De coeur à coeurs

A 20 ans, Caroline Short écrit son premier livre. Polyhandicapée, emmurée dans un corps qui ne veut pas lui répondre, Caroline a réussi à échapper à cette prison à travers l’écriture. Grâce au soutien d’Anne-Catherine Bruchez, éducatrice sociale et fondatrice du Baluchon, un service de soutien en milieu familial pour l’accompagnement socio-éducatif de mineurs en situation de handicap ainsi que de celui de sa maman Line – toutes deux adeptes de la communication facilité – Caroline a pu partager ses émotions.

Une étrange communication

Permettre à une personne privée de paroles de s’exprimer au moyen d’un clavier, avec l’aide d’un « facilitant » lui tenant la main, c’est ça la communication facilitée. Ca paraît simple et pourtant, lorsqu’on rencontre Caroline Short et Anne-Cathe rine Bruchez, on comprend tout de suite qu’un seul clavier et une main qui soutient l’autre ne suffisent pas. « Il faut laisser de côté son mental pour accueillir les pensées de l’autre. Caroline pointe son doigt, donne une légère impulsion, je guide alors sa main. Les mots apparaissent clairement. Le clavier permet la concrétisation de la pensée. Je relis la phrase et Caroline confirme que je l’ai bien entendue. »

Pas facile de comprendre ces dialogues qui n’ont rien de cartésiens et par là même d’adhérer à cette méthode. Ils sont encore peu nombreux les professionnels qui pratiquent la communication facilitée. Outre la part de scepticisme, il faut compter avec le temps que cela demande.

« Ce n’est pas de la guidance, c’est de l’accompagnement. Il faut donc être à l’écoute, être patient et savoir attendre que cela se passe », explique Anne-Catherine Bruchez avant de préciser: « Il y a deux sortes de communications facilitées. Dans un premier temps, la communication facilitée permet de faire des choix en pointant des objets, des images ou des mots écrits. Elle permet aussi de pointer les lettres sur le clavier. On parle de geste facilité, à ne pas confondre avec le geste guidé. » Anne-Catherine Bruchez va plus loin avec Caroline. « Deuxième étape de la communication facilitée, la psychophanie met en relation le conscient et l’inconscient. Je perçois alors les images et les mots de Caroline. » Pour valider l’expérience, l’éducatrice sociale soumet – avec l’accord de Caroline – les textes à la maman. « Si Caroline m’avait parlé de neige et de balade, Line me confirmait que la famille s’était bien promenée sous les flocons… » Idem pour la venue au monde de Caroline ou pour des anecdotes de sa petite enfance, 100% de réponses justes!

D’autres antennes

Anne-Catherine écrit avec Caroline depuis 2007. De nombreuses lectures ont nourri leurs échanges. « Le Petit Prince », « Le Journal d’Anne Franck », « Oscar et la Dame Rose » d’Eric Emma nuel Schmitt…

Des textes que Caroline aime commenter, interpréter, à travers une intelligence émotionnelle rare et poétique. « Les paysages intérieurs sont très présents. Le fait qu’elle habite moins dans son corps lui a permis de développer d’autres antennes. Elle a un ressenti émotif exceptionnel » , explique Line Short, sa maman qui sert aussi de « facilitante » à sa fille et qui peint régulièrement avec elle.  » J’ai toujours su que Caroline comprenait tout ce qui se passait autour d’elle. Du jour où j’ai connu la communication facilitée, notre vie a changé. »

Un beau jour, Caroline a fait connaître son envie de partager ses textes avec les autres. L’idée d’un livre était née. Publié aux Editions Indigo Montangero et disponible en librairie, « De coeur à coeurs » va bousculer plus d’un a priori sur la vie d’une personne en situation de handicap.


« De coeur à coeurs », Caroline Short, Editions Indigo Montangero. 74 pages.

Source Le Nouvelliste