Tourisme inclusif au cœur de Morges

(htrHotel Revue)

Fidèle à son positionnement «slow», Morges Région Tourisme étoffe son offre touristique accessible aux personnes avec handicap. Une démarche qui témoigne de la tendance des destinations prendre conscience de l’enjeu sociétal et économique de cette clientèle.


Morges Région Tourisme est sur le point d’inaugurer un parcours adapté aux personnes a mobilité réduite de trois kilomètres, le long du lac Léman.Yves Burdet

 

Alain-Xavier Wurst

Surface plate et asphaltée, largeur de la voie, toilettes spacieuses, seuils des trottoirs, rien n’a laisse au hasard. Morges Région Tourisme a créé un parcours de 3 kilomètres longeant le lac Léman entre Morges et Préverenges, entièrement adapté pour les personnes en fauteuil roulant.

Déjà référencé sur Suisse Mobile, qui recense 76 circuits accessibles dans toute la Suisse, il doit être inauguré ce printemps. Grâce un guidage vocal venir sur l’application d’orientation «MyWay Pro» développée par la Fédération suisse des aveugles et malvoyants, il sera également empruntable par les personnes atteintes de déficit visuel. Ce projet est ne dans le cadre du projet Innotour «Destinations sans barrières», lance en 2019 par le Secrétariat d’État à l’économie et pilote par la Fondation Claire & George.

«Cette promenade est amenée à devenir une offre centrale du tourisme sans obstacles que nous développons sur le district, d’autant qu’on peut la promouvoir comme hiver. Associée à la Fête de la tulipe, qui dure jusqu’au mois de mai, et à celle du Dahlia de juillet octobre, c’est une combinaison idéale», dit Stefanie Harris, chargée du projet accessibilité à Morges Region Tourisme.

Aux côtés de l’Arboretum d’Aubonne équipè d’un fauteuil roulant tout-terrain, des jardins du château de Vullierens, des caves viticoles ou encore des musées de la ville de Morges, cette nouvelle promenade vient étoffer le portfolio des nombreuses prestations touristiques accessibles aux personnes avec handicap dans le district morgien. «Le projet s’inscrit pleinement dans notre stratégie de positionnement Slow Tourisme», souligne Véronique Hermanjat, déléguée au tourisme de l’Association Cossonay-Aubonne-Morges (Arcam). Elle explique: «Nous avons profité que le canton de Vaud ait très tôt établi un partenariat avec Pro Infirmis Vaud pour auditer des sites touristiques de la région. La clé du succès est en effet de livrer une information la plus détaillée possible de nos produits.»

Tout un écosystème, de la mobilité à la chambre d’hôtel

Organisation faîtière représentant les intérêts des personnes avec handicap en Suisse, Pro Infirmis propose aux destinations, aux communes ou aux établissements d’évaluer l’accessibilité de leurs «points of interest» (POI) ou de leurs équipements. Des relevés très précis sont effectues sur le terrain. 11 en va par exemple de la largeur des portes, de la déclivité de la voie, des lignes de guidage pour personnes malvoyantes, des offres en langue des signes, etc. Les caractéristiques de chaque lieu ou établissement visite sont ensuite répertoriées photos l’appui dans la base de données de Pro Infirmis consultable en ligne. Cette dernière comprend à ce jour 7700 POL

«Le plus souvent, nous contactons les destinations pour leur proposer des audits. Certaines veulent aller plus loin dans la démarche, comme Morges Région Tourisme, qui nous a confié une liste d’objets prioritaires à évaluer. L’intérêt des destinations pour la thématique du handicap va en grandissant, même si c’est sans doute dû d’abord au vieillissement de la population», relève Marc Butticaz, collaborateur scientifique au sein du service Construction et environnement de Pro Infirmis.

Et pourtant, ce ne sont pas les initiatives de tourisme accessible qui manquent. Acteurs souvent discrets, les fondations privées et associations disposent pour certaines de fonds conséquents et sont la recherche de partenariats auprès des destinations, qui, la plupart du temps, ne soupçonnent pas l’étendue et les possibilités de ce tissu associatif et économique.

«Tout le monde parle de tourisme inclusif, mais malheureusement, beaucoup de destinations se contentent d’aménager une voie pour les personnes handicapées et puis c’est tout. Mais ce tourisme implique tout un écosystème. S’il n’y a pas d’hôtels ou de restaurants adaptés, cela limite considérablement les déplacements», relève Hélena Bigler, responsable Sport et voyages de Procap, la plus grande organisation suisse au service des personnes handicapées. Pour l’heure, Procap travaille à une plateforme qui mettrait en relation des personnes volontaires avec des personnes handicapées afin d’organiser des accompagnements journaliers. «Notre idée serait qu’une personne se dise,cet après-midi, j’ai une heure de libre, je vais proposer à une personne ayant besoin d’assistance de nous promener ensemble.»

