Le Tribunal fédéral admet le recours d’une femme en situation de handicap

(Inclusion-Handicap)

Une femme en situation de handicap s’est plainte d’une discrimination de la part d’un employeur de droit public du canton de Genève. Dans son arrêt, le Tribunal fédéral souligne clairement la portée de la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées dans une telle situation et conclut que l’instance précédente n’a pas suffisamment instruit les griefs de la recourante. La cour cantonale doit maintenant revoir sa copie. Du point de vue d’Inclusion Handicap, il s’agit d’un succès important.

Julie (nom modifié), atteinte de sclérose en plaques, a perdu son travail à l’Hospice général, l’institution de droit public du canton de Genève chargée de l’aide sociale, un peu plus d’une année après la naissance de sa fille. Elle y travaillait depuis 2017 à la satisfaction de son employeur, qui a plusieurs fois renouvelé son contrat à durée déterminée. Les effets de sa maladie ont été renforcés par la grossesse. Bien que sa médecin traitante ait attesté de sa capacité de travail (réduite), l’Hospice général a refusé de prolonger son contrat, malgré sa pratique constante consistant à engager le personnel d’abord pour une durée déterminée avant de le pérenniser s’il donnait satisfaction, ainsi que le fait que plusieurs postes correspondants étaient disponibles et que Julie* avait dûment postulé. Auparavant, le médecin-conseil de l’employeur avait tenu à l’égard de sa médecin traitante des propos méprisants sur la recourante : « Madame fait désordre dans les locaux et choque ».

La Cour de justice (Tribunal cantonal) a pourtant refusé de prendre en considération ces différents éléments, d’auditionner la médecin traitante en tant que témoin afin d’établir les faits, en particulier concernant les déclarations désobligeantes du médecin-conseil, ainsi que d’ordonner à l’employeur de produire des documents relatifs à la pratique en matière d’engagement et de pérennisation du personnel.

La cour cantonale doit revoir sa copie

Le Tribunal fédéral admet le recours de la femme en situation de handicap concernée dans la mesure où il le renvoie à l’instance précédente. Il demande au tribunal cantonal de réexaminer le cas et de statuer à nouveau. Selon les juges de Lucerne, l’instance précédente a violé son droit d’être entendu (art. 29 al. 2 de la Constitution fédérale ; Cst.) en refusant le témoignage et les moyens de preuve proposés par la recourante. En effet, ces moyens de preuve auraient pu démontrer que l’employeur de droit public avait discriminé la plaignante en raison de son handicap. Une telle discrimination n’est pas compatible avec la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées (CDPH) et la Constitution fédérale, ni même avec la loi fédérale sur l’égalité entre femmes et hommes (LEg).

La CDPH prise au sérieux

Inclusion Handicap a représenté la recourante dans la procédure et salue cette décision : il est intéressant et réjouissant de constater que le Tribunal fédéral place au centre de son argumentation la protection que la CDPH garantit aux personnes handicapées dans la vie professionnelle. Il constate pour la première fois que l’interdiction de la discrimination en raison d’un handicap (art. 5 CDPH, ici aussi en relation avec l’art. 27, par. 1, CDPH) oblige le canton à prendre des mesures d’aménagement raisonnable sur le lieu de travail si nécessaire. Il rappelle en outre que les tribunaux suisses doivent appliquer directement cette interdiction de discrimination inscrite dans le droit international (justiciabilité directe). Le Tribunal fédéral laisse expressément ouverte la question de savoir quelles seront les conséquences de l’existence d’une discrimination si elle est établie dans la suite de la procédure. Mais il a clairement fait comprendre à la cour cantonale qu’en ce qui concerne les questions de discrimination des personnes en situation de handicap dans le domaine du travail, tant la CDPH que la Cst. doivent être prises au sérieux.


Documentation

Renseignements

Caroline Hess-Klein, responsable Département Égalité Inclusion Handicap
076 379 94 72 / caroline.hessklein@inclusion-handicap.ch

Cyril Mizrahi, avocat, Département Égalité Inclusion Handicap
079 412 21 80 / Catégories Articles/Artikel