Le restaurant Vroom met la langue des signes au menu

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L’établissement genevois, géré par des personnes sourdes et malentendantes, a ouvert ses portes vendredi. Ce projet, une première en Suisse, vise à sensibiliser le public à ce handicap.

Leila Hussein

A l’occasion de l’inauguration du restaurant, vendredi, les lieux affichaient complet.

Un calme surnaturel nous accueille à Vroom, malgré la présence de nombreuses personnes. Dans ce restaurant, géré par des personnes sourdes et malentendantes, c’est le visuel qui prime. Langue des signes, voyants lumineux ou encore miroirs, tout est prévu pour aider les personnes atteintes de surdité à communiquer. Vendredi, à l’occasion de l’ouverture de l’établissement situé dans le quartier de Plainpalais, entendants et malentendants ont évolué dans le même univers sans distinction. «Les sourds ont soif de communiquer, de se rencontrer, de partager. Nous voulions un lieu qui accueille tout le monde, mais où ils se sentent aussi à l’aise», explique Mehari Afewerki, président de la Société des sourds de Genève (SSGenève) et instigateur du projet.

«Montrer que nous sommes capables de travailler»

Sur les sept employés du restaurant, quatre sont sourds ou malentendants. «Nous voulons changer les aprioris que les gens ont sur nous et montrer que nous sommes aussi capables de travailler. L’objectif est de sensibiliser le public à notre handicap, car si tout le monde savait signer (ndlr: communiquer avec la langue des signes), il n’y aurait plus de surdité. Ce serait un rêve, mais pour ça, il faut que la société accepte de s’ouvrir à nous.»


Discrimination au travail

«Il y a très peu d’emplois ouverts aux personnes sourdes et malentendantes. Ce restaurant est une bonne manière de visibiliser une population qui est trop souvent cachée», se réjouit Sylviane, venue découvrir les lieux. Jeudi, la Fédération suisse des sourds a, en effet, révélé que les plaintes pour discrimination sont en hausse ces dernières années, avec 114 cas traités l’an passé. «Les personnes atteintes de ce handicap sont trois fois plus discriminées à l’embauche», a aussi rappelé Elodie Ernst, porte-parole de Vroom.


Sur les tables de l’établissement, une fiche d’initiation à la langue des signes est mise à disposition, mais les lieux s’adaptent à tous les clients. Ainsi, des personnes entendantes font également partie du staff. Caroline est l’une d’entre elles. Sans aucune connaissance de la langue des signes, en six mois à peine, elle a acquis les bases. Preuve que le projet porte déjà ses fruits «J’ai appris en passant du temps avec l’équipe», confie l’employée qui exerce dans la restauration depuis treize ans. «Finalement, ça ne change pas grand-chose. La seule différence, c’est qu’ici, j’utilise plus mes mains», sourit celle qui «avait envie de relever un nouveau défi».

Une première en Suisse

Si Vroom a pu devenir une réalité, c’est grâce au soutien de plusieurs fondations et d’autres donateurs qui ont financé le projet lors d’une campagne de crowdfounding lancée en 2020. En Suisse, il est le premier restaurant du genre et Mehari Afewerki espère qu’il «servira de modèle et fera l’effet d’une traînée de poudre dans le pays». Des projets similaires sont également étudiés dans d’autres cantons, «malheureusement, ils butent sur l’obstacle du financement».

Et pour cause, pour créer un tel espace, plus de 900’000 francs ont été nécessaires. «Nous avons dû faire beaucoup de travaux pour adapter les lieux», explique l’homme à l’origine du restaurant. Plafond et sol phonoabsorbants, voyants lumineux en cuisine et dans la salle, montres vibrantes connectées à des sonnettes installées sur les tables ou encore baies vitrées pour laisser entrer la lumière du jour. La liste est longue.

Différentes formes de handicap

«Je suis ravie de faire découvrir mon univers à mon amie entendante», confie Rachel. La jeune femme qui «entend et parle bien grâce à un implant» trouve important de montrer qu’il «existe différentes formes de surdité. Certains signent, d’autres parlent et entendent, d’autres encore utilisent le LPC, le langage parlé et complété, un code qui aide à lire sur les lèvres».

A ses côtés, bien que le niveau sonore soit monté au fil de la soirée, ses deux camarades entendants s’étonnent toujours du peu de bruit dans la salle sans musique. «Nous, on est habitués au brouhaha, mais pour les sourds et malentendants, c’est difficile à gérer avec les appareils», explique Marvin. «C’est super qu’ils aient un lieu où ils se sentent bien et nous, on est contents d’apprendre des choses», conclut Elisa.