Fauteuil roulant tout-terrain adapté à la montagne

Rien ne serait pour autant plus faux que de réduire le monde du handicap au bénévolat et l’assistanat. «Les personnes avec handicap constituent une clientèle très loyale, elles voyagent rarement seules, reviennent volontiers quand l’expérience leur a plu et sont trais bien connectées entre elles. Quand les infrastructures sont bonnes, les nouvelles se communiquent rapidement sur les forums et les réseaux sociaux», souligne Thomas Erne, directeur de la Fondation Cerebral, qui soutient près de 10 000 personnes handicapées en Suisse. Il insiste particulièrement sur l’accès à la nature

«II s’agit d’une clientèle très loyale, voyageant rarement seule et revenant volontiers»
Thomas Erne Directeur de la Fondation Cerebral

Avec une jeune entreprise de la région bernoise, la fondation a développé un fauteuil roulant tout-terrain adapte à la montagne, supportant jusqu’à 33% de pente.«L’intérêt des régions pour ce matériel est très grand, surtout en Romandie», se réjouit Thomas Eme. Une douzaine de destinations en a fait l’acquisition, et la fondation en annonce bientôt huit autres, en particulier dans le Jura et le canton de Vaud.

proinfirmis.ch
cerebral.ch
procap.ch


Societe de conseil et coaching

«Penser l’accessibilité en amont»

Créée en 2019 Genève par Céline Witschard, la société de conseil et coaching «Vision positive» a pour but de sensibiliser les institutions et entreprises aux obstacles rencontres par les personnes aveugles ou malvoyantes. Un handicap dont la société ne prend pas suffisamment conscience, alors qu’il touche environ 5% de la population suisse. «La plupart des gens ne savent pas par où commencer. La mise en accessibilité des services ou prestations nécessite de prendre en considération de nombreux facteurs de manière parallèle, plus an les pense en amont, mieux c’est», dit Céline Witschard, elle-même malvoyante, qui effectue actuellement un audit de l’accessibilité visuelle des musées de la ville de Morges.

«Les milieux culturels sont plus avances par rapport ä ces questions de handicap. Dans l’hôtellerie ou la restauration, le manque de connaissances élémentaires sur le sujet est encore très marque, à commencer par l’absence de cartes plus lisibles dans la plupart des établissements», relève Céline Witschard. Loin de jeter la pierre, elle insiste sur l’information. Au niveau des destinations, les choses «commencent à bouger», même si les efforts se limitent encore trop souvent au seul handicap physique.

Il faut penser la chaine de l’accessibilité dans son ensemble», souligne Céline Witschard, par ailleurs collaboratrice au sein de la HES-SO Valais pour la formation des métiers du tourisme à l’accueil dune clientèle considérée comme particulière – à tort. «Si l’on sait répondre à ses attentes, le gain économique est évident.»

vision-positive.ch


 
«Sur 3000 hôtels en Suisse, environ 500 sont plus ou moins accessibles Susanne Gäumann Directrice de la Fondation Claire & George, qui soutient des voyages et vacances sans obstacles en Suisse.

La Fondation Claire & George va lancer un «Accessible SwitzerlandTour», de quoi s’agit-il?

A l’image du Grand SwitzerlandTour, nous souhaitons mettre en place un réseau national d’expériences accessibles aux personnes avec handicap. Nous attendons l’accord du Secrétariat d’État à l’économie pour démarrer cet été L’objectif serait aussi d’établir un circuit réunissant les grandes villes suisses entre elles, avec des offres commerciales incluant des séjours h6teliers et des expériences accessibles. Saint-Gall, Lausanne, Interlaken sont déjà membres de ce réseau, Berne, Zurich et Lucerne sont en discussion. Genève manque encore à l’appel, mais nous serions très heureux de voir Genève Tourisme rejoindre notre initiative!

Comment diffusez-vous l’information auprès de votre public?

Sur notre site d’abord, mais nous aurons un partenariat avec Suisse Tourisme pour le projet Accessible SwitzerlandTour. Nous ferons aussi tester ce projet par des blogueurs étrangers. Cela contribuera à renforcer l’image de la Suisse comme destination internationale accessible aux personnes avec handicap.

Comment se caractérise cette clientèle ?

Elle est comme toutes les autres, elle va vers les destinations les plus proactives, avec des sites bien documentés où elle obtient les bonnes informations.

Où se situe la Suisse pour le tourisme sans barrières, d’une manière générale?

Beaucoup de choses s’améliorent. L’offre des transports publics est satisfaisante. Sur 3000 hötels en Suisse, nous en avons recensé environ 500 entre 2016 et 2019 qui sont plus ou moins accessibles. Le temps joue en notre faveur, les nouveaux hôtels doivent désormais adopter des règlementations spécifiques. Mais l’information reste primordiale pour que les clients planifient eux-mêmes leurs séjours. Nous devons encore plus communiquer sur nos initiatives.

claireetgeorge.ch