Les mesures d’économies dans l’assurance invalidité décidées ces dernières années présentent des résultats convaincants. Rien ne justifie de pénaliser davantage les rentiers. Par l’expert financier Alfred Rey, par ailleurs conseiller scientifique de l’Association suisse des paraplégiques.
L’assainissement définitif de l’assurance invalidité (AI) peut se faire sans mesures d’économies supplémentaires aux dépens des personnes handicapées. De nouvelles coupes auraient pour seul effet d’amortir plus vite la dette envers le fonds AVS et d’engranger des bénéfices afin de réduire les cotisations, d’étendre les activités de l’AI ou de transférer les excédents dans d’autres domaines. L’objectif d’une assurance sociale n’est certainement pas de faire des bénéfices.
Grâce au financement additionnel accepté par le peuple et les cantons en septembre 2009, l’AI affichera des excédents positifs compris entre 430 millions en 2012 et 1200 millions en 2017. D’ici là, la dette envers le fonds AVS sera réduite de 5 milliards et elle passera de 14,9 à 9,9 milliards. Même après l’expiration, fin 2017, de l’augmentation du taux de la TVA, les perspectives financières prévoient toujours un excédent de 300 millions en 2018. Les comptes de l’AI ne descendront plus jamais dans les chiffres rouges. «Sans nouvelle révision de l’AI, les excédents annuels permettront d’éponger la dette d’ici à 2029», a précisé le président de la Commission de sécurité sociale et de santé du Conseil national (CSSS-N), Stéphane Rossini (PS/VS), lors de la conférence de presse du 12 octobre à Berne. Avec les coupes drastiques du deuxième volet de la 6e révision de l’AI (6b) décidées par la majorité de la CSSS-N, le désendettement sera plus rapide de quatre ans seulement, soit douze au lieu de seize ans. Il n’est donc pas nécessaire de pénaliser des dizaines de milliers de personnes handicapées et des familles qui vivent déjà avec une rente AI modeste.
La stratégie d’assainissement adoptée par le Conseil fédéral repose sur le principe de «l’intégration avant la rente». Après une forte augmentation dans les années 1990, le nombre de nouvelles rentes a été réduit de moitié depuis 2003. Depuis 2005, l’effectif total des rentes AI est également en recul. Cette tendance se poursuivra au cours des prochaines années, étant donné que, d’une part, la génération de baby-boomers née après la guerre atteint l’âge de la retraite et que, d’autre part, le nombre des nouvelles rentes reste à un bas niveau. Ainsi, le nombre de rentes supprimées sera nettement supérieur à celui des nouvelles rentes, ce qui se traduit par une diminution sur le long terme du nombre total des rentes.
Les premiers efforts d’économies de l’AI ont été entrepris avec la 4e révision (2004). La création de services médicaux régionaux (SMR) est la mesure la plus importante. Elle permet aux offices AI cantonaux de faire établir une évaluation uniforme par leurs propres médecins. La principale mesure d’économie pure consistait alors à supprimer la rente complémentaire du conjoint.
Trois nouveaux instruments ont été introduits avec la 5e révision (2008): la détection et l’intervention précoces permettant de réagir plus rapidement, ainsi que les mesures de réinsertion. S’ajoutent des coupes dans les prestations avec la suppression de la rente complémentaire existante du conjoint et la suppression des suppléments de carrière pour les jeunes bénéficiaires de rente. Le déficit se réduit également grâce à la réforme de la péréquation financière et de la répartition des tâches entre la Confédération et les cantons (RPT), les cantons étant dorénavant seuls responsables des homes et des écoles spécialisées, ainsi que de leur financement.
Au 1er janvier 2011, le financement additionnel en faveur de l’AI est entré en vigueur. Pendant une période limitée allant de 2011 à 2017, le taux ordinaire de la TVA est majoré de 0,4%. Cela permet à l’AI de retrouver les chiffres noirs et de réduire sa dette à partir de l’an prochain déjà. La promesse de n’augmenter le taux de la TVA en faveur de l’AI que pendant sept ans et de le baisser à nouveau au niveau antérieur de 7,6% doit être respectée.
Le premier train de mesures de la 6e révision (6a) a été décidé très vite par les Chambres fédérales et il est entré en vigueur au 1er janvier 2012. Il introduit des mesures supplémentaires visant à promouvoir la réinsertion professionnelle des personnes handicapées et prévoit de supprimer 17 000 rentes jusqu’en 2019. Le concept «Intégration avant la rente» sera dès lors complété par celui de «Réintégration pour sortir de la rente». Afin de faciliter ce processus, quantité de nouveaux outils incitatifs ont été mis en place pour les employeurs.
Les perspectives financières de l’Office fédéral des assurances sociales (OFAS) affirment que les mesures d’économies en vigueur suite aux 4e et 5e révisions, ainsi qu’au premier train de mesures de la 6e révision suffisent à assainir définitivement l’AI. Il est injuste, irresponsable et antisocial d’économiser davantage sur le dos des personnes handicapées et de pousser ainsi des dizaines de milliers de personnes et familles dans la précarité.
Les organisations de personnes handicapées de Suisse ont créé en automne 2011 l’Association «Non au démantèlement de l’AI» afin de faire front au moyen d’un référendum
•contre la réduction drastique des rentes des personnes lourdement handicapées (taux d’invalidité de 60 à 80%),
•contre la réduction d’un quart des rentes pour enfants, ainsi que
•contre de nouvelles dégradations des prestations AI aux dépens de personnes ayant un handicap.
Reste à espérer qu’une majorité du Conseil national mettra à profit, lors du débat de la révision 6b en session d’hiver, la marge de manœuvre qui se dégage afin d’éviter un référendum. Arrêtons de chicaner les personnes handicapées, d’autant plus que cela n’est vraiment pas nécessaire!
Source de l’information Le temps.ch