(le Matin)
Gantés de blanc pour applaudir en levant les bras et en agitant les mains, une cinquantaine de malentendants bénéficiaient mercredi matin d’une traduction en langue des signes au Grand Conseil bernois, de manière à suivre un débat soulevé par le député Mohamed Hamdaoui (PDC), lui même handicapé dans sa mobilité.
Mercredi matin au Grand Conseil bernois, la communauté des malentendants a suivi le débat traduit en langage des signes, en deux langues.
L’enjeu: imposer une reconnaissance officielle de la langue des signes dans l’administration bernoise, via une modification législative. Mohamed Hamdaoui (PDC) exigeait en particulier un accès «adapté au système judiciaire, à l’administration et aux services publics aux personnes communiquant par le langage des signes».
De cette oreille
Las! Le gouvernement ne l’a pas entendu de cette oreille: le Conseil-exécutif considère «disproportionné d’adopter un acte législatif fondé sur une seule forme spécifique de handicap». Son raisonnement: «En cas de besoin, par exemple pour un entretien dans un office, au tribunal ou à l’hôpital, il est possible de faire appel à des interprètes en langue des signes via Procom».
«Nous ne sommes pas là pour prendre des mesures symboliques, mais pour proposer de vraies solutions», a insisté le conseiller d’Etat Pierre Alain Schnegg, en charge de la santé, des affaires sociales et de l’intégration.
134 voix contre 11
Le Grand Conseil se préparait à rejeter sa motion quand Mohamed Hamdaoui l’a transformée en un postulat moins contraignant. Bien lui en pris: le Grand Conseil l’a accepté par 134 voix contre 11.
Dans la tribune du public, les malentendants ont applaudi à leur manière. Le président du Grand Conseil leur a signalé avec le sourire que le public n’était pas autorisé à manifester sa joie, mais qu’agiter des mains gantées n’avait pas dérangé le plénum.
«Moi, j’ai de la chance: mon handicap est visible», avait plaidé au micro Mohamed Hamdaoui, victime de la polio. Au sujet des malentendants, il a souligné que non seulement leur handicap est invisible, mais «leur souffrance est silencieuse».
«Manif silencieuse»
«Je n’ai jamais assisté à une manifestation aussi silencieuse», indiquait avant la séance Synes Ernst, vice-président du PDC bernois, tandis que des malentendants brandissaient des pancartes et distribuaient des bouchons d’oreilles marqués «Ne Soyez pas sourds à nos soucis!».
«À handicap à part, solution à part», insiste Mohamed Hamdaoui, à l’issue du vote. Sa crainte: que la cause des sourd finisse dans un tiroir. Son modèle est à Genève, mais le député bernois ne voulait d’une modification de la Constitution cantonale qui nécessiterait une votation populaire.
Ce qui comptait le plus pour lui après le vote? «Les malentendants ont le sentiment qu’on commence à les écouter»., conclut Mohamed Hamdaoui.
Vincent Donzé