(Le Courrier Genève)
Le comité contre la surveillance des assurés dénonce une information partiale. Il porte plainte
Le comité référendaire contre la loi fédérale sur la surveillance des assurés hausse le ton. KEYSTONE-ARCHIVES
Fraude à l’assurance C’est la première escarmouche de campagne, mais elle est particulièrement précoce.
Le comité référendaire contre la nouvelle loi sur la surveillance des assurés a ouvert le feu lundi, bien avant la votation qui aura lieu le 25 novembre. Il vient de porter plainte contre l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) et la Suva (Caisse nationale suisse d’assurances). Il les accuse de faire de la désinformation sur leurs sites web en prétendant que la police et les détectives engagés par les assureurs feront jeu égal.
Dimitri Rougy, membre du comité référendaire, a confirmé hier cette information de la Neue Ziircher Zeitung. Pour des raisons juridiques,
la plainte a été déposée auprès du Conseil d’Etat zurichois, mais si celui-ci se déclare incompétent, comme c’est souvent le cas dans ce genre d’affaires, il appartiendra au Tribunal fédéral de trancher.
Lacune légale comblée
La nouvelle loi sur la surveillance des assurés a pour but de permettre à nouveau à la Suva et aux autres assurances sociales d’engager des détectives pour surveiller les personnes soupçonnées de fraude. En 2016, saisie d’un recours, la Cour européenne des droits de l’homme avait jugé la base légale insuffisante. Le parlement s’est empressé de combler cette lacune, mais la nouvelle loi qu’il a mise sous toit en mars suscite cette fois une opposition politique. Le référendum qui a été lancé par un comité citoyen au nom de la protection de la sphère privée a fini par rallier l’ensemble de la gauche.
La loi permet aux compagnies d’assurances de recourir à des enquêteurs privés qui disposeront de moyens d’enregistrement sonore et vidéo ainsi que d’instruments de localisation comme des traceurs GPS, voire des drones. Le recours à des instruments de localisation nécessitera cependant l’autorisation d’un juge. Les détectives pourront surveiller les éventuels fraudeurs s’ils se trouvent dans un lieu accessible au public ou dans un lieu qui est librement visible depuis un lieu accessible au public.
C’est là que le bât blesse. «Les détectives auront davantage de compétences que la police ou le Ministère public. Les autorités violent leur devoir d’objectivité en affirmant le contraire», déclare Dimitri Rougy.
«L’OFAS spécule sur la façon dont les tribunaux interpréteront la loi, mais il faut se référer au texte, explique-t-il. Le Code de procédure pénale auquel se réfère la police ne fait pas mention de la surveillance dans un lieu visible depuis un lieu accessible au public. Or cela permet de filmer une personne dans son salon depuis la rue.»
C’est faux, rétorque la Suva sur son site web, il n’est pas question de filmer des personnes dans leur appartement, mais éventuellement dans un jardin ou sur un balcon. A l’OFAS, le porte-parole Rolf Camenzind précise que «la protection de la sphère privée, qui est garantie par la Constitution, ne permet pas de procéder à des prises de vue dans le logement. Cela figure en toutes lettres dans le Code pénal. Il ne s’agit pas d’une interprétation future et indéfinie de la nouvelle loi.»
Des recours fréquents Cette polémique juridico-politique n’a rien d’inhabituel. Les recours contre les campagnes de votation sont de plus en plus fréquents. Avant le scrutin du mois de juin sur les jeux d’argent, le Parti pirate a recouu au Tribunal fédéral contre la Conférence des directeurs cantonaux et Swisslos en les accusant de se livrer à de la propagande.
L’initiative Monnaie pleine, soumise à votation le même jour, a aussi donné lieu à un recours pour désinformation. Et n’oublions pas le cas de l’initiative du PDC contre la pénalisation du mariage, rejetée de justesse en 2016. Le PDC a exigé une nouvelle votation après avoir appris que le nombre de couples mariés plus fortement taxés que les concubins était cinq fois plus important que celui qui figurait dans la brochure tout ménage envoyée aux électeurs.
Le recours du PDC est encore pendant, mais il est exceptionnel que de telles démarches aboutissent. «De mémoire d’homme, indique le porte-parole de la Chancellerie fédérale René Lenzin, je ne peux citer que le cas de la deuxième réforme de l’imposition des entreprises. Le Tribunal fédéral a reconnu dans un arrêt de décembre 2011 que le peuple n’avait pas été informé correctement avant le vote de février 2008, les pertes fiscales ayant été sous-évaluées. Mais il n’a pas demandé l’annulation du scrutin, car la réforme était déjà entrée en vigueur et cela aurait créé une insécurité juridique.»