(le matin)
Un député bernois demande une reconnaissance de la langue des signes dans l’administration. Béatrice Grimm applaudit.
Le député bernois Mohamed Hamdaoui (à d.) veut faciliter l’accès des sourds dans l’administration.Souvent mal comprise aux guichets, Béatrice Grimm (à g.) apprécie la démarche du politicien. Image: DR
Au guichet de La Poste, mercredi à Bienne, Béatrice «Bea» Grimm s’est fait comprendre sans difficulté, malgré sa surdité. «On n’a pas besoin de dialoguer pour payer une facture ou envoyer un paquet», sourit-t-elle. Mais quand il s’agit de renouveler un passeport ou de discuter des impôts, il en va tout autrement.
Pour obtenir un dialogue, Béatrice Grimm demande au fonctionnaire de la regarder: «Au guichet, je lis sur les lèvres», dit-elle. Une attention qui n’est jamais accordée très longtemps: «Le fonctionnaire retourne vite à son clavier», rapporte Bea.
Rotation du personnel
La surdité est pour elle un handicap de communication, rien de plus. S’écrire au lieu de se parler ne paraît pas compliqué, mais le problème, c’est la rotation du personnel aux guichets: «Il faut tout reprendre à zéro à chaque fois», déplore Béatrice Grimm.
Un paraplégique se déplace en chaise roulante, un aveugle tient une canne blanche, mais le handicap d’un sourd est invisible, ce qui ne facilite pas la compréhension.
À Bienne, la problématique concerne 30 sourds identifiés comme tel. En Suisse, ils sont 10 000, parmi 800 000 malentendants.
Animatrice socio-culturelle
Comment favoriser l’intégration des sourds? «Par la sensibilisation!», répond Bea du tac au tac. Problème supplémentaire dans une ville bilingue: «Je dois connaitre la langue de mon interlocuteur pour deviner les mots prononcés», explique Béatrice Grimm, animatrice socio-culturelle à la Fédération suisse des sourds.
À Bienne, Béatrice Grimm ne connaît aucun fonctionnaire connaisseur de la langue des signes. Cette ignorance motive l’intervention parlementaire du député bernois Mohamed Hamdaoui, rendu sensible par la polio au statut des handicapés de toutes sortes.
Motion contraignante
Dans une motion contraignante, ce député demande une loi «permettant d’apporter une reconnaissance officielle de la langue des signes», comme à Genève et à Zurich. Selon ce démocrate-chrétien, «apporter une reconnaissance officielle de la langue des signes permettrait de favoriser l’intégration sociale de personnes exclues».
Ses exigences: la garantie d’un accès «adapté au système judiciaire, à l’administration et aux services publics aux personnes communiquant par le langage des signes», mais aussi la promotion de l’enseignement de la langue des signes dans les écoles et une sensibilisation des entreprises et l’ensemble de la société civile.
Minorité silencieuse
S’il est sensible à cette minorité silencieuse dont, dit-il avec malice, «on n’en entend pas parler», c’est en raison de sa mobilité entravée par la polio: «Le besoin de reconnaissance, je connais», dit-il pudiquement.
Explication de Béatrice Grimm: «La loi nous accorde le droit à une traduction, à l’instar d’une personne étrangère, mais elle ne nous est pas accordée automatiquement, par exemple lors d’une soirée de parents».
Formation au langage
En attendant l’introduction du formation au langage des signes dans l’administration, Béatrice Grimm tente d’accéder à un employé qui la connaît, ce qui ne coule pas de source quand l’accès à un guichet dépend d’un distributeur de tickets.
Animatrice à la Fédération suisse des sourds, Béatrice Grimm œuvre dans le canton du Jura pour l’application d’une idée simple: «Pour obtenir un passeport ou s’enregistrer à l’hôpital, les questions formulées oralement sont toujours les mêmes: pourquoi ne pas établir un questionnaire?», suggère Béatrice Grimm. Il y a du pain sur la planche.