Berset a lancé l’enquête sur le scandale des experts AI

(Le Matin)

Procédures biaisées, expertises contradictoires, revenus hors normes ou textes «copiés-collés», les pratiques des experts liés à l’AI vont faire l’objet d’une analyse externe approfondie.


Alain Berset est resté plutôt évasif face aux reproches faits aux experts mandatés par l’AI. Mais cela ne veut pas dire qu’il n’a pas empoigné le problème. Image: Peter Klaunzer/Keystone

 

Peut-on imaginer qu’un médecin expert pour l’AI se contente de faire des «copiés-collés» pour attester qu’une personne est apte à travailler à 100%? Le conseiller national Stefan Müller Altermatt (PDC/SO) a évoqué ce lundi, à l’heure des questions au Conseil national, le cas d’un médecin bernois, qui aurait produit seize expertises similaires pour seize personnes différentes, alors que leur médecin traitant avait conclu à une incapacité de travail. Il relève que ce médecin a gagné pour 3,1 millions de francs depuis 2012 avec des expertises pour l’AI.

«Le médecin serait exclu»

Qu’en dit le conseiller fédéral en charge de la santé, Alain Berset? «L’appréciation de la santé d’un assuré est une affaire individuelle et ne peut être faite qu’au cas par cas. Si l’expert se contente de copier les avis précédents ce n’est pas acceptable pour l’AI». Mais selon lui, l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) n’a pas connaissance d’une telle situation. Si cela devait être le cas, un tel expert «serait exclu préventivement de l’attribution de nouveaux rapports», a-t-il affirmé.

Analyse externe lancée

Depuis la publication dans les médias alémaniques en novembre des revenus de certains médecins experts pour le compte de l’AI, la malaise est palpable. Les conseillers nationaux s’en font l’écho: des procédures biaisées pour Benjamin Roduit (PDC/VS), des expertises contradictoires au détriment d’une assurée pour Nadine Masshardt (PS/BE), des revenus hors normes pour Kathryn Bertschy (VL/BE) ou des dossiers «copier-coller». Dans ses différentes réponses, Alain Berset a joué la prudence et a précisé que son département avait décidé en novembre de lancer une analyse de ces expertises par un organe externe.

Contraire à une bonne pratique

Benjamin Roduit s’étonne qu’un médecin expert pour l’AI déclare que l’assurance lui demande des précisions lorsqu’il conclut au droit à une rente, mais non si la personne est déclarée apte au travail à 100%. Selon Alain Berset: «Les offices AI sont tenus de soumettre toutes les expertises à un contrôle de la qualité sous l’angle de la médecine des assurances, quel qu’en soit le résultat». Pour lui, si l’OFAS venait à avoir connaissance du fait qu’un office AI ne le fait pas, elle interviendrait pour faire respecter les directives.

Pas de travail, pas de rente

Nadine Masshardt a relevé un cas où l’AI avait refusé des mesures de formation à une femme, sous prétexte qu’elle était en mauvaise santé. Puis l’AI a refusé une rente à cette femme après une expertise d’un médecin (le docteur K, qui a gagné 334 000 francs en 2018 avec l’AI) qui avait conclu à une capacité de travail de 100 %. Alain Berset lui a précisé qu’il était difficile d’avoir un avis sur un cas précis, se contentant de rappeler que les offices AI devaient se décider au cours de procédures qui font apparaître «différentes appréciations».

Cinq fois plus qu’un thérapeute ?

Enfin, Kathryn Bertschy est revenue sur les déclarations d’un médecin-chef dans le magazine «Beobachter». Elle demande s’il est normal que «les experts AI gagnent jusqu’à cinq fois plus que s’ils officiaient comme thérapeutes?» Alain Berset a rappelé que «la rémunération pour les expertises polydisciplinaires réalisées pour l’AI sont fixées depuis 2012 par une prescription du Tribunal fédéral».

Est-ce normal ou pas? Il n’a pas donné de réponse, mais l’enquête commandée par le DFI devrait aller au fond des choses. Probablement qu’elle n’oubliera pas les cas cités aujourd’hui devant le Conseil national.

Eric Felley