnes, nous aurions renoncé», explique Dimitri Rougy. Caisse de résonance, la plateforme pallie le manque de ressources de ces militants hors parti et leur apporte une autre denrée précieuse: la motivation.
«L’action mise sur l’effet boule de neige», explique Daniel Graf, fondateur de WeCollect et également engagé dans cette campagne. Sur plus de activistes potentiels, près de 3000 s’engagent aussi à récolter des signatures auprès de leurs proches. Mais le plus dur reste à faire: transformer ces promesses en vrais paraphes. Le Zurichois se montre confiant: «En moyenne, la moitié des votes sur internet débouchent sur de vraies signatures», affirme-t-il. Auteur d’un livre à paraître sur le sujet, Daniel Graf est convaincu que la numérisation est à même de transformer la démocratie: «A l’avenir, la Suisse ressemblera davantage à un laboratoire politique citoyen. Ce qui n’est pas traité au parlement, n’importe qui pourra s’en saisir, même s’il ne possède pas la force de frappe d’un parti ou d’une organisation.»
Snober les partis
Dimitri Rougy, de son côté, reproche à son parti d’avoir renoncé à lancer un référendum. «Que des compagnies privées puissent créer une police privée heurte les principes de L’État de droit et jette un soupçon généralisé sur la population. C’est un thème central au PS. Nous espérons qu’il soutiendra la campagne pour le référendum.»
Or, ce n’est pas au programme. «Nous devons faire des choix stratégiques, nous n’avons pas la force de combattre toutes les lois qui nous déplaisent», souligne le chef de groupe au parlement, Roger Nordmann. Le conseiller national considère qu’un référendum aurait peu de chances face à une droite unie en faveur de cette loi. Sans compter que la fraude à l’assurance est un thème porteur pour l’UDC, prompte à faire campagne contre les abus. «Au final, un référendum pourrait être contre-productif et déclencher une campagne sur le dos des plus faibles», estime l’élu.
Les militants pourront se consoler avec le soutien d’alliés à Berne, comme Jean Christophe Schwaab ou Lisa Mazzone, ou encore celui du syndicat suisse de l’action sociale Avenir Social. Ils misent aussi sur des cercles plus larges: le Jeune PLR lucernois Nicolas Rimoldi compte s’opposer farouchement à «cette loi qui viole la sphère privée et L’État de droit». Il affirme ne pas être le seul dans les rangs des Jeunes libéraux. «Plusieurs militants qui ont été très actifs lors de «No Billag» s’engageront dans cette campagne. Ce n’est pas une affaire de gauche, nous nous battons pour notre droit à tous à la sphère privée.»
«Nous n’avons pas la force de combattre toutes les lois qui nous déplaisent» Roger Nordmann, Chef du groupe socialiste au parlement.
Le recours à des détectives privés par les assurances n’est pas nouveau. Suite à un cas porté devant la justice, la Cour européenne des droits de l’homme a condamné la Suisse en octobre 2016, en raison de l’absence de bases légales suffisantes pour régir la surveillance des assurés. La Caisse nationale d’assurance accidents (Suva) et les offices d’assurance invalidité attendaient depuis que le parlement clarifie la situation.