(Le Courrier Genève)
Travail Le Tribunal fédéral intime à la justice genevoise de réexaminer le cas d’une ancienne employée de l’Hospice se disant victime de discrimination liée à son handicap.
RACHAD ARMANIOS
Julie*,assistante sociale engagée comme auxiliaire à l’Hospice général, a-t-elle été victime de discrimination attribuée à son handicap, voire d’une violation de la loi sur l’égalité liée à sa grossesse? En tous les cas, le Tribunal fédéral(TF)intime à la justice genevoise d’examiner à nouveau ce cas, un peu trop vite balayé selon lui.
Dans un arrêt du 14 avril, le TF décrète que la Cour de justice genevoise aurait dû entendre comme témoin la médecin traitante de cette femme, atteinte de sclérose en plaques et dont l’état de santé s’était aggravé après sa grossesse.En effet,selon Julie,à la suite de son congé maternité, le médecin-conseil mandaté par l’Hospice général a dit à sa médecin traitante que l’employeur n’était pas pressé de la reprendre.La doctoresse dit avoir ressenti un«racisme anti handicapés», transmettant à sa patiente une phrase prononcée par son confrère qui a fortement blessée cette dernière: «Madame fait désordre dans les locaux et choque.»
Julie a travaillé à l’Hospice général dès 2017sous le régime de contrats à durée déterminée plusieurs fois prolongés.Selon elle,la non-prolongation de son contrat au-delà du3 0juin2020 a constitué une discrimination en raison de son handicap.Elle estime que la pratique de l’Hospice consiste à engager le personnel pérenne avec le statut d’auxiliaire puis à le nommer s’il donne satisfaction.Elle demandait que l’employeur fournisse les documents attestant de cette pratique administrative. Mais la justice genevoise ne l’a pas suivie, arguant que la période maximale de trois ans pour un contrat d’auxiliaire n’avait pas été dépassée.Dès lors,la recourante ne bénéficiait d’aucun droit à une prolongation de son contrat ou à un nouveau poste.
C’est à tort que la justice genevoise a jugé le raisonnement de Julie non pertinent,tranche le TF. Car il s’agit maintenant de vérifier si des préjugés liés au handicap ont conduit l’Hospice à s’écarter de cette pratique administrative.Si tel était le cas,«il y aurait alors lieu d’examiner les conséquences juridiques d’un tel constat». Étant rappelé que Julie réclame sa réintégration avec les aménagements nécessaires -une table électrique réglable en hauteur,un siège adapté et un examen périodique une fois par an auprès du médecin du travail-et,subsidiairement, une indemnité correspondant à vingt-quatre mois de traitement.
Julie a été défendue par Inclusion Handicap,faîtière des organisations de défense des personnes en situation de handicap. Celle-ci, via l’avocat Cyril Mizrahi, se félicite de cet arrêt:«Le Tribunal fédéral place au centre de son argumentation la protection que la Convention de l’ONU relative aux droits des personnes handicapées garantit aux personnes handicapées dans la vie professionnelle.Il constate pour la première fois que l’interdiction de la discrimination en raison d’un handicap oblige le canton à prendre des mesures d’aménagement raisonnables sur le lieu de travail si nécessaire.»
*Prénom d’emprunt