(Le Nouvelliste)
Des personnes en chaise roulante se sont vu refuser l’accès au festival provoquant un tollé sur les réseaux sociaux. L’organisation répond et évoque des normes de sécurité. Devant l’entrée, une femme et deux hommes sont assis dans leur fauteuil roulant. Ensemble, ils tournent le dos à un festival qui leur est inaccessible.
Quand les personnes en chaise roulante se sont approchées de l’entrée, les agents de sécurité se sont postés devant elles. Photo: DR
Ce cliché, partagé plus de 4000 fois en moins de vingt heures sur Facebook, s’accompagne d’un appel au boycott de Sion sous les étoiles. «C’est tout simplement inadmissible», tonne Valérie Friedli, son autrice. «On refuse l’entrée à des personnes en situation de handicap sous prétexte que l’on n’a pas réservé un emplacement sur l’estrade prévue à cet effet.»
Une vingtaine de places sont en effet mises gratuitement à disposition des personnes à mobilité réduite. Une fois cette capacité atteinte, l’organisation – qui n’autorise pas les chaises roulantes sur la pelouse – doit filtrer les entrées. L’achat d’un billet traditionnel ne permet pas de contourner cette mesure.
Vendredi, selon plusieurs témoins, une quinzaine de personnes se sont ainsi vu refuser l’accès aux concerts. Parmi elles, la Sédunoise Thuy Essellier venue rejoindre sa sœur et son neveu. «Sauf que je n’ai jamais pu entrer», commence-t-elle. «C’est choquant. Je suis quelqu’un d’autonome et j’avais payé mon billet comme tout le monde.» Un sésame qui lui sera toutefois remboursé. «La question n’est pas là, c’est un droit qu’on nous enlève. J’ai vu des mères de famille qui ont dû rebrousser chemin avec leurs enfants en chaise roulante.»
La production n’a pas à décider de la liberté de chacun. Maude Theler, présidente du Forum Handicap Valais-Wallis
Pour la présidente du Forum Handicap Valais-Wallis (FH-VS), Maude Theler, cette affaire dépasse le cadre strict de la manifestation. «La production n’a pas à décider de la liberté de chacun», relève-t-elle. «C’est une très mauvaise image pour les personnes qui viennent de toute la Suisse romande». A noter qu’en 2017, Sion sous les étoiles faisait déjà l’objet de critiques en matière d’accueil de personnes à mobilité réduite.
Appel au boycott de Sion sous les étoiles
La crainte du mouvement de foule
Michael Drieberg, patron du festival, se dit touché par les différents témoignages, mais précise n’avoir pas d’autres choix que d’appliquer la politique de sécurité. «C’est bouleversant d’expliquer à quelqu’un en fauteuil roulant qu’il ne pourra pas entrer, mais nous ne pouvons pas céder à l’émotion.» Selon lui, le risque est trop grand pour être ignoré. «Il faut bien comprendre qu’en cas d’évacuation d’urgence, ces personnes représentent un énorme danger pour les autres. Si quelqu’un trébuche sur une chaise dans un mouvement de foule, c’est la catastrophe assurée», poursuit celui qui endosse «l’entière responsabilité en cas d’accident».
Si quelqu’un trébuche sur une chaise roulante dans un mouvement de foule, c’est la catastrophe assurée. Michael Drieberg, patron du festival
Michael Drieberg ajoute encore que le dispositif mis en place pour les personnes en situation de handicap (estrade gratuite, parking, toilettes) relève du bon vouloir de l’organisation. «Je ne vois pas ce que l’on peut faire de plus. Nous devons veiller à la sécurité de tous.»
Samedi, en début de soirée, ils étaient une dizaine de concernés à manifester aux abords de l’entrée. «On nous martèle l’excuse de la sécurité alors que des personnes ivres, des personnes avec un handicap mental, des femmes enceintes ou des jeunes enfants peuvent accéder au site», s’insurge Jérôme Bagnoud, président du Club en fauteuil roulant du Valais romand.
En début de soirée, ils étaient une dizaine de concernés à manifester aux abords de l’entrée
L’exemple du Paléo
Le cas du Paléo étaie systématiquement l’argumentaire de nos interlocuteurs. En effet, le festival nyonnais – qui accueille 45 000 visiteurs par jour – ne prévoit pas de restrictions particulières pour les personnes en situation de handicap. «Nous prônons une approche inclusive pour que chacun puisse vivre pleinement cette expérience. Des plateformes sont installées à proximité de chaque scène pour permettre de bien profiter des concerts, mais les festivaliers en fauteuil roulant circulent comme ils l’entendent sur tout le site (ndlr: six scènes pour 15 hectares).»
Des sourires sur l’estrade
Aux alentours de 19 heures, une quinzaine de personnes en fauteuil roulant garnissent les rangs de l’estrade qui leur est dédiée. L’agitation en dehors de l’enceinte du festival ne semble pas se réverbérer sur cette plateforme située à une trentaine de mètres de la scène. «J’ai réservé ma place le 7 juin dernier, c’est un bon endroit pour voir le concert», sourit Olivier Godinat, spécialement venu de Genève pour l’occasion.
Jocelyne Guignet, elle, a été repêchée. «Il n’y avait plus de place disponible, mais l’organisation m’a rappelée après un désistement», raconte celle qui reste en désaccord avec le règlement du festival. «Je trouve que c’est injuste, mais je suis bien contente d’être là», ajoute-t-elle.
Dans l’angle de la plateforme, un homme en chaise roulante et son épouse saluent le travail mené par l’organisation. «Tout est très bien indiqué sur le site. Quand on est en situation de handicap, il faut se renseigner avant de se rendre dans une telle manifestation», estiment ces deux fans de Gotthard. «C’est trop dangereux d’imaginer une personne en chaise roulante au milieu de la foule.»