Le Conseil d’Etat neuchâtelois déçoit en reportant son plan d’action pour les personnes à mobilité réduite. Celles-ci pourraient ne pas voir toutes les gares mises aux normes dans les délais PAR FREDERIC.MERAT@ARCINFO.CH
CFF infographie / François Allanou
Les obstacles auxquels sont toujours confrontés les handicapés dans le canton de Neuchâtel ne sont pas près d’être levés. C’est notamment le cas dans les transports publics. Dans un rapport qu’il vient de transmettre au Grand Conseil, le Conseil d’Etat reporte la mise en œuvre d’une «véritable politique cantonale en matière d’égalité pour les personnes en situation de handicap et à mobilité réduite». Tel est le titre d’une motion populaire déposée à fin 2014 avec 623 signatures
«Notre motion a été acceptée par le Grand Conseil il y a trois ans», rappelle Florence Nater, présidente de l’association Forum handicap Neuchâtel. La réponse que lui apporte aujourd’hui le gouvernement «manque de concret».
Calendrier décevant
La présidente de la plate-forme d’échange qui regroupe une vingtaine d’associations est particulièrement déçue par le calendrier choisi par le gouvernement: il consiste à «arriver vraisemblablement avec un projet de loi au début de la prochaine législature», en 2022.
Florence Nater «imagine que des questions financières sont en jeu». Cette temporisation s’explique peut-être aussi parce que «le Conseil D’État considère qu’il y a d’autres priorités pour le canton». Mais, il «ne prend pas assez en considération le fait que L’État s’y retrouve en prenant des mesures permettant de rester à domicile ou d’intégrer la vie professionnelle et l’école. C’est dans l’intérêt de la collectivité: les personnes en situation de handicap sont des citoyens et des contribuables.»
Investir dans ce domaine est également «cohérent par rapport à d’autres mesures.» Et de citer en particulier la planification médico-sociale, qui vise le maintien à domicile plutôt que le placement en home.
Une obligation
«On a l’impression qu’il s’agit de faire une fleur aux personnes concernées, alors que la loi nous y oblige», relève Florence Nater. Celle-ci retient toutefois «l’esprit positif» du rapport d’information du gouvernement. «L’intention de créer une commission cantonale est intéressante, quand bien même nous aurions pu aspirer à plus ambitieux, comme un poste de délégué.» Par ailleurs, «on ne sait pas très bien qui sera dans cette commission et quels seront ses moyens. Je n’ai rien vu non plus dans le plan financier pour la législature. Cela m’inquiète un peu sur l’énergie que mettra le Conseil d’Etat à réaliser ses intentions.»
Députée socialiste, Florence Nater ne restera pas les bras croisés. Par exemple, «on ne va pas attendre 2022 pour évaluer la pertinence de créer une ligne téléphonique pour les proches aidants.»
Définir des priorités
Et comment le gouvernement justifie-t-il sa position? «C’est l’histoire du verre à moitié vide ou à moitié plein», relève Alain Ribaux, ministre en charge du dossier. «Dans un canton plus riche, probablement que nous pourrions aller plus vite.»
Voilà pourquoi une commission chapeautera des groupesde travail. Ceux-ci définiront des priorités dans dix domaines, comme la mobilité, la formation ou le logement.
«Notre rapport est quand même assez réjouissant et porteur d’espoir. Il montre qu’il y a beaucoup d’initiatives dans chaque domaine. Cela prouve que l’on se préoccupe des personnes en situation de handicap. Tous les mois, il y a des résultats concrets et l’on peut s’en réjouir.»
Mesures dans les gares et le matériel roulant
La législation fédérale sur les handicapés impose une mise aux normes des transports publics d’ici à fin 2023. Sur le réseau des CFF, cela concernera 170 gares sur 747. Une centaine de gares supplémentaires suivront dans une deuxième étape. Ces travaux sont
pilotés par l’Office fédéral des transports, notamment en fonction du nombre d’usagers du rail. A la fin de l’année dernière, 76% d’entre eux bénéficiaient d’un accès «sans marches». Des mesures de compensation seront prises dans les gares qui ne pourront pas être transformées d’ici à fin 2023.11 s’agira d’un accompagnement par du personnel ou, dans des cas particuliers, de liaisons alternatives, en bus par exemple. Dans le canton de Neuchâtel, 25 gares ou haltes appartiennent aux CFF. Six sont accessibles aux handicapés: Belle, La Chaux-de-Fonds, Le Crêt-du-Locle, Les Hauts-Geneveys, Saint-Blaise CFF et Travers. Quatre doivent être mises en conformité dans les cinq ans: Corcelles-Peseux, Les Deurres, Le Locle et Neuchâtel. Les quinze dernières font encore l’objet d’études: Auvernier, Bevaix, Boudry, Chambrelien, Champ-du-Moulin, Colombier, Cornaux, Cressier, Gorgier Saint-Aubin, Le Landeron, Les Geneveys-sur-Coffrane, Le Locle-Col des Roches, Neuchâtel-Serrières, Noiraigue et Vaumarcus.
Du côté de TransN
Quatre arrêts (Couvet, Môtiers, Buttes et la Presta) doivent aussi être mis aux normes par TransN dans le Val-de-Travers. Avant la fin 2023, TransN doit encore remplacer 23 de ses 172 véhicules: treize anciens trolleybus et les dix voitures du Littorail. A celles-ci se
substitueront à la fin de l’année prochaine déjà des trains rachetés aux Appenzeller Bahn. Enfin, le système d’information visuel et sonore qui équipe tous les bus pose encore problème dans le Littorail.
21% c’est la proportion de personnes handicapées dans la population. En 2016, la Suisse comptait 1,8 million de handicapés, selon l’Office fédéral de la statistique. La part augmente avec l’âge: près de la moitié des personnes âgées de 85 ans et plus sont concernées.
Rapport fédéral insatisfaisant,
projet d’états généraux dans le canton La loi fédérale sur l’élimination des inégalités frappant les personnes handicapées est entrée en vigueur en 2004. Dix ans plus tard, la Suisse ratifiait la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées. Son objectif est de protéger les personnes handicapées contre les inégalités et les discriminations,ainsi que de leur garantir le minimum vital ou le droit à une vie autonome. Il y a deux ans, le Conseil fédéral a rendu un rapport sur l’état d’avancement de l’application de la convention. Selon Inclusion Handicap, l’association faîtière des organisations suisses de personnes handicapées, le Conseil fédéral s’est contenté «en majeure partie de commenter les aspects législatifs, en faisant l’impasse sur la mise en œuvre réelle».
Dans le canton de Neuchâtel, Forum Handicap veut encourager le Conseil D’État à aller de l’avant. Pour ce faire, il organisera des états généraux sur la question à l’automne ou au début de l’année prochaine.