Source : Le Nouvelliste 29.02.2012
Les personnes souffrant de surdité ou de cécité peinent à trouver un travail fixe. Malgré des capacités égales à celles des gens valides. Témoignages.
« Lors des entretiens, les employeurs me disaient que j’avais un excellent dossier, mais aucun n’a osé prendre le risque de m’engager. Le pire a été d’entendre un demandeur d’emploi me dire dans la salle d’attente qu’au lieu d’essayer de prendre la place d’un vrai chômeur, je devais aller à l’AI! » , s’exclame Katia Gille. Cette maman de deux enfants (13 et 19 ans), est malvoyante depuis des années. A 47 ans, elle est aujourd’hui toujours à la recherche d’un emploi, malgré les stages effectués dans diverses entreprises. « C’est très dur pour moi, car mon handicap ne date que d’une dizaine d’années et auparavant, j’occupais des postes de secrétaire de direction et j’avais de grandes responsabilités » , raconte-t-elle.
Après d’innombrables tests médicaux, son handicap visuel a été reconnu par l’AI en 2006. Katia Gille souffre de cécité corticale. « J’ai une maladie particulière, car mes yeux en tant que tels sont encore bons, mais mon cerveau n’arrive plus à reconstituer l’image que je vois. » Dans cette maladie, les informations visuelles sont mal transmises au cerveau, en raison de lésions cérébrales.
Depuis l’apparition de sa maladie, Katia Gille a entamé un véritable parcours du combattant au niveau professionnel. En 2006, son handicap visuel a été reconnu par l’AI. « On m’a alors convoquée pour un stage d’observation en vue d’une reconversion professionnelle. Une reconversion imposée, car si je refusais, j’aurais abandonné mes éventuels droits à l’AI, notamment l’octroi de moyens auxiliaires » , raconte-t-elle. Elle travaille alors deux ans à Yverdon, à des dizaines de kilomètres de son domicile de Genève. « Mes enfants étaient encore petits et avaient besoin de leur maman. Je ne pouvais pas rester à Yverdon. » Katia Gille effectue ainsi chaque jour ses trajets en train, et en bus, avec pour seul guide, sa canne blanche.
Quel avenir?
Après ses deux ans de reconversion, elle obtient deux places de stage, mais l’un de ses contrats de stagiaire n’est pas renouvelé pour des questions de budget. Suit alors une période au chômage de deux ans . « J’ai multiplié les offres dans trois cantons différents, j’en ai envoyé plus de 250! » En fin de chômage, Katia Gille a pris contact avec l’ASA-Valais qui lui propose un nouveau stage. Aujourd’hui, elle travaille au Service auto de Sion pour un emploi semi-protégé d’un an. « Je terminerai cet été et je ne sais pas ce qui va se passer ensuite. » Katia Gille ne peut dissimuler son inquiétude pour l’avenir. « Je traîne derrière moi le spectre de l’aide sociale car mes indemnités de chômage seront revues à la baisse du fait de l’aggravation de mon handicap qui me pénalisera sur mon aptitude au placement. »
La quadragénaire ne veut cependant pas baisser les bras. « Ce qui me motive, c’est ma famille. Je suis le pilier et je ne peux pas abandonner, sinon mon mari et mes enfants le feront aussi… » Quand elle regarde son parcours professionnel depuis le début de sa maladie, elle ne peut s’empêcher d’éprouver un brin de tristesse. « Trois ans de stage, deux ans de chômage, puis un an et demi de stage avec, au bout, le chômage, c’est un cercle vicieux. Un bilan bien triste pour une reconversion professionnelle considérée comme parfaitement réussie par l’AI! » CS a