(Le Nouvelliste)
La politique des mesures d’accès pour les personnes à mobilité réduite est différente dans les autres festivals.
Le 13 juillet 2019, des personnes à mobilité réduite manifestent leur mécontentement concernant leur interdiction d’entrer dans le festival Sion sous les étoiles. GABRIEL MONNET
PAR ESTELLE.BAUR@LENOUVELLISTE.CH
On parle d’interdire l’accès des chaises roulantes au milieu des gens, sur la pelouse.» Michael Drieberg, organisateur de Sion sous les étoiles, précise les raisons du refoulement d’une douzaine de festivaliers en situation de handicap: «Personne n’oserait ouvrir un site si, éparpillés sur la pelouse, on avait des blocs rigides d’un mètre de haut qui pèsent 200 kg.» Objet de vives critiques ce début de semaine, le festival fait figure d’exception en la matière, selon notre enquête.
Pour son organisateur, la véritable nature du débat consiste «à ne pas mélanger sensibilité et sécurité. On doit gérer la sécurité du public et le confort des personnes en chaise roulante.C’est la raison pour laquelle on construit des plates-formes pour les handicapés.» A Sion sous les étoiles, la capacité des plates-formes définit le nombre de billets à disposition des personnes à mobilité réduite. Celles-ci doivent par ailleurs être accompagnées et c’est l’accompagnant qui paie l’unique billet d’entrée. Une politique d’accueil qui diffère des autres festivals.
Etre libre d’aller où l’on veut
Philippe Gex, directeur de la Maison Terre des hommes Valais, propose,dans le cadre du festival homonyme,«un système de plates-formes sans contrainte. Les personnes à mobilité réduite peuvent y réserver leurs places, mais elles peuvent aussi aller sur la pelouse.» Lionel Martin, directeur et programmateur du Tohu-Bohu, autorise l’accès partout dans son enceinte:«Il n’y a pas d’estrade pour les personnes en chaise roulante, mais un espace naturel, surélevé.»
Dave Vuissoz, responsable de l’accueil et de la sécurité de Week-end au bord de l’eau, explique qu’ils mettent «également à disposition une petite estrade devant la scène d’une capacité d’une quinzaine de personnes environ, sans réservation, libre d’accès, mais uniquement si ces personnes le souhaitent».
Il s’agit là de petites structures,comme nous l’explique Silvio Caldelari, président du Sierre Blues Festival:«Je comprends le souci de sécurité,c’est la raison pour laquelle nous demandons que les personnes s’annoncent; cela nous permet de les recevoir dans les meilleures conditions, en proposant un podium plus grand. Nous disposons d’une estrade pour celles à mobilité réduite, dans le cadre des grands concerts. Ce n’est donc pas systématique. Elles ont, autrement, accès à la pelouse. Le terrain est légèrement en pente, mais ça ne pose aucun problème.»
Taille de la manifestation
Pour le Sierre Blues, il s’agit surtout d’une question d’ampleur du festival:«On n’a pas 15 000 personnes qui arrivent chaque soir. Nous avons des habitués avec qui nous travaillons. Des copains qui sont dans des chaises et qui nous font des retours sur les choses à mettre en place.»
A ce titre, Michael Drieberg a par ailleurs précisé que l’organisation de Sion sous les étoiles allait réfléchir à une augmentation des capacités de ses plates-formes d’accueil pour les prochaines éditions. «Paléo est peut-être plus laxiste, parce qu’il a des hectares de terrains. Chez nous, s’il y aune évacuation, tout le monde va dans le même sens», affirme-t-il. «Avoir des chaises dans ce flux de personnes,c’est impensable.» Michèle Müller, attachée de presse du Paléo, confirme: «La gestion diffère selon l’aménagement du terrain. Nous sommes sur un champ; en cas d’évacuation, il y a des sorties partout.»
A l’Openair Gampel, «c’est l’accompagnant qui prend la responsabilité d’évacuer la personne en chaise roulante, raison pour laquelle son entrée est gratuite», précise Olivier Imboden, responsable de communication. On constate alors une nouvelle différence notable entre Sion sous les étoiles et les autres manifestations musicales: le billet est d’ordinaire offert à la personne accompagnante et non à celle en situation de handicap, comme c’est le cas du festival sédunois.
«Ce qui a été fait n’est pas conforme à la Convention de l’ONU»
La loi fédérale sur l’inégalité pour les handicapés (LHand) stipule que«les particuliers qui fournissent des prestations au public ne doivent pas traiter une personne handicapée de façon discriminatoire du fait de son handicap» (art. 6). Pour Inclusion Handicap en la personne de l’un de ses spécialistes de l’égalité, Me Cyril Mizrahi, «la jurisprudence du Tribunal fédéral de 2012 sur la LHand est trop restrictive, mais, quand M. Drieberg parle de personnes en les qualifiant de «chaises», il a une vision quasi ségrégationniste et donc pour ainsi dire illégale même selon cette approche. Quoi qu’il en soit, il faut se référer aux art. 2 et S de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées, ratifiée par la Suisse en 2014, qui nous donnent une vision beaucoup plus large de la définition de discrimination. Selon nous, ce qui a été fait à Sion n’est clairement pas conforme à cette Convention.»